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Géante Rouge n°28
Rédactrice en chef déléguée : Lucie Chenu
Fanzine, n°28, SF-pièces de théâtre, novembre 2020, 192 pages, 11€

À l’occasion du numéro 28, « Géante Rouge » revient quelques années en arrière pour adopter à nouveau le format de la revue « Galaxies ». Fini les quatre fascicules, clins d’œil aux débuts du fanzine, ce que je regrette, mais les raisons sont très bien expliquées dans l’éditorial et parfaitement recevables : les quatre fascicules rassemblés sous leur bandeau coûtaient cinq fois le prix d’un « Galaxies » !



Le sommaire dégage une impression de fourre-tout : 9 nouvelles sélectionnées par Lucie Chenu, les 6 premiers accessits du Prix Alain le Bussy 2020, une flopée de miniatures du Prix Pépin 2020 et trois pièces de théâtre du Prix Aristophane 2020. Rien que ça ! Si l’on excepte les passages obligés (les trois concours 2020), la rédactrice en chef déléguée a disposé de moins de 90 pages pour ses choix.

Dans l’étonnant et dérangeant “Les enfants” de Junko Komatsu, le fantastique s’invite dans le quotidien d’une mère de famille très terre-à-terre. “Grand beau temps sur Teflon 3” de ïan Larue nous montre non sans humour que, sur cette planète, l’administration fait son travail jusqu’au bout.
Des colons protègent jalousement leur récolte des autochtones, se réclamant de leur droit et usant de leur religion comme raison à l’injustifiable. Il semblerait que seul un enfant voie clair dans cette ignominie. “L’apocalypse selon Jonathan” de Jean-Michel Calvez ne manque pas d’intérêt.
Même s’il se cache derrière une grosse paire de lunettes noires et sous un chapeau, tout le monde aura reconnu Hugo van Gaert qui relate l’étonnant choix de retraite d’un pilote (“La retraite du capitaine Morgan”). Jess Kaan et Antoine Lencou signent “Tant qu’il en restera” en parlant des éléphants et du marché de l’ivoire. Un texte que j’ai trouvé bien mené et pertinent.
Sous le beau titre “L’envol des cerfs, le chant des cygnes”, Marie-Catherine Daniel nous décrit une épopée désespérée aux allures de course contre les effets de la radioactivité pour trouver des médicaments.
Avec “La nuit de Noëlle”, Bezuth a obtenu un second accessit au Prix le Bussy 2020, véritable vivier de textes. Noëlle est une chercheuse tout dévouée à la science pour lancer sur le marché le premier I-bot. Mais l’affaire n’est pas sans surprises. Très plaisant et largement du niveau des premiers accessits qui suivent.
Deux textes ne m’ont clairement pas plu : “Les petits métiers du futur : le dépanneur d’électroménager”Didier Reboussin fait feu de tout bois au rayon humour et “Hyalinebourg” d’Eva D Serves ressemblant à un froid exercice de style.

Après présentation du palmarès du Prix Alain le Bussy, les 6 premiers accessits ex æquo connaissent les joies de la publication. Dans “L’odeur de la poudre” de Jean Paris, la compétition entre deux hommes s’exprime aussi bien dans la réalité que dans le virtuel. Plutôt bien vu.
Johnny Carpentier ne réussit pas vraiment à surprendre avec “Le choix des âmes” où les Terriens ont la possibilité de quitter la Terre ou de rester dans l’enfer qu’elle est devenue.
Alain Rozenbaum nous présente des extraterrestres débarquant sur notre planète déserte et ne comprenant pas comment ses habitants ont pu disparaître. C’est amusant de voir comment ils ne veulent pas envisager sérieusement l’option bêtise humaine. Avec son titre “Blague à part”, ce texte porte bien son nom.
“Le sang des robots” joue sur l’ambiguïté entre vivant et animé, entre robot et personne à part entière. Qu’est-ce qui les distingue ? Comment un petit grain de sable ou une peau de banane peut-elle faire dérailler une existence placée sur des rails ? Thomas Prélot mène de belle manière une réflexion intéressante.
“Répondez, Éric Zoummer” est l’œuvre de Simon Castéran à qui est dédié ce numéro de « Géante Rouge », car il est décédé entre le moment où il a appris son accessit et la publication de son texte. Le titre manque de subtilité, tout comme l’homme interviewé se noyant dans ses contradictions et repartant la queue entre les jambes de l’émission radio. La mauvaise foi et l’intolérance sont traitées ici avec humour. Si seulement la raison pouvait toujours l’emporter...
Et mon accessit préféré : “L’amour sous les drones” de Gabriel Féraud. Dans une société où l’individu perd vite tous ses droits, se voyant condamné à la moindre incartade aux travaux forcés appelés TIG, l’amour peut naître sur un chantier. Mais les drones veillent sur cette main-d’œuvre corvéable à merci. La conclusion est à la hauteur du reste. Un très beau texte !

Place aux Pépins 2020. On apprécie ou pas. Rien que le Pépin d’Or m’a découragé de poursuivre de peur que tout soit de la même veine. En moins de 300 signes, écrire une miniature qui se tient n’est pas évident et j’ai l’impression qu’il y a un essoufflement, que les textes publiés sont chaque année moins intéressants. De petits malins contournent même la difficulté en présentant des récits se suivant, du moins se répondant (voir “Le moment venu” et “Question de points de vue” de Céline Juillard). Je n’en ai pas moins tout lu, car l’exercice du Pépin est délicat.

L’introduction au Prix Aristophane 2020 due à Pierre Gévart et Ugo Bellagamba, président du jury, s’avère un des grands moments de ce numéro, tant son propos est juste et pertinent. Quant au palmarès, j’avoue ne pas savoir laquelle des trois pièces de théâtre présentées l’a remporté. Sont-elles premières ex æquo ? De plus, comment peut-il y avoir un troisième prix s’il y a déjà trois textes avant dans la hiérarchie ? Des bizarreries qui n’entachent toutefois en rien la qualité des pièces.
Conversation dans un ascenseur “En panne ?” pour Marc Lepage qui nous régale par son humour et les malentendus au programme.
Votre robot connaît des dysfonctionnements, appelez le SAV ! Et vogue la galère... “Au théâtre de la technique” de Robert Yessouroun parlera à beaucoup qui se seront découragés en ne trouvant personne au bout du fil ou rencontrant l’incompréhension, voire le doute quant au problème.
Et quand votre dossier est classé, car vous êtes reconnu mort, allez expliquer à l’administration robotisée le problème ! “Intelligence et bêtise artificielles” font bon ménage chez Pierre Benazech.
Ces pièces permettent aux lecteurs de passer d’agréables moments, le sourire aux lèvres.

Un « Géante Rouge » dense contenant beaucoup de textes, car il regroupe les choix de Lucie Chenu, la rédactrice en chef déléguée, et les textes de trois prix 2020. Beaucoup de choses donc, pour ne pas dire trop. C’est peut-être l’esprit fanzine qui se manifeste en cherchant à en donner le maximum aux lecteurs. C’est comme les photos des participants pouvant être au format identité ou très grand, sans que la place disponible ne le justifie forcément.
De ce numéro, je retiens surtout la partie théâtre avec son introduction et ses trois pièces faisant leur effet, et la belle nouvelle de Gabriel Féraud.


Titre : Géante Rouge
Numéro : 28
Directeur de publication et rédacteur en chef : Pierre Gévart
Rédactrice en chef déléguée : Lucie Chenu
Couverture : D’après une photo de Pierre Gévart (2020)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Géante Rouge
Dépôt légal : novembre 2020
ISSN : 1778-011X
N° ISBN : 9782376251149
Dimensions (en cm) : 13,6 x 21,1
Pages : 192
Prix : 11€


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
12 décembre 2020


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