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Manhattan Sunset
Roy Braverman
Hugo et Cie, collection Hugo Thrillers, thriller, 363 pages, février 2021, 19,95€

Roy Braverman : personne d’autre que le fameux Ian Manook, auteur de la trilogie « Yeruldegger » et de « Mato Grosso ». Après l’Asie Centrale, après le Brésil, c’est à l’Amérique du Nord que s’est attaqué l’auteur sous ce pseudonyme, avec la trilogie « Hunter », « Crow » et - « Freeman ». Un territoire qu’il n’a manifestement pas fini d’explorer, puisque le revoici en zone exclusivement urbaine avec « Manhattan Sunset ».



Dès le départ, le ton est donné : au fond d’une casse automobile, l’inspecteur Donnelli se penche sur une enfant retrouvée morte, dans un état abominable, passée au chalumeau, sans doute en post-mortem, pour empêcher toute identification. Sale temps. Perché sur une pile d’épaves rouillées son coéquipier Pfiffelmann complète ses observations. Le problème, c’est que Pfiffelmann est mort en intervention deux semaines auparavant. Et la journée ne fait que commencer : quelques heures plus tard c’est l’ex-épouse de Donnelli qui se fait dessouder. La morgue se peuple donc de corps méconnaissables, ex-épouse comprise, car elle a été entre temps transformée de A à Z par la chirurgie esthétique.

« Donnelli entre dans la morgue, la bouteille de Lagavulin à la main. Van Den Heed l’attend, en contre-jour d’une lampe de bureau. Le reste de la pièce est plongé dans une obscurité apaisante. Sur la droite, le mur dédié au rangement des corps, avec ses portes métalliques. Une consigne de gare. Des vies abandonnées comme des bagages. À tout jamais perdues. »

Ça dégringole donc sec autour de Donnelli, et ça n’est pas fini. À la morgue, il reste toujours des tiroirs à remplir. Donnelli et sa coéquipière Makanto investiguent. Plus exactement Donnelli, Makanto et Pfiffelmann. Car le fantôme est du genre tenace. Du genre observateur. Du genre pertinent. Pire encore : du genre à faire de bons mots. Le lecteur croit tour à tour deviner en ce spectre le remords ou la mauvaise conscience de Donnelli, puis ses déductions inconscientes – mais les choses ne sont pas aussi simples. Cette présence insupportable pour Donnelli, le lecteur s’en accommode parfaitement, finit à la longue par la trouver naturelle. Il est vrai qu’elle apporte un brin de lumière et d’humour dans un récit très noir, et ouvre la porte à l’une des plus hilarantes scènes de consultation chez un psy jamais écrites.

Mais que l’on ne s’y trompe pas. Le titre « Manhattan Sunset », est explicite, aveuglant, prémonitoire. Le récit sera crépusculaire ou ne sera pas. Les trajectoires des personnages sont des lignes tendues vers un horizon de flammes et de poudre, destinées à s’achever dans une brève déflagration finale. Il n’y aura pas rédemption pour grand monde. Trafic d’enfants, mafia russe, truands lituaniens, folie meurtrière, fatalité, tout s’en mêle. Sans compter, comme le réalise bientôt Donnelli, que le FBI et le MI6 qui surveillent, couvrent ou protègent les uns et les autres, ne simplifient pas vraiment la donne.

« La clarté fulgurante étire toutes ses ombres parallèles, rasantes et démesurées (…). Du moindre relief sur une façade, elle tire des ombres verticales qui redessinent les immeubles et les grave d’or et d’ébène. Dans le canyon qui devient la rue, les passants s’arrêtent, saisis par la magie de l’instant. »

Dans ces jeux complexes de chats et de souris, le lecteur doit ici et là suspendre son incrédulité (il faut admettre que des protagonistes d’obédiences diverses ont lu dans le même journal le même article et en ont tiré les mêmes conclusions, ou que Donnelli connaisse parfaitement les membres de la famille de son ex-coéquipier sans avoir jamais rencontré le fils de ce dernier), et certaines conjonctions d’évènements apparaissent un peu forcées mais on reconnaîtra qu’il s’agit là des lois du genre, et la mécanique du thriller fonctionne par ailleurs parfaitement. Pas de dilution, en tout cas, dans ce roman dense et ramassé qui n’excède pas les trois cent soixante pages, marqué comme toujours chez Roy Braverman par des personnages fortement caractérisés et par des dialogues qui claquent, des formules qui percutent, des réparties qui font mouche.

Dans ce « Manhattan Sunset », l’aspect « hard-boiled » est donc au tout premier plan. Mais, même si telle est l’impression qui domine lorsque l’on referme le volume, on admettra en y resongeant qu’il s’agit aussi d’une belle histoire de fantôme. Et si le noir en dépit d’un humour grinçant et omniprésent s’y manifeste si fortement, c’est aussi en contraste avec l’humanité profonde de quelques-uns des personnages, à l’image de ces autres contrastes, dans la description soignée du « manhattanhenge » et de sa conjonction topographo-crépusculaire, où la fulgurance du soleil fait ressortir le noir comme une teinte insurpassable.


Titre : Manhattan Sunset
Auteur : Roy Braverman
Couverture : R. Pepin / Marceaux / Getty Images
Éditeur : Hugo et Cie
Collection : Hugo Thrillers
Pages : 363
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : février 2021
ISBN : 9782755686098
Prix : 19,95 €


Les thrillers Hugo et Cie sur la Yozone :

- « Crow » de Roy Braverman
- « Hunter » de Roy Braverman
- « Freeman » de Roy Braverman
- « Le Journal de Claire Cassidy » d’Elly Griffiths
- « Les Sages de Sion » par Hervé Gagnon
- « La Terre promise » par Hervé Gagnon
- « Les Passagers » de John Marrs
- « Âmes soeurs » de John Marrs
- « Le Tricycle rouge » de Vincent Hauuy


Hilaire Alrune
7 mars 2021


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