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Bifrost n°104
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°104, nouvelles - articles - entretiens - critiques, octobre 2021, 192 pages, 11,90€

Après « Galaxies », au tour de « Bifrost » de nous offrir un dossier Stanislas Lem pour le centenaire de sa naissance. Il est très copieux, plus de 60 pages sans compter la nouvelle. Le lecteur a droit à une vraie bibliographie et non à une tentative (12 pages au lieu d’une !). Le travail d’Erwann Perchoc et Alain Sprauel a dû être titanesque.



Erwann Perchoc présente justement Stanislas Lem. C’est clair, net et précis. Il retrace le contexte compliqué et montre que Lem n’a finalement jamais pris parti. Sa popularité était énorme dans les pays du bloc de l’est. Puis des articles sont dédiés à certains pans spécifiques de l’œuvre (« Solaris », les aventures d’Ijon Tichy et l’essai « Summa Technologiae » où il use de la cybernétique pour analyser la science, la technologie et son évolution).
Puis arrivent des morceaux choisis d’un entretien réalisé en juin 1992, dans lequel Stanislas Lem ne voulait surtout pas parler de science-fiction, mais de science, de philosophie. Peter Swirski louvoyait pour évoquer la littérature et notamment « Solaris ». Lem y faisait preuve d’une certaine suffisance, les lettres des fans apportant leurs contributions au livre l’agaçaient plus qu’autre chose, il semblait détenir une vérité que chacun devait être heureux de découvrir, sans émettre la moindre remarque. Il se dégage une certaine arrogance de sa personne à l’image d’un Isaac Asimov.
Les chroniques de ses ouvrages s’avèrent sans complaisance. Les premiers sont carrément à éviter. Quant aux autres, la plupart ont bien mal vieilli. Le recueil « Le masque » est parvenu au bout de la patience de Jean-Pierre Lion : « Sans ce dernier texte, le recueil aurait peut-être été acceptable, mais il y a des limites à tout ! Du moins, il devrait y en avoir à l’arrogance intellectuelle, ne serait-ce que pour lui éviter de sombrer dans un ridicule aussi achevé. » L’entretien m’a un peu fait cet effet.
Ce guide de lecture illustre aussi l’ancienneté des parutions. Très peu de rééditions récentes et trouver certains livres s’est sûrement apparenté à un défi. D’ailleurs, si ce n’était pas le centenaire de sa naissance, Actes Sud aurait-elle repris certains titres et sorti l’inédit « Les aventures du pilote Pirx » ?
La nouvelle accompagnant ce dossier “Sixième croisade, ou comment Trurl et Clapaucius conçurent un démon de seconde espèce afin de terrasser l’infâme Grandgueulier” débute par trois pages denses et assommantes. Si le reste avait été de la même eau, l’indigestion aurait été garantie. Heureusement que le ton est plus léger et que place est donnée à l’action. Lem y fait preuve d’humour et d’inventivité avec un démon de Maxwell pour se sortir des griffes d’une improbable créature. Il faut tout de même une bonne dose de suspension d’incrédulité pour que cela fonctionne. Rien que les longueurs de papier évoquées laissent dubitatif...
Ce dossier dresse un portrait mitigé de Stanislas Lem. En-dehors de « Solaris » que sûrement beaucoup connaissent à travers le film de Soderbergh, le lecteur éprouvera-t-il l’envie de découvrir plus avant Stanislas Lem ?

Ce « Bifrost » offre du lourd en terme de nouvelles avec rien moins qu’une parution inédite, même en langue originale, de Stephen King. “Willie le zinzin” est peu recommandable, la mort le fascine et son seul compagnon n’est autre que le grand-père vivant avec la famille. Ce dernier lui raconte des histoire improbables qu’il aurait vécues, alors qu’il ne peut être aussi vieux. Quand il décline et que son décès se profile, Willie boit du petit lait et veut assister à ses derniers instants. King évoque la pandémie, le cas de Willie visiblement dérangé, il nous immerge dans cette famille américaine. La surprise finale est du meilleur effet. Une belle première mondiale !

Ken Liu lorgne du côté de l’uchronie, ou plutôt d’une Terre sur laquelle les dragons existeraient bien et seraient sources d’énergie. L’idée s’avère étonnante, tout comme la construction avec différents intervenants racontant l’histoire. “Un soupçon de bleu” surprend agréablement par son décalage et ses développements autour de la figure du dragon, signifiant prospérité là où ils se fixent. Chaque ville essaie de les attirer. L’imaginaire de Ken Liu est décidément plein de surprises.

“Fantômes électriques” n’est pas toujours facile à suivre, car Rich Larson reste un peu elliptique sur certains points. Des extraterrestres seraient arrivés et nous assistons à une espèce de mission de sauvetage de l’un d’eux, pris pour un drôle de poisson et placé dans une baignoire. Comme souvent, l’auteur témoigne d’une imagination folle qui emmène loin les lecteurs. Mais attention à ne pas aller trop loin.

Dans la partie rédactionnelle, de nombreuses chroniques d’ouvrages, Thomas Day y dit même du bien de « Galaxies 71 », ce qui n’arrive pas souvent. « Bifrost » revient aussi à Sauramps avec son nouveau libraire spécialisé en littératures de l’imaginaire, Benjamin Spohr, qui aimerait bien devenir représentant !
Quant au professeur Lehoucq, aidé de Stéphanie Chaptal, il nous permet d’y voir plus clair sur les cryptomonnaies, ce qui n’est pas un luxe de nos jours.

Un très bon et conséquent dossier sur Stanislas Lem, de belles nouvelles, un numéro satisfaisant à tous points de vue.


Titre : Bifrost
Numéro : 104
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Célia Teboul
Illustrations intérieures : Nicolas Fructus, Olivier Jubo et Cédric Bucaille
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 104, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : octobre 2021
ISBN : 9782843449895
Dimensions (en cm) : 15,1 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
10 novembre 2021


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