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Bienvenue à Perfect City
Helena Duggan
Fleurus, roman (France), fantastique, 373 pages, septembre 2021, 15,90€

Violet n’est pas contente d’envisager à Perfect City, la ville où son père, ophtalmologue réputé, vient d’être engagé par les frères Archer pour remédier au mal étrange qui y sévit : à défaut de porter des lunettes rouges, les gens deviennent aveugles ! Pour sa part, elle croit déjà entendre des voix dès son arrivée, n’apprécie pas les Archer qui s’avèrent les opticiens de la ville et en même temps les marchands d’un thé très réconfortant que tout le monde boit matin et soir !



Très vite, Violet trouve que le monde change derrière ses verres rouges. Les gens changent aussi : sa mère se transforme en femme au foyer parfaite ! Une perfection qu’on lui réclame à l’école aussi, bien loin de ses habitudes. Quand Violet se rebelle, on lui diagnostique une drôle de maladie et on la force à prendre des cachets pour la rendre plus docile... Elle les recrache d’autant plus vite qu’elle a trouvé une autre paire de lunettes, très différente, qui lui montre le monde tel qu’il est, et qu’il lui permette de voir Kid, un garçon qui lui ouvre les portes du No Man’s Land, un quartier où les Archer ont enfermé tous ceux qui refusaient de vivre dans leur monde parfait !

Ensemble, ils vont découvrir ce qui se trame depuis des années à Perfect City et où à disparu le père de Violet. Tout semble tourner autour des Archer, qui règnent en maîtres et sont omniprésents. Mais Violet a rencontré leur mère, Iris, et sait qu’ils ont un autre frère, William, qui a aussi disparu...

Je n’en dis pas trop sur la suite, car c’est la découverte de ce monde étrange qui fait la saveur de « Bienvenue à Perfect City », son ambiance particulière, la révélation que tout n’y est pas rose du tout ! Difficile de ne pas penser à un mélange entre « Coraline » de Neil Gaiman et « Les Femmes de Stepford » d’Ira Levin : parce qu’elle refuse de suivre les règles, Violet découvre peu à peu qu’on a privé de libre-arbitre toute la population, et exilé les réfractaires.
A la société parfaite s’appose donc le No Man’s Land, tout sale et de guingois, peuplé d’orphelins et de gens oubliés de leurs familles. Au milieu de cela, Kid, qui n’a aucun souvenir des siens. Lorsque les choses commenceront à se mettre en place aux deux tiers du roman, il n’y aura que les plus jeunes lecteurs pour ne pas deviner immédiatement qui sont ses parents !

Le frisson, à défaut de la peur, monte crescendo tandis que Violet explore la ville, jusqu’à la cité fantôme, lotissement abandonné aux les Archer mènent de curieuses recherches sur des plantes... avec des yeux ! L’autrice Helena Duggan a ciselé le fond de son histoire, pour monter un complot cruel, abject, un délire aux profondes ramifications et aux applications terrifiantes autant que colorées : ainsi du Purgateur, une machine qui aspire l’imagination des porteurs de lunettes, pour la mettre en bocal. Car les gens sans imagination gobent ce que le pouvoir, et donc les Archer, leur dit de croire.

En tant qu’adulte, j’ai beaucoup apprécié ce diktat du bonheur, poussé à l’extrême, cette injonction à la joie et à la perfection, confrontés aux sombres rouages nécessaires à son bon fonctionnement, drogues, machines, police répressive... Pour le coup, le message est on ne peut plus actuel, et les plus grands n’auront aucun mal à le transposer dans le monde réel et les œillères que certains portent ou veulent nous faire porter.

C’est dans le dernier tiers que les choses rament un peu. S’il est louable de présenter chaque action de la rébellion contre les Archer, et les multiples allers-retours que cela occasionne entre Perfect City et le No Man’s land, l’autrice ne fait pas dans la dentelle ou la suggestion, et les répétitions viennent fatalement alourdir le texte, rendant la lecture encore plus laborieuse que les actions décrites. Deus ex machina du roman jeunesse, les plans bricolés du groupe bénéficient toujours d’un chrono parfait. C’est un rien dommage, car la « bataille finale » gagne au contraire de son aspect complètement chaotique.

Gentiment effrayant, assez farfelu et mené tambour battant, « Bienvenue à Perfect City » ravira les jeunes amateurs de sensations fortes, en les faisant s’interroger sur l’ordre et les règles imposées, et fera oublier ses longueurs finales et ses petites facilités derrière ses nombreuses qualités. Et je ne dis pas cela parce que j’ai bu du thé Archer (fort bon !), mais bien parce que j’ai lu tout le roman avec les bonnes lunettes !

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Titre : Bienvenue à Perfect City (A place called Perfect, 2017)
Autrice : Helena Duggan
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Camille Cosson
Couverture : Karl James Mountford
Éditeur : Fleurus
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 373
Format (en cm) : 21 x 14 x 3,5
Dépôt légal : septembre 2021
ISBN : 9782215166061
Prix : 15,90 €



Nicolas Soffray
30 septembre 2021


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