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Chair à horloge (De la)
Bruno Pochesci
Malpertuis, Brouillards, recueil de nouvelles, fantastique, septembre 2020, 272 pages, 16€

Depuis sa première nouvelle “Les Retournants” en 2013, « De la chair à horloge » est déjà le troisième recueil de Bruno Pochesci. Il faut dire que l’auteur ne chôme pas et que ses nouvelles agrémentent bon nombre de sommaires. Il a remporté de nombreux prix : deux Alain Le Bussy et deux Visions du Futur, et s’est même fendu du roman « Hammour ».
Après « L’amour, la mort et le reste », son premier recueil de fantastique, il revient chez Malpertuis dans le même registre.



Les zombies inspirent l’auteur à plus d’une reprise, c’est la figure qui revient le plus souvent, sans que son rôle se répète et sans qu’on sache son origine.
Dans “Mondo Zombie”, un jeu vidéo est devenu réalité et la planète n’abrite plus que quelques survivants désireux d’atteindre la fin de la partie, en espérant qu’elle ne signera pas l’extinction de l’espèce humaine.
Dans “Zombies en Beaujolais”, ils déferlent dans un salon du livre, font un massacre et permettent finalement une belle rencontre. L’humour omniprésent et également une certaine autodérision donnent une belle incursion dans le monde du fanzinat.
La Grande Pomme n’existe plus, il ne reste de New York plus que “Le grand trognon” à cause de l’appétit des zombies qui l’assiègent. Bruno Pochesci joue habilement avec les enjeux du réchauffement climatique et ce déni d’une bonne partie des Américains, car seule la pollution repousse l’envahisseur, alors en avant fumées d’échappement, jouez problèmes de santé.
Les revenants ne signifient pas forcément massacre, abondance de chair fraîche à déchirer, ils peuvent aussi offrir l’espoir à l’humanité. “Verflucht sei der Krieg” voit des combattants décédés, aussi bien français qu’allemands, se relever du champ de bataille de Verdun pour que la guerre cesse, celle-ci et toutes les suivantes. Une nouvelle de toute beauté à l’imagerie forte qui fait très bonne impression.

La technologie s’arrête et la civilisation perd ses repères, les gens restent hagards dans l’attente d’une hypothétique reprise. Le retraité Rainer Pfaffenbichler n’est pas de ceux-là, il a assemblé des Trabant durant toute sa carrière et ce retour en arrière lui redonne quasi un second souffle. “Trabant mater” revient sur le passé est-allemand, un autre temps, une autre vie et dégage son lot de la nostalgie envers un passé perdu, une jeunesse envolée.

Le présent n’est pas oublié pour autant. Le seul inédit du recueil “L’escalator” met en scène Ferdinand qui a rencontré l’amour de sa vie en pleine crise de la Covid ou apparentée, mais se retrouve dans une boucle sans fin, un escalier sans issue dans une séquence absurde. La conclusion fait écho avec l’actualité, rappelle que la prudence est de mise pas seulement pour nous mais aussi pour les autres. En plein dans le mille !

Se retrouver dans une cage au milieu d’inconnus qui ne comprennent pas plus la situation, rajoutez des chats et en avant “Ronronnements infernaux” qui n’est pas sans rappeler « Cube ». Le vainqueur du jeu remporte juste le droit de continuer le spectacle. Ce thème fait toujours frissonner, car les tenants et aboutissants restent cachés, relevant de la gratuité le plus totale, d’autant que la présence des félins rajoute à l’étrange atmosphère.

Rencontre au sommet entre le marquis de Sade et Casanova à Venise. Que peut-il en sortir ? Sûrement rien de bon, tant chacun écoute avant tout ses appétits sexuels. “Têtes de gondole” ne manque pas de piment dans le cadre de la Sérénissime et met en scène des personnages hauts en couleurs.

Là où la plus courte nouvelle “L’exil d’Arik” peine à convaincre, car sa brièveté ne permet pas forcément d’atteindre la compréhension, la plus longue “Cadenas d’amour” s’avère un régal. Pierre file avec Alma un amour torride et parfait, jusqu’à l’apothéose de leur liaison dans Fort Boyard où ils ferment un cadenas pour la sceller. Une coutume somme toute innocente, mais non sans conséquences ici. « Je t’aime Moi non plus » devient de mise, des périodes de calme alternent avec des périodes de conflits. Je n’en dis pas plus, car le récit fonctionne à merveille.

“De la chair à horloge” donne le titre à ce recueil. La vue d’un homme y est étrangement modifiée, il entrevoit l’avenir. Quand le phénomène débute, il voit les gens comme ils seront dans 20 ans. Puis cela s’aggrave et bientôt il n’a plus personne en face de lui. La fuite du temps se traduit dans le regard, en contradiction avec les autres sens. Incompréhension, sentiment d’exclusion, refus... Un texte en mode intimiste qui fait mouche.

Et pour finir “La porte des éléphants”, une dernière pépite au sommaire. Difficile de rester insensible en lisant le parcours de Sira à qui son grand-père a transmis un collier tout en évoquant le temps où les éléphants vivaient encore en liberté. En compagnie de sa mère, Sira est obligée de fuir son pays d’Afrique, puis l’Italie qui leur avait un temps accordé refuge, avant de franchir les Alpes à la force des mollets. C’est poignant, pétri d’une philosophie de la vie qui fait du bien. L’innocence de Sira porte cette histoire qui oscille entre pessimisme et optimisme avant de pencher clairement vers l’espoir d’un monde meilleur. Un très beau texte !

« De la chair à horloge » est ponctué de nombreuses nouvelles marquantes avec des idées qui restent, des passages qui trouvent des échos dans l’esprit de chacun. Si la figure du Zombie est souvent présente et non sans humour, Bruno Pochesci use du fantastique pour dénoncer un quotidien peu reluisant : crise de la Covid, intolérance, gestion des migrants... ou porter son regard vers l’avenir, sans oublier de parler d’un thème éternel : l’amour. Il le fait à sa manière, n’hésitant pas à passer par la case jeux de mots, mais cela fonctionne très bien tout du long.
Un très beau recueil de fantastique, le prolongement conseillé de son devancier « L’amour, la mort et le reste ».


Titre : De la chair à horloge
Auteur : Bruno Pochesci
Couverture : Bruno Pochesci
Éditeur : Malpertuis
Collection : Brouillards
Directeur de collection : Thomas Bauduret
Site Internet : page recueil (site éditeur)
Pages : 272
Format (en cm) : 15,6 x 23,4
Dépôt légal : septembre 2020
ISBN : 9782917035849
Prix : 16 €


Bruno Pochesci sur la Yozone :

- « L’espace, le temps et au-delà »
- « L’amour, la mort et le reste »
- « Scories »
- « Orwell m’a tu »
- « Hammour »
- un entretien avec l’auteur

et les nouvelles de ce recueil parues en fanzine, revue ou anthologie
- Verflucht sei der Krieg dans « Géante Rouge 25 »
- Zombies en Beaujolais dans « Galaxies 57 »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
25 octobre 2020


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