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Altus (L’)
Alexandre Robert
Syros, roman (France), fantastique, 273 pages, mars 2023, 17,95€

En lisière d’un immense terrain minier, quatre ados découvrent une vieille cave, des grimoires moisis et... un coffre qui ne s’ouvre pas, mais semble exaucer les vœux. Gare à ce qu’on souhaite...Après avoir rencontré Anne, la descendante du propriétaire et savant érudit, Tom, Will, Léa et Marcelin en comprennent un peu plus. Mais cette formidable - et dangereuse - occasion de changer les choses s’accompagne du retour d’un délinquant au village, qui cherche visiblement aussi à mettre la main sur le coffre et ses pouvoirs.



Pour son premier roman, Alexandre Robert signe un très bon thriller fantastique... pas si jeunesse que cela. Si les débuts sont tranquilles, installant tranquillement le décor, les personnages et le mécanisme fantastique, les choses s’emballent rapidement et la tension et la violence montent de quelques crans. On se dit plusieurs fois, avant la page 223 où cela leur vient à l’idée, que prévenir la gendarmerie ne serait peut-être pas si mal...

Mais commençons par le début, raconté par Tom, qui voit le voeu de Marcelin, en fauteuil, se réaliser : son pote retrouve l’usage de ses jambes ! Puis c’es Sam, son ami SDF qu’ils ont mis dans la confidence, qui hérite d’un appartement et d’assez d’argent pour ne pas s’inquiéter de devoir travailler pour vivre, Léa décroche son stage de rêve de soin animalier. Le groupe attend, inquiet, le retour de bâton, certain que le prix à payer sera élevé. Car tout cela rappelle bien sûr le pacte faustien. Mais après un petit doute sur les étranges allers et venues de Sam, et les récentes découvertes d’Annie sur les propriétés du coffre, leur seul souci est le retour de « Mollard Boy », la terreur de leur enfance, ado cruel devenu un délinquant violent. Les agressions reprennent, au point que Tom n’est pas serein au moment de faire son vœu. Et il... disparaît.

La seconde partie, racontée par Léa, est marquée par ce choc de la disparition. Multipliant les mensonges à leurs parents, les ados participent aux recherches de leur ami volatilisé, s’interrogeant sur le rôle de l’Altus, craignant une intervention de Mollard Boy. Entre deux scènes d’action très fortes, l’auteur nous fait bien ressentir la tristesse qui s’empare du groupe : Léa n’a plus goût à son stage, Will sillonne inlassablement la campagne sur sa moto, Annie se perd dans les livres... La disparition les unit autant qu’elle les éloigne, et ils hésitent à employer l’Altus pour essayer de réparer les choses, au risque de les aggraver encore.
La tension et la violence grimpent encore tandis que Mollard Boy refait des siennes et qu’ils retrouvent sa trace. Malgré les blessures et la peur, ils décident de tenter de l’arrêter seul, mais le criminel a acquis un pouvoir digne d’un super-héros, et la « bataille finale » sur fond de chantier met sous une pluie diluvienne, a des allures de blockbuster. De fait, la construction crescendo n’est pas sans rappeler le très bon « Chronicle » de Josh Trank sorti en 2012, narration interne à l’appui : ça commence « gentillet » et ça finit en apocalypse.

Sur le fond, les plus âgés apprécieront les nombreuses références musicales suggérées et/ou dissimulées. La musique est la passion de Tom, qui a été initié au bon rock par Sam. Jamais l’auteur n’écrira le nom du groupe anglais aux 4 membres à la coupe de cheveux aujourd’hui improbable s’étale en poster sur le mur de sa chambre. De même, certaines paroles de chansons sont traduites ou détournée, jusque dans les titres de chapitres, et les plus bilingues seront avantagés.

Mon seul regret est qu’à la révélation finale, tandis qu’on se prend à retourner chercher des indices, des broutilles qui nous auraient mis sur la voie, de fait on ne trouvera quasi rien. Le comportement du protagoniste concerné (je ne dirai rien !) ne m’a pas semblé différent, et même si quelques points sont expliqués, d’autres restent un peu trop vagues, dans un brouillard qu’on attribuera à la magie de l’Altus faute de mieux.
Mais il est vrai que l’auteur a mis la barre haut, entre une narration interne forcément biaisée (attention, ici elle est fiable), une tension psychologique double, avec le traumatisme de la disparition et la menace constante que fait peser Mollard Boy, et une action de plus en plus intense, qu’on peut excuser cette petite faiblesse.

Mon constat final est que « L’Altus » est un passionnant thriller fantastique, reprenant le thème du vœu à double tranchant, dans un décor qui égratigne la société actuelle et l’urbanisation aberrante des campagnes, avec des ados à la psychologie finement retranscrite et tout à fait réaliste. La dimension fantastique rajoute une couche d’étrangeté pour mieux aborder leurs peurs et leurs failles, et mettre en lumière la force de l’amitié qui les unit. Le message de fond est très positif (notamment via l’attitude de Sam) et prône la solidarité en dépit des épreuves, et la forme est ultra-immersive avec des passages tantôt angoissants, tantôt bourrés d’adrénaline. Les plus de 15 ans y trouveront forcément leur bonheur de lecture, les plus jeunes auront quelques frissons, comme autant de mises en garde (qui sont 1) on ne fait pas de vœu magique et 2) on appelle les gendarmes !).


Titre : L’Altus
Auteur : Alexandre Robert
Couverture : Germain Barthélémy
Éditeur : Syros
Collection : Hors-série
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 273
Format (en cm) :
Dépôt légal : mars 2023
ISBN : 9782748537000
Prix : 17,95 €



Nicolas Soffray
14 avril 2023


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