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Anti-Magicien (l’), tome 6 : Hors-la-loi
Sebastien de Castell
Gallimard Jeunesse, roman traduit de l’anglais (Canada), fantasy, 540 pages, mai 2021, 19,90€

Une menace gronde au Sud, au point que les ennuis habituels de Kelen avec les chasseurs de primes semblent bien futiles : chez les Berabesq, serait né un Dieu. Qui a promis à son peuple la tête de la jeune reine darome. Une seule solution pour éviter une guerre qui embraserait le continent : tuer ce dieu-enfant. Et tout le monde, du conseil secret de Daromie jusqu’au grand mage Jan’Tep Ke’heops, s’accorde pour désigner Kelen comme meilleur candidat pour ce travail.
Bien sûr, le jeune Argosi refuse. Le meurtre n’est pas sa voie. Il ne tuera pas pour son peuple d’origine, après tout ce qu’on lui a fait subir. Sauf si... on ne le lui laisse pas le choix. Sauf si c’est son choix.
Mais encore une fois, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent. Et dans ce grand jeu politique, Kelen a l’habitude qu’on lui mente. Mais jusqu’à quel point ?



Apothéose. Pour la conclusion de sa série, Sebastien de Castell met la barre toujours plus haut.
Les choses commençaient « tranquillement » : Kelen déjoue une nouvelle tentative d’assassinat sur sa personne, avec sa ruse habituelle (et en prenant le lecteur par surprise, même après 5 volumes), avant de se faire arrêter par Torian Libri, la nouvelle capitaine de la garde royale, avec laquelle il joue au chat et à la souris. Protégé par la reine, on pourrait croire qu’il peut se permettre de badiner... hélas, les « vacances » ne durent pas, car tous se liguent pour lui faire accepter l’inacceptable : commettre un meurtre. Sur un enfant, clairement manipulé par son clergé.
Kelen dit non, non, non, jusqu’à découvrir qui a payé de sa vie pour cette information. Jusqu’à ce qu’on lui fasse miroiter une éventuelle possibilité de retrouver sa magie. Jusqu’à ce qu’il fasse plier son père. Jusqu’à ce que Furia Perfax soit de retour.
Ces retrouvailles compensent un peu la perte d’un être cher, mais elles seront de courte durée : les Berabesq ont jeté une malédiction à Furia, qui lutte contre elle à la manière Argosi. Mais l’issue sera fatale.
Kelen part donc assassiner un dieu. Mais bien sûr, tout ne se passe pas comme prévu. Le chemin à travers l’empire berabesq est noir de troupes, et là encore la voie de l’eau leur permettra de faire du danger un refuge. Kelen découvre leur culture, leur foi complexe (sept livres sacrés pour sept visages d’un même dieu) et s’interroge sur la part des Argosi dans cette pagaille. Arrivés à la capitale, il va devoir faire honneur aux enseignements de Furia, mais là encore, rien ne se passe comme prévu, et le petit Dieu ne repère immédiatement, et l’invite à le rejoindre... et à le tuer. Pour devenir un martyr et déclencher la guerre ? ou bien est-ce autre chose ? Face à la divinité, Kelen retrouve des choses connues : l’ombre au noir, et la magie...
Et c’est là que le piège dans le piège se referme... Et qu’il ne sera pas de trop d’une troupe complète d’Argosi pour empêcher une guerre totale.

Encore une fois, une dernière fois, tout le monde a menti à Kelen, tout le monde l’a envoyer jouer au détonateur, et il va devoir se sacrifier pour mettre à bas tous leurs plans. Ceux qui tirent les ficelles sont prêts à toutes les manipulations pour accomplir leurs projets, à jouer sur toutes les cordes sensibles, même le deuil. Face à ces masques, Kelen demeure fidèle à lui-même, trop gentil, trop entier, et bel et bien déterminé à empêcher l’irrémédiable de se produire.

Il ne croit pas un instant aux regrets exprimés par son père, se souvenant comment ce dernier l’a manipulé à l’abbaye d’ébène, comment Ke’heops sait retourner à son avantage les plus mauvaises cartes, faire culpabiliser son fils ou au contraire lui faire miroiter un espoir... Ce dernier tome est encore un jeu d’influence, sauf que Kelen n’y croit plus, et pousse son père dans ses derniers retranchements, le forçant à tomber le masque. Et par ricochet, il pousse Shalla, sa talentueuse sœur, à faire un choix. Parce qu’il ne peut pas être toujours tout seul, et que parfois, les petites ruses ne suffisent pas, il faut sortir l’artillerie lourde. Lourde comme cinquante Argosi ou autant de chacureuils.
Ou pas. Parfois, une pirouette peut suffire.

Sebastien de Castell nous surprend encore, au fil de ces 540 pages, par le nombre de rebondissements, par les pièges tendus, par les fausses pistes et les chemins cachés. Kelen a encore beaucoup à apprendre, et le retour de sa mentoresse signe aussi celui des petites piques bien cinglantes de Furia en réponse aux inquiétudes de son élève.
On en voit plus sur les Argosi que dans « L’Ensorceleuse », on en découvre encore, des choses bien plus profondes, des liens subtils, qui rappellent que Kelen est encore un novice et que son enseignement n’a pas été le plus académique. Néanmoins, c’est lui, avec toutes ses faiblesses et son humanité, qui va se mettre en travers de la guerre.

Si de prime abord on peut voir dans la religion berabesq un écho de l’islam conquérant (le contexte désertique y fait beaucoup), c’est surtout dans les dissensions nées des multiples livres qu’il faut regarder, et y lire une satire de toutes les religions, qui séparent, privent, abîment au lieu de guérir et d’unir. Ce sont les manipulations derrière la foi qui sont dénoncées, internes comme externes, et qui conduisent à la misère d’un peuple et à présenter une guerre comme solution à tous leurs maux.

« Hors-la-loi » marque peut-être aussi l’adoubement de Kelen. Lui toujours dans l’ombre de Furia, puis obligé de se débrouiller seul, a fait ses armes, et doit désormais décider, guider un groupe qui lui fait confiance (quoique) et compte sur lui. Il n’est pas toujours très à l’aise avec cette idée, et prouvera finalement que c’est seul, sans avoir à craindre pour ses amis, qu’il est le plus fort. Mais ils ne sont jamais loin, heureusement.
N’est-ce pas cela, devenir adulte ?

Au sortir de 6 volumes sortis en un peu moins de 3 ans, c’est avec une petite larme qu’on quitte Kelen et Rakis. L’auteur ne nous laisse pas sur notre faim d’une conclusion trop ouverte, et nous fait le plaisir d’un dernier chapitre pour répondre à ce douloureux « Et après...? » en promettant de revenir. Cela passera visiblement par un préquel qu’on espère voir traduit chez nous !


Titre : Hors-la-loi (Crownbreaker, 2020)
Série : L’Anti-Magicien, tome 6/6
Auteur : Sebastien de Castell
Traduction de l’anglais (Canada) : Laetitia Devaux
Couverture : Noémie Chevalier
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Grand format littérature
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 540
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2021
ISBN : 9782075150989
Prix : 19,90 €


L’anti-magicien
L’ombre au noir
L’ensorceleuse
L’abbaye d’ébène
Les traîtres de la cour
Hors-la-loi


Nicolas Soffray
18 juillet 2021


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