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Au service secret de Marie-Antoinette, tome 4 : La Femme au pistolet d’or
Frédéric Lenormand
La Martinière, roman (France) policier humoristique et historique, 313 pages, octobre 2020, 14€

Convaincue par Messmer qu’il peut lui assurer la naissance d’un héritier mâle en échange du soutien financier de ses recherches, Marie-Antoinette a besoin de sous. Contre un pourcentage de ses recettes, elle prête ses deux enquêteurs attitrés, soit sa modiste Rose Bertin et son coiffeur Léonard Autier, à Mme Cottin de Merville, une ogresse qui gère la ferme générale des postes depuis la mystérieuse noyade de son époux.
Le duo Rose-Léonard, qui s’envoie des noms d’oiseaux à la tête à longueur de temps, doit donc découvrir qui tente de ravir cette charge fort lucrative à la veuve joyeuse et terrifiante, les soupçons se portant sur le fermier des vinaigres et celui du tabac. La reine leur adjoint Fersen, un Suédois joli garçon qu’elle n’arrive pas à convaincre d’apporter sa contribution à la lignée royale...



Délaissant depuis quelque temps la Chine Antique du Juge Ti, Frédéric Lenormand s’est emparé avec le même talent de Voltaire, d’Arsène Lupin... et donc de Marie-Antoinette, pour des enquêtes en apparence frivoles, des intrigues écorchant l’Histoire.
Il n’en est en fait rien.
Enfin, si : son duo est bien frivole, les deux apprêteurs attitrés de la Reine s’entendent comme des chiens dans un jeu de quilles, balançant vacheries à peine déguisées sur piques blessantes, et râlant sur les bas-fonds dans lesquels leur service royal les amène à s’abaisser. C’est truculent, plein de bons mots et d’allusions anachroniques (comme le fait que le vinaigre semble alors l’avenir et que le tabac n’en ait aucun), un régal de lecture. On avait vu dès le titre l’allusion à James Bond, cela donne exactement le ton.

Mais, bien qu’il s’en défende, et ne se présente absolument pas comme historique, le roman s’appuie sur une solide documentation, et si les faits eux-mêmes sont fictionnels, on en apprendra beaucoup sur le fonctionnement des fermes générales, la délégation à un tiers du recouvrement des taxes, contre une marge. Aujourd’hui on dit « délégation de service public », et c’est exactement la même chose, les magouilles derrière les candidatures itou. On rira jaune à la découverte de l’hôtel particulier pas fini de construire et menaçant déjà ruine, et à toutes ces petites allusions franches entre les sociétés du XVIIIe et d’aujourd’hui. Comme quoi l’Homme ne changera jamais.

Et les femmes non plus. Elles sont centrales dans ce 4e tome (qui peut parfaitement être lu indépendamment), de la Reine qui cherche par tous les moyens, officiels ou plus agréables, à faire son devoir pour la Nation, si possible avec le concours de la Suède sous la forme du beau, naïf et un peu neuneu comte de Fersen, tandis qu’elle repousse les prétendants au cocufiage royal trop empressés grâce à sa garde rapprochée de dames de compagnie.
Rose Bertin, la modiste aux expressions de poissonnière (à l’encontre du pauvre Léonard), montre une nouvelle fois son indépendance, image résolument moderne de la femme, en écho à leur cliente, Mme Cottin de Merville, qui tient d’une main de fer les postes et sa fortune, tenant tête aux hommes qui voudraient la lui spolier au nom d’une stupide dominance masculine. Ogresse, croqueuse d’hommes, manipulatrice et cachottière, elle n’a rien à leur envier, au grand dam de nos deux enquêteurs.

Enfin, l’enquête n’est pas de tout repos, et si les pièces du puzzle mettent un peu de temps à s’emboîter, c’est qu’une histoire fort simple en cache une autre bien plus sombre, comme Rose et Léonard le découvriront. Là encore l’auteur balaie une vision trop simpliste de l’Histoire et rappelle nombre de réalités sociales et économiques. Derrière les ors de Versailles, il y a la boue.

Bref, c’est très léger sur la forme, drôle et rythmé, mais pas si innocent que cela. Une lecture plaisir qui rend moins bête, qu’on appréciera autant qu’on soit néophyte ou féru d’Histoire.


Titre : La Femme au pistolet d’or
Série : Au service secret de Marie-Antoinette, tome 4
Auteur : Frédéric Lenormand
Couverture : Raphaelle Faguer
Éditeur : La Martinière
Collection : Littérature
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 313
Format (en cm) : 18,5 x 13 x 1,5
Dépôt légal : octobre 2020
ISBN : 9782732495088
Prix : 14 €



Nicolas Soffray
3 février 2021


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