Le retour de la Brigade chimérique
C’est un événement éditorial que nous offre Delcourt en ce début d’année : la suite tant espérée de “La Brigade chimérique”. Serge Lehman au scénario, Stéphane De Caneva pour le dessin (les auteurs de la tétralogie “Metropolis”) et Lou à la colorisation, particulièrement soignée. L’objet est imposant : un moyen format de 278 pages, entièrement en couleurs pour une histoire divisée en huit épisodes qui prend place en 2021. À Paris, un anonyme passager du métro subit une métamorphose inattendue le transformant en roi des rats ; son influence, dès lors, ne cesse de s’étendre.
Pour contrer cette menace, les autorités recrutent un intellectuel spécialiste des héros oubliés d’autrefois, afin qu’il retrouve deux d’entre eux : Jean Lebris, devenu Rigg aux Etats-Unis, alias l’homme truqué, et Félifax, autrefois homme-tigre, aujourd’hui réincarné en une femme tigre, particulièrement féministe (une idée tout à fait pertinente). S’y ajoutent Jean Severac, jadis réceptacle de la fameuse Brigade, retrouvé dans un château d’Europe centrale, ainsi que l’arrière-petite-fille de Palmyre la magicienne. Ensemble, ils vont être confrontés aux hordes du roi des rats et à Chob, une entité interstellaire inspirée du roman “Le Titan de l’espace” d’Yves Dermèze.
Des personnages du merveilleux scientifique français
La lecture peut se vivre comme celle d’une aventure de super-héros typiquement étatsuniens, avec ses planches et un découpage très dynamiques, des combats épiques (Chob en tant qu’alter égo d’un Galactus), mais la grande force de cet album hors normes est la richesse de son propos et de ses clins d’œil. Car l’hypermonde mis en scène est hyper référentiel. On retrouve des allusions à d’autres œuvres de Serge Lehman, les BD “L’homme truqué”, “L’œil de la nuit”, “Masqué” ou “Metropolis”.
Plus largement, l’album convoque le ban et l’arrière ban des personnages du merveilleux scientifique (cette pré science-fiction française et même européenne largement mise en valeur ces dernières décennies), ainsi que les héros et super-héros français nés depuis la Seconde Guerre mondiale. Une vaste et prodigieuse récapitulation, qui va jusqu’à faire apparaître Alain Damasio et Alan Moore, tant on sait les convergences qui existent entre sa “Ligue des gentlemen extraordinaires” et “La Brigade chimérique”. Les artéfacts qui pullulent parmi les archives diverses, les couvertures de fascicules subtilement transformées, participent d’une richesse débordante et passionnante, que Serge Lehman élucide fort utilement dans des notes finales. Le message est clair : montrer l’extraordinaire patrimoine qui est le nôtre, le hisser à la hauteur de celui du petit-frère américain afin de lui redonner confiance en lui-même et de permettre sa réappropriation à une échelle encore supérieure ; et on se prend à rêver à de nouvelles aventures prenant place dans cet hypermonde, mais élaborées par d’autres créateurs... Ce faisant, “La Brigade chimérique. Ultime renaissance” résonne d’un ton nettement plus optimiste et positif que “La Brigade chimérique” séminale, initiant un véritable réenchantement du monde dans une réalité post-moderne qui a non seulement masqué une partie de son passé, de sa mémoire, mais également eu tendance à gommer toute possibilité d’un futur autre que mortifère.
La Brigade chimérique Ultime renaissance
Scénario : Serge Lehman
Dessin : Stéphane De Caneva
Couleurs : Lou
Éditeur : Delcourt
Pagination : 272 pages couleurs
Format : 19,7 x 30,7 cm
Date de parution : 6 janvier 2022
Numéro ISBN : 9782413022688
Prix public : 34,95 €
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Critique par Jean-Guillaume Lanuque (critique pour la revue française Galaxies, consacrée à la science-fiction)
Illustrée et mise en page par Fabrice Leduc
Illustrations © Stéphane De Caneva et Éditions Delcourt (2022)
