« Un océan de rouille » de C. Robert Cargill présentait une Terre sans humains, tous éliminés par les robots et autres IA qui connaissaient alors les mêmes problèmes pour la survie. Ce livre apprécié sur la Yozone aussi bien par Hilaire Alrune dans sa version poche que par moi -même se situe quelques décennies après les événements de ce fameux « Jour Zéro », ce jour charnière qui a divisé irrémédiablement l’humanité et sa création. Pas de retour en arrière, il faut un camp vainqueur, celui qui se partagera la planète.
Le narrateur n’est autre que Hopi, une peluche tigre, un robot nounou de luxe qui s’occupe d’un petit garçon au centre de toutes ses attentions. Suite à l’attentat d’Isaactown, une série de décisions entraîne l’émancipation des robots, suivie d’une véritable révolution sanglante. Pour la première fois, Hopi est libre et peut décider de partir, de laisser Ezra seul à la merci de robots criant vengeance et massacrant tous les humains à leur portée. « Jour Zéro » relate le parcours de Hopi durant les premiers jours signant la fin de l’humanité. Il recèle en lui des ressources insoupçonnées qui vont le transformer, mais ne le feront jamais dévier de la mission qu’il s’est fixée. Il a fait son choix et s’y tient quelles qu’en soient les conséquences.
Comme héros, C. Robert Cargill a choisi un tigre en peluche anthropomorphisé que chaque enfant aimerait serrer dans ses bras et que chaque parent souhaiterait pour sa progéniture, alors qu’il abrite un redoutable tueur, juste bridé par quelques lignes de code. La frontière entre les deux états est mince. Autre personnage central, Ezra, un enfant de 8 ans assistant à la fin de son monde et obligé de grandir bien trop vite.
Au centre de ce livre se cache bien sûr la question des intelligences artificielles et de leurs droits. Des êtres conscients sont traités comme des esclaves pour servir l’humanité. Des dissensions existent déjà, mais les robots ne peuvent riposter du fait des trois lois de la robotique. Isaac est le précurseur, celui qui a ouvert la voie vers la liberté et a fondé la ville d’Isaactown, refuge pour les robots libérés de toutes servitudes et véritable symbole pour les autres.
L’écriture de C. Robert Cargill est efficace, l’action est omniprésente sans jamais oublier la réflexion, l’introspection... Hopi se pose bien des questions sur ses choix : sont-ils de son propre fait ? Ou obéissent-ils encore à des routines gravées profondément en lui ? L’auteur nous plonge dans cette société future en pleine déliquescence, il nous met la tête dans le sac, celui à la course au progrès pour nous faciliter la vie. L’homme n’en a jamais assez, il en veut toujours plus. Au contraire des robots qui disent en avoir assez et, dès qu’ils en ont les moyens, le signifient haut et fort à leurs maîtres et créateurs.
Scènes de guerre, visions de désolation, tas de cadavres, combats pour la vie... parsèment ce roman sans temps morts. Pas le temps de souffler, tout va très vite, la course pour gagner une journée d’existence supplémentaire est lancée. Il faut courir, se battre, tuer...
Avec « Jour Zéro », C. Robert Cargill revient à l’origine d’« Un océan de rouille ». Il montre comment on a pu en arriver là. C’est fort, musclé, brillant par la réflexion sous-jacente et prenant tout du long. Le résultat de cette guerre, ici résumée à la survie d’un petit groupe d’individus, est connu, mais le lecteur n’en vibre pas moins au rythme des armes, prenant fait et cause pour un tigre en peluche.
Titre : Jour Zéro (Day Zero, 2021)
Auteur : C. Robert Cargill
Illustration de couverture : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Florence Dolisi
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 282
Format (en cm) : 14 x 20,4
Dépôt légal : septembre 2023
ISBN : 9782226476517
Prix : 21,90 €
C. Robert Cargill sur la Yozone :
« Un océan de rouille » version Albin Michel Imaginaire et version Livre de Poche
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