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La SF de nos aïeux : « merveilleux scientifique », daube grotesque et racisme ordinaire.
Les Xipehuz, de JH Rosny Ainé - La Roue Fulgurante, de Jean de la Hire - La Découverte de Paris, d’Octave Béliard
Délices & Daubes n°27


Dans cet Omnibus-SF « Chasseurs de Chimères, L’âge d’or de la science-fiction française », Serge Lehman a réuni plusieurs textes d’écrivains français de la fin du 19e siècle, début du 20e . La préface est intéressante et érudite et mérite d’être lue. Le choix des textes, par contre...Chacun jugera.

On commence avec Les Xipehuz de JH Rosny Ainé. Quel style ! Une langue incroyable, surprenante, mais qui se lit sans problème. Il y a longtemps avant Babylone, des chasseurs rencontrent l’étrange. Des êtres géométriques, mais agressifs. Un vieux sage les étudie et finit par comprendre comment faire pour s’en débarrasser. C’était eux ou nous les hommes. Très étrange « textefondateur » de ce « merveilleux scientifique », la SF à la française. Mais qui se passe « avant » la « civilisation ». D’ailleurs cet auteur a ensuite écrit des histoires d’hommes préhistoriques.

Le texte suivant La Roue Fulgurante de Jean de la Hire présente un intérêt exclusivement historique, c’est une « curiosité », mais il occupe quand même plus de deux cents pages. C’est d’une ringardise totale et absolue au niveau du style, des dialogues, de l’intrigue. L’anthologiste y voit l’origine du space op, c’est plutôt pour moi l’origine de la daube grotesque, où se tartinent les bons sentiments, la fausse science, le racisme primaire, l’esclavagisme sans honte, la typologie absurde des personnages.

Allez, pour rire, je vous cite un paragraphe : « Tandis que par son visage ovale et fin, ses moustaches blondes, ses cheveux noirs, ses yeux bruns et par l’expression de toute sa personne aristocratique et nerveuse, Paul de Civrac se révélait Français de pure race, ses deux amis, Jonathan Bild et Arthur Brad (le premier très grand et maigre, aux yeux sombres, au visage glabre et sec, aux cheveux châtains en coup de vent ; le second, petit et gros, sans moustaches, mais avec une barbiche, les cheveux roux coupés courts et les yeux bleus) représentaient les deux types du véritable Américain ». Le reste du style est à l’avenant, les émois des tourtereaux Civrac et une belle espagnole sont à pisser de ridicule. Et, en plus, c’est raciste.

Malgré les Mercuriens, Saturniens et autres Vénusiens, bien croquignolets au demeurant (des monopèdes qui se mangent entre eux, étant la seule espèce vivante de leur planète), tout est résolu grâce au génial et esclavagiste Ahmed-bey qui, malgré son nom arabe, est un initié brahmane capable de transmuer les âmes d’un corps à l’autre et de les faire voyager instantanément de Mercure à Vénus. Finalement c’est peut-être un chef d’œuvre à lire au cinquième degré dans un état cinquième alors que son auteur, ce vieux mais avéré triste con, était sincèrement primaire. Désolé, M. Lehman mais ce n’est pas avec ça que vous allez remonter le « merveilleux scientifique » au niveau de la bête SF des Amerloques.

Le troisième texte est une nouvelle La découverte de Paris, d’Octave Béliard. Beau texte bien écrit (pas comme le précédent) le premier des trois qui soit vraiment d’anticipation. Retrouver Paris perdu depuis des millénaires. Une belle évocation d’un Paris sous la glace, émouvant et triste. Mais, mais...Encore ce racisme qui gâche le plaisir (ce doit être l’époque) :« On était au dernier âge du monde. Comme aux périodes glaciaires...Il y demeurait, par îlots disséminés, des débris d’humanité, des tribus abâtardies, couvertes de fourrure ... Tananarive, par suite de l’émigration des belles races...Dans ces temps très anciens, la belle et féconde famille blanche s’était établie à Madagascar... » Ça gâche, forcément. Même si les héros ont des noms malgaches.


Henri Bademoude
19 novembre 2006


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