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Déclaration (La) : l’histoire d’Anna
Gemma Malley
Helium, roman (Grande-Bretagne), dystopie, 215 pages, avril 2018, 16€

Angleterre, 2140. Un groupe pharmaceutique a trouvé le moyen de combattre le vieillissement et la mort. La société est transfigurée, imposant un strict contrôle des naissances pour éviter une surpopulation et un épuisement des ressources naturelles. Pour accéder à la vie éternelle, on doit signer la Déclaration, et s’engager à ne pas faire d’enfant, sauf au principe « d’une vie pour une vie » qui garantit la stabilité démographique.
Anna est un Surplus, une enfant née sans autorisation. Ses parents ont été soumis à une lourde amende, et elle placée à Grange Hill, un foyer où on éduque ces bouches excédentaires pour en faire des travailleurs ou du personnel de maison.



Sous sa couverture toute douce, publiée en France chez Naïve, « La Déclaration » a raflé le Grand prix de l’imaginaire jeunesse 2009, et est rapidement devenu un best-seller mondial. La dystopie qu’y montre Gemma Malley est glaçante car très probable : avec la fin de la mortalité, le contrôle des naissances pour éviter la surpopulation devient vite aussi indispensable que sévère, érigée en loi.

L’autrice nous met dans la peau d’une innocente. Une jeune fille qui n’a pas demandé à naître, de parents qui, comme d’autres, ont cru pouvoir braver la Loi. S’ils ont été sévèrement punis, c’est elle qui endure tout le jours le sort des Surplus, ces bouches en trop qui doivent justifier l’énergie et les ressources qu’on leur consacre chaque jour.
Bien évidemment, les lecteurs les plus mûrs verront très vite que le système est biaisé, et que ces enfants forment une main-d’oeuvre docile et à bas coût pour les élites. une autre forme d’esclavage, exercée par les vieux sur les jeunes.

Là où « La Déclaration » séduit et terrifie, c’est dans l’endoctrinement qu’a intégré Anna, qui n’a connu que le foyer. Elle aspire à gravir les échelons, devenir un Bon Element, pas une Moins-que-rien. Elle sait Où-est-sa-place. Le texte et ses pensée sont parsemés de ces locutions à traits d’union, d’expressions souvent méprisantes que leur lance à la figure le personnel, à la moindre incartade. On ne les a pas systématiquement dépouillé de leur nom de famille, mais à leur prénom est toujours accolé « Surplus », pour qu’ils ne l’oublient jamais.
Anna voudrait partir, entrer dans une maison au service de Légaux, de bons citoyens à la vie éternelle. Mais elle ne peut s’empêcher de faire preuve d’empathie pour les plus jeunes, souvent délaissés, les bébés livrés des heures à eux-mêmes. Parfait produit du système, elle a bien intégré sa valeur, proche de zéro, et sans se départir de sa réserve empreinte de crainte permanente, elle essaie de guider les autres, plus rebelles, sur cette voie de l’acceptation de leur sort. Elle est pleine d’optimisme, n’ayant rien connu d’autre, n’ayant jamais vu le monde extérieur, et rêve dans le faible espoir qu’on lui laisse. Et pour cela, il faut suivre les règles comme un bon petit soldat.

Puis elle rencontre Peter, venu d’un autre foyer, qui commence à semer le doute dans son esprit, parle d’un Réseau d’opposants à la Longévité... Peter, né Légal et devenu Surplus à cause d’un demi-frère. Peter, caché par les parents d’Anna toutes ces années, et qui est venu la délivrer de Grange Hall.

Dans une unité de lieu fort limitée, on observe le système qui déraille aux yeux de sa plus fervente croyante, la Loi abusée par les puissants au détriment des faibles, des citoyens repentants qui marchent sur le fil... des choix cruels, des trahisons. La fuite, la traque, par les Rabatteurs, la police chargée de traquer les Surplus et les parents fautifs avec le même flair que les pompiers incendiaires de « Fahrenheit 451 ».

On aura lu ensuite d’autres très bonne dystopies jeunesse où le contrôle de la population et de la natalité sont centrales, comme l’excellent « Passeur » de Lois Lowry, ou plus récemment « The Rule of One » avec des jumelles avec une seule à l’existence légale.
« La Déclaration » vient se placer au carrefour du « Méto » d’Yves Grevet et de la trilogie « Effacée » de Teri Terry. On y retrouve un personnage dans un univers clos, pétri de règles suivies à la lettre, avant que tout cela n’éclate et se confronte à une société très répressive pour mieux masquer ses propres manquements.
Anna est une héroïne atypique, bien formée par le système à ne pas se donner la moindre importance. Il est presque douloureux de lire les passages où Peter tente de la convaincre que sa vie a autant de valeur qu’une autre, tant son endoctrinement est fort. Et cela, l’autrice le rend très bien, gardant son personnage cohérent de bout en bout tandis que s’opère son changement de mentalité. Tout cela rythmé par une intrigue de thriller avec beaucoup de suspense.

Il en demeure finalement, de longues années plus tard, ce souvenir d’inconfort, de culpabilité presque vis-à-vis de ces enfants jetés plus bas que terre, puisque le lecteur se placera assez naturellement derrière le discours rebelle de Peter, et cette fabuleuse douceur d’Anna, qui subit, accepte, encaisse, rêve petitement tant on lui a appris à ne pas y croire.

Le roman était resté longtemps indisponible suite à la disparition de son éditeur Naïve, et le voir reparaître chez Hélium, ainsi que ses deux suites, est un grand plaisir.


Titre : La Déclaration : l’histoire d’Anna (The Declaration : Anna’s Story, 2007)
Série : (pas de titre d’ensemble) 1/3
Autrice : Gemma Malley
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Nathalie Peronny
Couverture : Prisca Martaguet / Florie Briand
Éditeur : Helium (édition originale : Naïve, 2008)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 214
Format (en cm) :
Dépôt légal : avril 2018
ISBN : 9782330096779
Prix : 16 €


La Déclaration : l’histoire d’Anna
La Résistance : l’histoire de Peter
La Renaissance : l’avenir de Molly


Nicolas Soffray
12 juillet 2021


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