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Maîtres Enlumineurs (Les)
Robert Jackson Bennett
Albin Michel Imaginaire, roman traduit de l’anglais (États-Unis), fantasy, 636 pages, avril 2021, 24,90€

La cité de Tevanne doit sa richesse aux quatre grandes familles dépositaires de l’art de l’enluminure. Les maîtres enlumineurs parviennent à détourner les objets de leur fonction première, à contourner les lois de la physique, des secrets bien sûr jalousement gardés et chaque famille est retranchée dans son enclave. Hors leurs murs, ce n’est que misère.
La jeune voleuse Sancia Grado survit en commettant des vols. Elle espère que sa présente mission lui permettra de raccrocher, car dérober une petite boîte dans un entrepôt sous haute surveillance lui rapportera une forte somme. Le risque s’avère élevé, mais Sancia n’est pas n’importe qui, elle parvient à entendre les enluminures, à connaître le passé des objets, ce qui lui est d’une grande aide pour sortir de situations périlleuses.
Par contre, elle ne saisit que trop tard dans quoi elle s’embarque. La simple clé dérobée recèle une importance considérable. Rien de moins que la cohésion de Tevanne est en jeu !



Chez le même éditeur, Robert Jackson Bennett s’est déjà fait remarquer avec le brillant « American Elsewhere » qui vient de sortir en Livre de Poche. Après le fantastique, il s’attaque à la fantasy avec « Les Maîtres Enlumineurs ». Un pavé de plus de 600 pages pour commencer, mais quels débuts pour ce qui s’annonce comme une trilogie !
Il y fait preuve d’une grande originalité avec le système des enluminures qui, sans transformer la forme de l’objet, en change la nature. Faites croire à un roseau qu’il est dur comme de l’acier et vous ne risquez pas de le plier facilement. Indiquez à une flèche qu’elle ne fait que tomber revient à la faire voler toujours tout droit une fois sortie de l’arc. Les instructions sont d’une grande complexité suivant la fonction souhaitée et le système ne cesse de s’améliorer, de se complexifier au fil du temps. On est bien sûr loin du passé, de l’âge glorieux des Hiérophantes qui parvenaient à éteindre les étoiles, avant qu’ils ne se détruisent. Heureusement leurs secrets sont perdus. Quoique... des vestiges subsistent toujours et décrypter un artefact ayant franchi les siècles permettrait à une maison de prendre le pas sur les autres et d’asseoir sa domination.
Plus l’art de l’enluminure est révélé, plus sa complexité apparaît. Les instructions permettant ces prodiges sont stockées dans ce qui ressemble rien de moins qu’à des serveurs informatiques. Même s’il est question de magie, cette dernière prend un côté plus formel, plus rationnel avec des moyens techniques alloués. Avons-nous affaire à de la fantasy cyberpunk ? Qu’importent les tentatives de définition, seul compte le plaisir pris à la lecture de ce monumental premier tome.

Sancia est une jeune femme forte qui tente de s’en sortir. Son passé est toujours une plaie en elle, sa chair en porte encore les traces. Elle n’aspire qu’à redevenir une personne normale, car tout contact représente une épreuve douloureuse. Le larcin qu’elle commet pour le compte d’un mystérieux prestataire, sûrement une des grandes maisons, tourne mal. Dommages matériels, tensions, chasse à l’homme... pas ce à quoi elle rêvait. Trouver des alliés devient rapidement impératif, car elle est bien seule. Le premier est aussi surprenant qu’inattendu et donne tout le piment de ce roman, il s’agit de l’objet dérobé. Arrivent aussi un des fils fondateurs d’une des grandes maisons, Gregor Dandolo, cherchant la voleuse qui lui a fait perdre son crédit, Orso un des maîtres enlumineurs de la même maison et son adjointe Bérénice. Les événements vont les lier.

Robert Jackson Bennett nous offre du grand spectacle. Pour démêler toute l’affaire, Sancia se lance dans des missions toujours plus démesurées jusqu’à la dernière proprement hallucinante, notamment de par les lieux grandioses. Le récit s’avère passionnant tout du long, l’auteur trouve chaque fois le moyen d’aller encore plus loin, de rajouter de la dramatique à l’intrigue. Cette escalade est toujours maîtrisée, permettant d’augmenter l’intérêt général. La conclusion est clairement ouverte, les enjeux sont devenus plus importants et le lecteur n’éprouve qu’une envie, celle de se replonger dans cette création d’envergure.

Aujourd’hui, surprendre le lecteur dans un roman de fantasy tient de la gageure, mais Robert Jackson Bennett relève aisément le défi dans « Les Maîtres Enlumineurs ». Il réconcilie même les irréductibles amateurs de science-fiction avec les férus de fantasy. Ce roman s’avère d’une grande intelligence avec le système de magie décrit. Des personnages forts sont au service d’une histoire d’une ampleur insoupçonnée au départ et dont les ramifications ne cessent de se complexifier.
C’est brillant, enlevé et passionnant.
« Les Maîtres Enlumineurs », un roman à ne surtout pas manquer !


Titre : Les Maîtres Enlumineurs (Foundryside, 2018)
Auteur : Robert Jackson Bennett
Illustration de couverture : Didier Graffet
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Laurent Philibert-Caillat
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 636
Format (en cm) : 14,1 x 20,5
Dépôt légal : avril 2021
ISBN : 9782226441515
Prix : 24,90 €


Robert Jackson Bennett sur la Yozone :
- « American Elsewhere »
- « Vigilance »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
7 avril 2021


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