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Plantes font leur cinéma, de La petite boutique des horreurs à Avatar (Les)
Katia Astafieff
Dunod, essai, avril 2023, 224 pages, 19,90 €


À tout seigneur tout honneur, ces « Plantes font leur cinéma  » débutent par un chapitre consacré aux plantes carnivores permettant de comprendre d’emblée la ligne directrice choisie : on en apprend certes sur ces aimables créatures dopées à l’engrais hollywoodien, mais aussi beaucoup sur la botanique authentique et sur les divers modes de carnivorisme végétal. D’un bout à l’autre du volume, l’auteur suivra la même démarche : à travers des exemples cinématographiques riches et commentés, mais qui ne cherchent pas à être exhaustifs, Katia Astafieff met en perspective la fiction et la botanique authentique, éclaire la première à l’aune de la seconde. Une démarche à la fois ludique, savante et pédagogique qui à chaque fois fait mouche et à terme modifiera sans doute les regards du lecteur et du spectateur, et ceci même au sujet de films dont la thématique n’apparaît pas dévolue à cette thématique spécifique, car les fleurs apparaissent dans mille et un métrages, où, même si elles ne prennent pas toujours directement part à l’histoire, leur présence, en termes géographiques, historiques ou symboliques, n’est sans doute jamais anodine.

Horreur végétale”, “Eau de rose et séduction”, “Astrobotanique”, “Westerns épineux”, “Éthique et génétique”, “Les plantes et la mort” et enfin “Fragiles et convoitées” sont les grands chapitres à travers lesquels les amateurs de films de genre, tout autant que les férus de cinéma classique, découvriront des roses romantiques ou assassines, des voleurs de fleurs, des collectionneurs fous et mille et une merveilles et singularités botaniques pour la plupart réelles, pour d’autres rêvées, telles les fleurs imaginaires de l’ « Avatar » de James Cameron. Plantes magnifiques, plantes comestibles également, car il ne saurait être question de négliger l’astrobotanique pour l’heure fictive (dont les fameuses pommes de terre de « Seul sur Mars » d’Andy Weir, une astrobotanique faisant par ailleurs déjà l’objet de nombre d’expériences orbitales, et sérieusement envisagée à terme par des organismes tels que la National Aeronautics and Space Administration (NASA).

« Les Plantes font leur cinéma » sont l’occasion de rappeler bien des éléments que beaucoup oublient, par exemple que le fameux « E.T. l’extraterrestre » de Steven Spielberg était arrivé sur Terre pour expédition botanique. L’occasion aussi d’apporter des précisions sur ce que l’on ignorait : on sait à présent que le jeune idéaliste Chris McCandless, auquel John Krakauer consacra l’ouvrage « Voyage au bout de la solitude » dont fut tiré le long métrage de Sean Penn « Into the Wild », ne mourut pas de faim, mais d’une intoxication végétale. En un chapitre passionnant, Katia Astafieff raconte comment, trente ans après la mort de McCandless, le mystère fut enfin résolu, au terme d’une investigation qui aura fait progresser la recherche en toxicologie végétale et fait intervenir l’obstiné Krakauer mais aussi des historiens des sciences, botanistes, chimistes et même un relieur (particulièrement érudit) d’une bibliothèque universitaire du nom de Ronald Hamilton.

La génétique, les hybridations, les migrations d’espèces végétales : grâce à un regard botanique, le cinéma permet d’ouvrir les yeux et l’esprit à bien des thématiques. De manière paradoxale, il arrive même que cette introduction à la botanique à travers le cinéma fasse rêver des scènes cinématographiques pas encore réalisées. Ainsi les boules sèches de virevoltantes, ou Tumbling tumbleweeds, que l’on voit traverser l’écran dans bien des westerns sont-elles à l’origine d’authentiques faits divers (hybridations, envahissements, circulation bloquée, amas de plusieurs mètres de hauteur recouvrant les maisons) qui dépassent la fiction et pourraient donner lieu à d’autres scènes encore.

Dans « Les Plantes font leur cinéma », on en apprend donc à chaque page. Par exemple, entre mille autres détails, qu’il existe une variété de plante carnivore souterraine ou que les fleurs, bien que dépourvues d’organes auditifs, sont capables d’ « entendre » les vibrations des certains insectes pollinisateurs et d’augmenter leur caractère odorant à leur approche. De quoi satisfaire la curiosité naturelle et se donner les moyens de briller en société : si un terme tel qu’ anémogéochorie est difficile (mais pas impossible) à glisser avec désinvolture dans la conversation, on trouvera toujours, autour d’un verre, l’occasion d’expliquer pourquoi il ne saurait y avoir de tequila sans chauve-souris, et pourquoi des bouteilles de cette boisson à base d’une plante magnifique, l’agave sauvage, portent l’étrange mention « bat friendly ».

Si l’on excepte ici et là quelques minuscules points de détail (Vesper chronicles orthographié Wesper chronicles page 165, ou le fait que ne soit pas mentionné Jeff VanderMeer, auteur d’« Annihilation, le roman ayant inspiré le film éponyme), cet essai apparaît rigoureux et solidement documenté. En sus du cahier photographique central, on trouvera en fin de volume plusieurs annexes (une vingtaine de pages de notes et références classées par chapitres, une filmographie de plus de soixante-quinze titres et un volumineux index) qui témoignent du sérieux de l’affaire. Un essai ludique et plaisant qui, pour l’amateur tout autant que pour l’érudit, pourra être conservé en bibliothèque comme ouvrage de référence dans lequel aller chercher un titre ou un détail oublié.


Titre : Les Plantes font leur cinéma, de La petite boutique des horreurs à Avatar
Auteur : Katia Astafieff
Couverture : Nicolas Wiel /Teguh Mujiono / Alhovik / Nyeengeng / Shutterstock
Éditeur : Dunod
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 224
Format (en cm) : 14 x 21,3
Dépôt légal : avril 2023
ISBN : 9782100846856
Prix : 19,90 €



Un peu de botanique sur la Yozone :

- « Le monde caché » par Merlin Sheldrake
- « À la recherche de l’arbre-mère » de Suzanne Simard
- « Biomimétisme » par Jean-Philippe Camborde



Hilaire Alrune
19 mai 2023


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