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Galaxies n°70 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°70, SF - nouvelles - articles - critiques, mars 2021, 192 pages, 11€

Durant les années 1980 et 1990, l’astronome et docteur en astrophysique David Brin s’est rapidement imposé comme un auteur de SF de premier plan. Deux prix Hugo à la suite avec « Marée stellaire » et « Élévation », tous deux s’inscrivant dans son cycle de l’« Élévation », ont séduit le lectorat et, dans mon cas, c’est un des auteurs qui m’ont fait aimer la science-fiction. Hélas, avec les années, il s’est fait de plus en plus rare et « Existence », son dernier titre traduit en français, remonte à 2016.
Aussi, que Patrice Lajoye lui consacre un dossier n’est que justice pour son apport au genre.



Après une brève présentation, le lecteur a droit à une histoire générale de l’élévation, car, même si David Brin l’a érigée en pierre angulaire d’une grande partie de sa bibliographie, ce n’est pas le premier à s’y être intéressé. L’ensemble de ses œuvres est chroniqué et « La jeune fille et les clones » a même droit à un traitement spécial. Sans langue de bois, Jeanne-A Debats dézingue gentiment ce roman, qu’heureusement elle apprécie tout de même ! Elle le qualifie de mansplaining, ce qui traduit le fait pour un homme d’expliquer la vie à une femme, et notamment comment être féministe.
Georges Bormand s’attarde sur les interventions de David Brin sur son blog dans lequel il n’hésite pas à évoquer la politique. Dans l’entretien accordé, il lui est d’ailleurs demandé ce qu’il pense des dernières élections américaines ! L’intérêt me parait secondaire, j’aurais de loin préféré des questions en lien avec son œuvre.
D’autres regrets me viennent à l’esprit quant à la partie rédactionnelle liée au dossier. J’aurais aimé que son parcours soit, entre autres, retracé et non qu’on en profite pour écrire un article autour de son thème de prédilection ou qu’on se serve de l’un de ses bouquins pour évoquer le mansplaining.
La nouvelle “Ce qui continue... et ce qui échoue...” date de 1991. Trente années au compteur, mais il s’agit toujours de SF de haut vol. Hard science avec la proximité d’un trou noir source d’expériences, interrogation sur la naissance de l’univers, sur la lignée d’un individu... Une nouvelle riche en thèmes montrant bien toutes les qualités de David Brin.

Dans le futur imaginé par Jean-Pierre Andrevon, le 1er mai est devenu jour de chasse annuel. Chaque individu peut être tiré au sort pour devenir gibier ou chasseur. C’est justement ce qui arrive à un couple, lui se transforme en gibier et elle en chasseresse. Une journée chargée avec des meurtres en série, attaques et défenses, sang qui coule à flots, jusqu’au final logique, mais qui ne manque pas d’interroger sur sa pertinence. En effet, si j’ai bien suivi, elle n’a aucun bénéfice à tirer de son dernier acte. “La dixième victime”, une bonne pioche malgré tout.

Avec “Orbiteur V 244”, Claude Carré a terminé 3e du Prix le Bussy 2020. L’espace proche est devenu une vraie poubelle avec tous les débris tournant autour de la Terre. Des agents en missions longues durée tentent justement d’en collecter le maximum avec leurs orbiteurs. Danny attrape un gros débris, mais ignore de ce dont il s’agit. Un récit plaisant, étayé par une réalité avec l’embouteillage autour de notre planète.

“Répétition” de Dean Whitlock se révèle fort à propos. Dans ce texte écrit en 1991, l’auteur y évoque le Sida, mais la situation n’est pas sans rappeler celle de la Covid. Les infectés doivent porter un bracelet, la police traque les contrevenants. Daniel n’en peut plus de son isolement, du manque de contact humain et décide de retirer son bracelet pour aller en boîte de nuit. Il fait attention mais les événements dérapent. Heureusement il peut faire une sorte de reset, le ramenant quelques heures plus tôt.
Sous des airs de jour sans fin, de situations se répétant sans cesse, l’auteur évoque le malaise autour du Sida, l’ostracisation de ses victimes. C’est vraiment bien mené et le parallèle avec la situation actuelle est flagrante et dérangeante. Une belle trouvaille que l’on doit à Pierre-Alexandre Sicart qui s’est chargé de la traduction.

Écrit à quatre mains (Gènes Fajac et Nathalie Faure-Trudel), “Lily” est une jeune fille morte sur la planète Mirontta. La mère Lana ne s’est jamais remise de cette perte et n’a jamais accepté Lilas, pourtant le clone de Lily. La détresse de la fillette reniée par une mère qui vit dans le passé est poignante. Des encarts vantant les mérites de la planète à fin de colonisation permettent de mieux cerner l’origine du drame, même s’il reste mystérieux jusqu’à la fin dont la compréhension n’est pas certaine. Il n’en reste pas moins de bonnes choses.

Grégoire Kenner use d’humour dans le texte “Dans le palais du roi Gnangnan”. Il est parfaitement dans le thème de l’élévation, évoquant même en toutes lettres David Brin. Les extraterrestres sont arrivés et, contre toute attente, ils ont élevé les blattes au rang d’intelligence spatiopérégrine. La disparition de leur Dieu pousse les Cryptoplases à demander l’aide du célèbre détective Timure, blatte de son état. Une nouvelle amusante qui ne se prend pas au sérieux, mais qui permet de passer un bon moment.

“Outretemps, Outrelangue” tire de l’oubli “Un seul monstre vit dans la planète Mars” paru le 28 novembre 1909 dans « Mon Dimanche », revue populaire illustrée. Il y est déjà évoqué une créature pensante à l’échelle d’une planète. Une belle curiosité.

Dans la partie rédactionnelle, “Musique et SF” revient sur Sun Ra, Jean-Michel Archaimbault achève la seconde partie de “Croisière au long du Fleuve” consacrée à Robert Clauzel. Ces deux séries d’articles sont devenues des incontournables de la revue, tout comme les chroniques littéraires, BD et cinéma.

Même si le dossier aurait mérité d’être plus étoffé, retrouver David Brin ne peut qu’être un plaisir tant il se fait rare. Et puis, les nouvelles au sommaire sont attrayantes, alors ce « Galaxies » peut aisément être qualifié de bon numéro.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 70 (112 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Mira
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : mars 2021
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376251217
Dimensions (en cm) : 13,4 x 21
Pages : 192
Prix : 11€


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
6 avril 2021


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