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Bifrost n°108
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°108, nouvelles - articles - entretiens - critiques, octobre 2022, 192 pages, 11,90€

Ce numéro s’ouvre sur un éditorial pour le moins pessimiste d’Olivier Girard en terme de constat sur l’année 2022 qui nourrit bien des craintes quant à l’avenir du milieu de l’édition dans nos genres de prédilection.
Octavia E. Butler (1947 - 2006) est à l’honneur ce trimestre, écrivaine que je n’ai jamais croisée lors de mes lectures. Pourtant à bien chercher dans la bibliothèque, entre une nouvelle dans « Univers 1989 » et le roman « Humains plus qu’humains » en Futurama, il y avait de quoi la découvrir, mais non, je n’ai jamais franchi le pas. Alors le dossier de ce numéro constitue un excellent moyen de combler cette lacune.



La bibliographie ne manquera pas d’étonner, car elle comporte très peu d’entrées : 12 romans et 9 nouvelles. Le guide de lecture butlerien traite toute sa production, trois cycles s’y distinguent : « Patternist » (5 tomes), « Xenogenesis » (3), la série des « Paraboles » (2), plus deux romans indépendants (« Liens de sang » et « Novice »). La maison d’édition Au Diable Vauvert s’efforce de rendre sa production accessible en français, cinq titres pour l’instant, mais le catalogue va s’étoffer les prochaines années comme l’explique Marion Mazauric dans un entretien. Largement de quoi contenter les amateurs.
Pascal J. Thomas présente Octavia E. Butler qui force réellement l’admiration pour le courage qu’il lui a fallu pour être publiée. Entre petits boulots et écriture, elle n’a cessé de se battre pour y parvenir, s’épuisant à la tâche mais ne perdant jamais de vue son but. Elle a réussi mais cela n’a jamais été facile, car tout semblait se dresser contre elle. Sa condition de femme de couleur et son physique impressionnant (1,80 m) n’ont jamais facilité les choses, il lui a fallu trouver sa voie et sortir des sentiers battus. Aujourd’hui elle représente un exemple pour beaucoup.
En 2000, elle parlait d’elle dans le magazine américain « Locus ». Comme Pascal J. Thomas s’est appuyé sur les articles à son sujet, les entretiens... il y a une impression de redite, mais ce n’est guère gênant.
Ketty Steward traite d’“Incommunicabilité, empathie et rapports de domination dans Xenogenesis et les Paraboles”, un article intéressant sur ces différents thèmes récurrents dans l’œuvre d’Octavia E. Butler.
Mais finalement, ce qui donne le plus envie de la découvrir n’est autre que la nouvelle au sommaire : “Enfants de sang” qui date de 1984 et a remporté les Prix Hugo, Nebula, Locus et SF Chronicle. Elle met en scène une étonnante relation symbiotique entre humains et espèces extraterrestres. Gan relate sa dernière nuit d’enfant, celle où il a découvert ce qui l’attendait en acceptant de franchir le pas, acte qui tient autant de l’amour que du sacrifice dans son cas. L’auteure dévoile très lentement la teneur réelle de la relation entre les deux espèces, mais la place sous une perspective qui n’est pas sans faire référence à la perpétuation des humains. C’est très habile, très bien fait et la nouvelle s’avère fascinante tout du long. Une merveille du genre !

Les autres nouvelles ne sont pas en reste, aucune ne dépare ce numéro.
Comme d’habitude avec Peter Watts, il faut s’accrocher. “Collatéral” se mérite, tant le début place le lecteur direct dans le vif du sujet sans connaître les tenants et aboutissants. Becker est une militaire augmentée, faisant tout plus vite et plus efficacement qu’un autre homme du rang. Pourtant, lors d’une mission, c’est la bavure, des civils innocents sont abattus. En accordant un entretien exclusif à une journaliste, l’état-major espère désamorcer la crise que cela a provoqué dans l’opinion. Du Peter Watts intriguant qui, entre technologie et manipulations, offre plusieurs interprétations, ce qui ne fait qu’étoffer l’ensemble.

Suit la première nouvelle de Nicolas Martin dans les pages de « Bifrost ». “Un soir d’orage”, Enzo sent venir la crise d’épilepsie, tant les éléments se déchaînent avant que l’électricité ne saute et qu’il se retrouve obligé de chercher dans le noir ses médicaments. Ses parents sont partis et sa sœur ne vient pas à son secours. Que se passe-t-il donc ? Rien de bon comme Enzo va le découvrir. Le début sous forme de bref communiqué scientifique explique la source du phénomène, mais pas le comment ? De la bonne SF horrifique qui expose les effets, pose des questions sans réponse et montre que nous sommes bien peu de choses en regard de l’immensité de l’univers. On en redemande !

Nouveaux venus dans une colonie d’une planète glacée, Sedgewick et Fletcher sont frères, mais au contraire du premier qui est son aîné, le second a bénéficié d’augmentations. Sedgewick essaie de se faire accepter par les jeunes de son âge, mais il ne peut empêcher Fletcher de le suivre quand il va subir une épreuve à l’extérieur. Il s’agit autant de la découverte d’une espèce autochtone ressemblant à des baleines que d’une course pour la vie. La course à pied, voilà un sport où Fletcher excelle... “Glace” présente la rivalité entre deux frères et basée sur leurs différences. L’aîné se sent injustement rabaissé par les capacités supérieures de son frère et qui ne doivent rien à la nature. Il le vit mal. Que faudrait-il pour que les deux se réconcilient, du moins que Sedgewick l’accepte, car Fletcher n’y peut rien ? Est-ce seulement possible ? Rich Larson pose un regard lucide sur la situation, sur les choix parentaux aux tristes conséquences. Une leçon d’humanité dans un contexte des plus dépaysants, autrement dit de la bonne SF.

Guillaume Sorel répond à quelques questions dans “Paroles... d’illustrateur”, expliquant notamment son choix de couverture.Quant à Roland Lehoucq, il partage les difficultés à quitter le système solaire, expliquant comment, en théorie, il est possible de le faire, ce que les sondes Voyager ont déjà réussi.
Un fort volet critique complète ce numéro. Pas de revues et autre fanzines passés à la moulinette par Thomas Day ce trimestre, mais plusieurs anthologies chroniquées par Philippe Boulier qui n’est pas en reste.

Un très bon « Bifrost » qui révèlera sûrement Octavia E. Butler à toute une partie du lectorat. Elle n’a pas publié beaucoup, mais a marqué le milieu par la puissance de ses récits.


Titre : Bifrost
Numéro : 108
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Guillaume Sorel
Illustrations intérieures : Olivier Jubo, Matthieu Ripoche et Maxime Osti
Traductions : Gilles Goullet (Collatéral), Pierre-Paul Durastanti (Glace) et Michelle Charrier (Enfants de sang)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 108, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : octobre 2022
ISBN : 9782381630656
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
8 novembre 2022


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