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Andrea Cort, tome 3 : La guerre des marionnettes
Adam-Troy Castro
Albin Michel Imaginaire, roman et nouvelles traduits de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 542 pages, juin 2022, 25,90€

Cet ultime volet des enquêtes d’Andrea Cort était attendu, espéré aussi, car le doute planait sur sa parution, la faute à des chiffres de vente décevants, alors que la série est unanimement saluée par les critiques.
« La guerre des marionnettes » existe bien, ce dont on ne peut que se féliciter, tant les deux premiers tomes ont marqué l’année 2021. Une novella, un roman et une nouvelle en constituent le sommaire. Étonnamment, voire incompréhensiblement, le roman éponyme n’existe en langue anglaise que sous forme audio, la première édition papier est allemande !



Ce livre s’ouvre sur la novella de cent pages “Les lames qui sculptent les marionnettes”. Texte bien plus récent que les autres, Andrea n’y apparait pas du tout, mais il sert de jonction entre le précédent roman « La troisième griffe de Dieu et « La guerre des marionnettes ». En effet, il en évoque la toile de fond, la planète Vlhan avec ses curieux habitants et leur ballet annuel meurtrier attirant de nombreux humains transformés désireux d’y participer. À travers deux personnages, le lecteur entre doucement dans l’histoire si particulière de cette planète qui fascine les espèces sentientes cherchant à décrypter la chorégraphie du ballet réunissant cent mille individus agitant leurs tentacules et se finissant en massacres. L’illustration de Manchu décrit très bien les autochtones. Une entrée en matière réussie et intrigante à souhait.

Puis le gros morceau, le roman « La guerre des marionnettes » voyant Andrea Cort sur la planète en compagnie de ses gardes du corps et amis, les Porrinyard, des inseps c’est-à-dire deux individus n’en faisant plus qu’un, fruits d’une manipulation des IAs-source. Ils arrivent peu avant le ballet annuel s’apparentant à un gigantesque suicide collectif. Elle soupçonne son importance et craint que ses ennemis, les Démons Invisibles, des IAs-source renégates, soient là pour en profiter. Quand les événements dégénèrent, que les Vlhanis commencent à se battre entre eux et à s’en prendre aux spectateurs, elle comprend que les enjeux dépassent de loin ce qu’elle pouvait craindre et qu’elle est peut-être la seule à pouvoir mettre fin à cette folie meurtrière.
La réputation d’Andrea l’a bien sûr précédée et les incidents lui sont reprochés. Ce n’est pas le premier massacre auquel elle assiste. Mais n’en est-elle que spectatrice ou en est-elle l’instigatrice ? Pour mener son combat, elle est rapidement obligée de prendre ses distances vis-à-vis des autorités ignorant quels indices l’ont menée sur Vlhan et son rôle dans la tragédie en cours.
Un certain malaise se dégage des pages de ce roman, car « La guerre des marionnettes » met en scène un gigantesque massacre, les chiffres des victimes s’avèrent hallucinants, sans que le lecteur s’en rende vraiment compte, préparé qu’il est à la nature du ballet se terminant par la mort de près de cent mille danseurs, Vlhanis et humains augmentés. Là ce n’est pas dans un grand but, au service d’une cause que tout le monde cherche à percer, mais dans une folie meurtrière s’en prenant à tous les spectateurs bien démunis face à des géants qui s’attaquent aussi entre eux suivant leur infection.
Face aux Vlhanis, Andrea apparaît bien peu de choses, ressemblant plus à un jouet entre leurs tentacules qu’à quelqu’un capable de rendre raison à ceux qui sont sortis de leurs habitudes séculaires. Elle suit la vague, se laissant porter par les événements favorables ou non. Heureusement elle peut comme toujours compter sur les inseps, dont les capacités permettent de diviser leurs forces. Elle trouve aussi des alliés de circonstances, mais la résolution du problème paraît bien incertaine.
Ce roman n’est pas facile à appréhender, car les motivations des différents camps ne sont pas immédiates et comme les Vlhanis se ressemblent tous, les barrières entre eux sont floues, seuls leurs actes renseignent vraiment les lecteurs sur leur appartenance. Par moments, on peut avoir l’impression d’une course-poursuite contre des ennemis invisibles, contre le temps... le tout avec des enjeux complexes et bien plus importants que le sort d’une seule planète, théâtre de la lutte entre les deux camps d’IA. Telle une souris, Andrea se débat dans ce labyrinthe, cherchant une issue pour les espèces sentientes.
Le personnage n’a cessé d’évoluer au fil de ses apparitions, son armure arbore de plus en plus de fêlures, d’ouvertures vers les autres. Elle s’humanise, le contact des inseps lui faisant le plus grand bien. Elle trouve d’ailleurs en une femme sans émotions un reflet d’elle-même qui l’effraie. Elle comprend qu’elle doit changer, qu’elle ne peut rester la garce impassible que tout le monde voit en elle, qu’elle doit franchir un nouveau pas sous peine de perdre ses seuls amis.

“La cachette” qui conclut le cycle montre ses hésitations, ses doutes alimentant sa volonté vacillante. Un trio d’inseps dont un membre avant fusion est coupable d’un crime met à mal la justice. Quelle décision prendre, alors que des pressions poussent au non-lieu ? Andrea a peur de comprendre, la vérité peut l’ébranler définitivement... Pour ceux qui en doutaient, elle est bien humaine, elle abrite un cœur et ne pense pas à sa seule personne.

Ce dernier volet achève magnifiquement le cycle « Andrea Cort » qui balaye le personnage le temps de trois romans et une poignée de nouvelles plus ou moins longues. Un massacre du temps de sa jeunesse a pourri toute son existence, celui sur Vlhan est comme un retour aux sources, comme une possibilité de tout reprendre à zéro pour un nouveau départ. Andrea Cort est un personnage féminin inoubliable qui, malgré son caractère difficile, captive les lecteurs et attire contre toute attente leur sympathie. La performance d’Adam-Troy Castro s’avère de toute beauté, à la hauteur du personnage complexe.

Gilles Dumay a compris tout l’intérêt de présenter cette série dans son intégralité en n’oubliant pas les nouvelles s’y rattachant et rajoutant à chaque fois une nouvelle pierre à l’édifice Andrea Cort.
Une série vraiment remarquable et une très belle découverte à mettre à l’actif de la collection Albin Michel Imaginaire.


Titre : La guerre des marionnettes
Sommaire : Les lames qui sculptent les marionnettes (The Knives that Carve the Marionettes, 2019), La guerre des marionnettes (War of the Marionettes, 2010) et La cachette (Hiding Place, 2011)
Série : Andrea Cort, tome 3
Auteur : Adam-Troy Castro
Illustration de couverture : Manchu
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Benoît Domis
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 542
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : juin 2022
ISBN : 9782226471642
Prix : 25,90 €


Dans la même série :
- Andrea Cort, tome 1 : Émissaires des morts
- Andrea Cort, tome 2 : La troisième griffe de Dieu

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
15 juin 2022


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