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Lendemains qui shuntent (Des)
Bruno Pochesci
Flatland, recueil de 18 nouvelles (France), science-fiction, septembre 2022, 288 pages, 18€

Depuis son arrivée en 2013 dans le paysage de l’imaginaire français, Bruno Pochesci a écrit nombre de nouvelles et un roman. Difficile de ne pas avoir croisé sa prose au cours de nos lectures, car c’est un incontournable des sommaires des anthologies et autres revues. Au point que le présent recueil « Des lendemains qui shuntent » est déjà son quatrième ! Sous ce beau titre, il équilibre la balance fantastique / science-fiction, le premier genre chez Malpertuis et le second chez Flatland.
Pierre Gévart qui l’a publié à maintes reprises dans « Galaxies » se fend d’une préface dans laquelle il retrace le parcours de l’auteur et dit tout le bien qu’il en pense. Ce n’est pas moi qui le contredira.



Dix-huit nouvelles au sommaire dont une inédite.
Dans “S.P.Q.R.”, l’empire romain ne s’est jamais effondré, continuant son expansion à travers l’espace et le temps. Une histoire parallèle à la nôtre avec créatures fantastiques en toile de fond.
Seuls les plus que centenaires peuvent sauver la planète d’un accident quantique au CERN de Genève. “La zone du dedans” donne un aperçu de l’immortalité dans une bulle protégée.
“Les couche-tard” sont quelques sommités se réunissant dans un bar new-yorkais un peu avant la fermeture, alors que la guerre se dessine en Europe.

“Manque de bol”, autrement dit une expérience à l’échelle de la planète et au résultat désastreux. Du haut de sa déchéance, le président français nous en expose les conséquences.
“L’homme est une baleine comme les autres” : le capitaine Nemo n’est pas mort, son esprit a fusionné avec le Nautilus et il porte un regard attristé sur le futur.
Sous le jeu de mots “La hutte continue”, une bonne dose d’absurde est offerte aux lecteurs. Tous les jours, une femme doit passer autour de son habitat une tondeuse toujours prête à l’emploi, sous peine d’être dévorée par la végétation. Le mythe de Sisyphe revisité.

“Matriochka Tenebrarum” ou l’improbable rencontre entre un Français sourd et une Nippone aveugle qui décident de visiter ensemble les catacombes. Une bonne idée...
Sur la planète MACT 1115-JD7, il n’y a pas d’eau mais des cactus de différentes couleurs. Bruno Pochesci aborde à nouveau le thème de l’immortalité dans “Le monde entier est un cactus”, montrant ses conséquences suivant les personnes.
Les bissextiles est l’histoire de deux femmes nées un 29 février. Elles ont une relation, mais quand l’une veut quitter son mari, la seconde est réduite à une extrémité qui n’a pas fini de lui donner du fil à retordre. Un texte délirant où il ne fait pas bon trop réfléchir.

“Le tour de Paris en quatre-vingts heures”, voilà ce que propose un tour opérateur à ses clients. Une visite éclair des monuments parisiens dans une uchronie issue de la Commune qui a vaincu, ce qui a donné une nouvelle impulsion salvatrice à l’Europe.
Sexe au programme de “L’enfilade” dans laquelle la technologie vient à la rescousse d’une relation amoureuse.
Le Transsibérien incarne le luxe, “Tout doit être impeccable” et la contrôleuse en chef y veille. Une très belle nouvelle dans un registre différent des autres, sur le temps qui passe et la nostalgie d’une époque révolue.

“Perdre la face”, un titre à prendre au sens figuré avec un Poilu et un Allemand ayant officié pendant la première guerre mondiale, tous deux conviés à une fête très privée.
Un collabo qui a fui à l’étranger subit une étrange punition : savoir à l’avance quand le malheur le frappera. “C’est pour demain”...
En parlant de collabo, “Orwell m’a tu” ne manque pas de soi-disant bons citoyens toujours prêts à dénoncer leurs voisins dans une France à droite toute. Un couple vit dans la peur d’être démasqué, se nourrissant de leur seul amour en ces temps de privation.

Coup de foudre improbable entre deux êtres que tout sépare dans “Aux confins de moi il y a... toi”. Le premier a acheté la seconde, une acquisition soumise à toutes ses volontés. L’humain n’est pas forcément celui que l’on croit.
Tradition de la galette revisitée dans “La galette des Rwamahjs”. Trois fèves, trois chances ou malchances suivant laquelle finit dans sa part.
“Un tunnel au bout de la lumière” : Camille est rongée par le cancer. Plus grand-chose à attendre des traitements, mais sait-on jamais ? D’autant qu’un mystérieux soleil noir apparaît dans le ciel.

Si Bruno Pochesci laisse son imagination prendre le pouvoir, on n’en retrouve pas moins les thématiques qui lui sont chères comme l’amour servant de moteur à bien des récits. Bien sûr, les relations charnelles en sont souvent le corollaire. Le futur se traduit par l’interrogation sur les joyeusetés qui nous attendent : guerre nucléaire, régime autoritaire, expérimentations scientifiques tournant mal, immortalité pas facile à vivre sur la durée... Comme il le dénonce, nous ignorons toujours les enseignements du passé.
L’humour est indissociable de l’œuvre de l’auteur qui use entre autres de nombreux jeux de mots. Il suffit de lire les titres pour s’en convaincre. Et c’est quand il reste dans un registre sérieux qu’il surprend.
“Des lendemains qui shuntent” ne laissent aucune place à l’ennui. Bruno Pochesci régale par son imagination débridée, capable de lui faire emprunter les chemins les plus improbables, et son humour de tous les instants contrebalançant souvent les faits.
Malgré son ton léger, l’auteur n’en jette pas moins un regard sans complaisance sur la société et ses dérives. Le happy end n’est pas toujours de rigueur, mais le reflet de ce qui nous attend. Mieux vaut en rire qu’en pleurer. Bruno Pochesci l’a compris et nous offre un nouveau recueil contre la morosité.
Ses textes peuvent être lus et relus avec le même plaisir. On ne s’en lasse pas.


Titre : Des lendemains qui shuntent
Auteur : Bruno Pochesci
Couverture : Jean-Jacques Tachdjian
Éditeur : Flatland
Site Internet : page recueil (site éditeur)
Pages : 288
Format (en cm) : 13,5 x 21,5
Dépôt légal : septembre 2022
ISBN : 9782490426256
Prix : 18 €


Bruno Pochesci sur la Yozone :

- « Comme un passage à niveau »
- « De la chair à horloge »
- « L’espace, le temps et au-delà »
- « L’amour, la mort et le reste »
- « Scories »
- « Orwell m’a tu »
- « Hammour »
- un entretien avec l’auteur

et les nouvelles de ce recueil parues en fanzine, revue ou anthologie
- La zone du dedans dans « Galaxies 60 »
- Les couche-tard dans « Galaxies 47 »
- L’homme est une baleine comme les autres dans « Galaxies 30 »
- Matriochka Tenebrarum dans « Galaxies 53 »
- Les bissextiles dans « Gandahar 9 »
- L’enfilade dans « Le Novelliste 1 »
- C’est pour demain dans « Galaxies 62 »
- Orwell m’a tu dans « AOC 42 »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
29 novembre 2022


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