La magnifique couverture de Michel Borderie donne d’emblée le ton de cet opus. Un copieux dossier nous y attend, mais le lecteur devra réfréner son impatience, prendre les dernières nouvelles de la galaxie collectées par Emilie Querbalec et se taper un entretien avec un certain Bradley P. Beaulieu, écrivain de fantasy américain qui semble rencontrer un certain succès en France. L’homme renvoie une image plutôt sympathique à travers ses réponses, mais la fantasy et moi, cela fait deux...

Décidé à exacerber notre frustration, Christophe Colin nous propose ensuite un entretien avec l’équipe d’Actusf qui décerne depuis dix ans un prix de l’uchronie. Intéressant. Suit la nouvelle réglementaire qu’abrite chaque numéro de « Présences d’Esprits ». Ici, Jonathan Myriel avec “Le Test” tente de nous abuser en conversant avec des IA, et il y réussit pas mal.

Enfin, nous abordons le dossier “Sorcières” concocté par Marthe Machorowski. Quand je dis copieux, ce n’est pas une formule à la légère : nous tenons là un essai savamment construit, qui ambitionne de balayer le plus d’aspects possibles de ce vaste domaine en une dizaine de pages ! Ce dossier est intitulé “sorcières”, et ce féminin est largement mis en avant et expliqué. Marthe Machorowski s’efforce de démontrer qu’au fil des siècles, la pratique de la sorcellerie – ou désignée comme telle – fut un chef d’accusation largement employé pour réduire au silence (dans le meilleur des cas) les tenantes du sexe faible qui osaient faire montre de velléité d’indépendance à l’encontre des seigneurs et maîtres masculins. Les exemples abondent dans ce sens et, même de nos jours, femme et sorcellerie vont presque naturellement de pair. Ainsi en témoignent une série télévisée comme « Ma sorcière bien-aimée » ou encore les dessins animés de Walt Disney « Blanche Neige », « La belle au bois dormant » ou encore « Merlin l’enchanteur ». Tiens justement : ici l’homme n’est pas un sorcier mais un enchanteur, dénomination révélatrice d’une certaine vision des choses , même si Gargamel est d’un avis différent !
La sorcellerie prend ses racines dans l’antiquité (sans doute même aux temps préhistoriques avec les chamanes, mais nous savons peu de choses de ces rituels). « L’Iliade », du regretté Homère, met en scène une Circé, avec une connotation qui n’est pas forcément négative mais plutôt envoutante. Il en va de même pour la Pythie de Delphes. La sorcellerie permettait alors une forme de communion avec les dieux. Une étape décisive sera franchie lorsque Rome, à l’issue de la conquête des Gaules, réprimera impitoyablement les pratiques druidiques des peuples soumis, îlots de résistance qu’elle identifie comme irréductibles. L’aspect maudit et démoniaque fera alors son apparition et frappera d’anathème toute une caste. Le monde judéo-chrétien héritera de cette approche, prétexte rêvé pour se livrer à des persécutions qui verront leur apogée aux XVème et XVIème siècles. Dernier domaine abordé, et non moins passionnant de ce beau dossier : le lien entre sorcellerie et magie.

L’ensemble est enrichi d’encadrés traitant soit de ce thème dans les comics, au cinéma ou dans la littérature fantastique actuelle, ainsi que d’une abondante illustration.
Après ce gros plat de résistance, « Présences d’Esprits » propose ses rubriques habituelles (passage en revue de livres, magazines, BD, jeux, comics et films).

Voilà donc un numéro à ne pas manquer, avec un dossier qui est un modèle du genre.

Titre : Présences d’Esprits
Numéro : 104
Couverture : Michel Borderie
Rédacteur en chef : Bénédicte Taffin
Directrice de publication : Evelyne Beuzit
Type : fanzine
Genres : SF, articles, critiques, entretiens, etc.
Site Internet : le club Présences d’Esprits
Période : printemps 2021
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 1291-2689
Format : 21 x 29,7 cm
Pages : 52
Prix : 5 €