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Affaires spéciales : Le dossier iO
Hugo Tosi
Hugo, collection Hugo Poche, n° 522, policier/thriller, 410 pages, avril 2023, 7,90 €

Lorsque « Le Dossier iO » était sorti en grand format, Hugo Tosi avait été présenté comme étant le pseudonyme d’un auteur gravitant dans les premiers cercles du pouvoir. Une affirmation bien trop accrocheuse et vendeuse pour que l’on soit tenté d’y accorder le moindre crédit. Mais un rabat de couverture de l’édition de poche dévoile qu’Hugo Tosi est le pseudonyme d’un auteur que nous connaissons déjà sous un autre pseudonyme (nous n’en dirons pas plus, au lecteur de deviner). Rien d’étonnant pour un roman mettant en scène, entre autres, et sous des pseudonymes transparents, des personnages publics que nous ne connaissons que trop bien.



« C’était presque beau, ça avait quelque chose de mystique. Ce type nu, crucifié à la Picasso dans l’olivier, la lumière du couchant sur la roche rouge, franchement, c’était presque beau. À bien y réfléchir, c’était d’ailleurs plus du Dali que du Picasso. Cette mollesse du personnage dans les branches noires, comme fondu au soleil. » Dès les premières pages, on a compris, par la voix d’un des personnages, que l’on n’est pas dans un de ces polars sans nombre, comme passés à la photocopieuse scénaristique, où les cadavres sont immuablement « atrocement mutilés ». Non, on est dans un polar du Sud, un polar solaire où entre les échanges oratoires à fleurets mouchetés, échanges plus musclés et échanges de munitions de gros calibre, on apprécie la beauté du monde, le son sourd du rock’n roll et les cocktails à l’ombre des terrasses.

« Ne vous donnez pas cette peine, je le remets maintenant, c’est le type de la sécurité présidentielle, celui qui prend son pied à faire le coup de poing dans le quartier latin. »

Un polar du Sud ? Pas seulement, car c’est de Jupiter qu’il s’agit, pas celui du ciel ni de la mythologie, mais le banquier porté au pouvoir par les grosses fortunes, cynique et un brin psychopathe, qui tire bien des ficelles par l’intermédiaire de flics et magistrats plus véreux les uns que les autres, sans compter un certain protégé du nom d’Alexis Bonelli (Alexandre Benalla, pour ceux qui l’auraient déjà oublié), chargé de faire disparaître les traces d’une série d’assassinats qui pourraient bien éclabousser le pouvoir. Voire même pire encore. Tout cela sous l’œil des membres du Cercle Galilée, à la fois invisibles et omniprésents, qui si le président qu’ils ont aidé à accéder à l’Elysée continue sans leur donner satisfaction, n’auront aucun scrupule à le faire remplacer au vote suivant par un autre prétendant-polémiste du nom de Vulcain (un certain Éric Zemmour, pour ceux qui auraient décidément la mémoire courte).

Le souci, c’est que sans savoir exactement dans quel guêpier eux-mêmes se fourraient, les ministres ont dépêché sur place, pour prendre la direction de l’enquête, une investigatrice des Affaires Spéciales du nom de Marion Barthes. Une Marion Barthes originaire du coin, connue pour avoir autrefois mis son propre frère en prison, et qui, quelques minutes après son retour, met son propre père en garde à vue. C’est dire qu’elle ne plaisante pas vraiment. En compagnie de Cavaillon, le flic esthète à la Dali et d’une poignée d’autres investigateurs, elle va mettre l’affaire en cours en lien avec une autre encore, un ancien suicide, ou prétendu tel, autrefois glissé sous le tapis, et dont la résurgence pourrait être fatale à Jupiter et à ses sbires.

« Justement, la déroute des gilets jaunes a montré comment notre mainmise sur la police, la justice et les médias nous permet d’enrayer et de dénaturer toute réaction populaire. »

On le devine : secouer cette vieille poussière n’était pas vraiment une bonne idée. Tout le monde s’en mêle et ça s’invective et s’empoigne dans un joyeux chaos de pouvoirs et d’influences au milieu de cadavres qui continuent à dégringoler. Tout l’astuce de l’auteur – qui, fidèle à son habitude, ne se gêne pas pour forcer le trait, même s’il n’en a nul besoin pour le personnage de Bonelli, très exactement aussi grotesque que son modèle réel – est de donner à l’ensemble une véritable chaleur humaine en intriquant l’enquête avec les retrouvailles entre Marion Barthes et sa famille, ses amis d’enfance et ses souvenirs, sans compter les apparitions récurrentes d’un fils autiste et hypermnésique, d’un ex-mari lubrique et lui-même toujours flic, d’une sœur un poil nymphomane, d’un journaliste en retraite, ou de son frère ex-taulard marié avec… le lieutenant Masson, une flic du coin. Dotés de personnalités fortes, tous ces personnages se crêpent le chignon, s’amusent, prennent des cocktails, tendent des traquenards procéduriers aux émissaires de la capitale, évitent tant bien que mal les chausse-trappes que ceux-ci leur tendent, et, chacun à leur manière, font avancer une enquête aux ramifications insoupçonnées.

Des morts violentes, des personnalités fortes, des affreux vraiment affreux, des surprises et des rebondissements : mille détails composent une intrigue tendue, nourrie, complexe, pêchue, et suffisamment plausible pour que le lecteur, même dépourvu de la moindre propension à sombrer dans la veine complotiste, ne puisse réprimer plus d’un frisson. Au milieu de tout ça il y a le rock’n roll, les chevaux, la douceur des lieux, le sens des réparties, la joie de vivre et tutti quanti. Quatre cent pages qui se lisent d’une traite, un bon polar comme on aimerait en lire plus souvent.


Titre : Affaires spéciales : Le Dossier i0
Auteur : Hugo Tosi
Couverture : Getty images / Mevans / Eskay Lim / EyeEm
Éditeur : Hugo
Collection : Hugo Poche Suspense
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 522
Pages : 410
Format (en cm) : 11 x 17,8
Dépôt légal : avril 2023
ISBN : 9782755663969
Prix : 7,90 €



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Hilaire Alrune
15 mai 2023


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