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Firefly, tome 1 : Héros malgré eux
James Lovegrove d’après Nancy Holder
Ynnis, roman (USA) space-opera, 350 pages, aout 2020, 24,90€

Encore une fois, le capitaine Malcolm Reynolds essaie de rentabiliser le voyage du Serenity. Badger, le parrain des docks d’Eavesdown, sur Persephone, lui confie le transport de caisses d’explosifs très volatils, même si cela n’enchante personne. Puis il part avec Zoë et Jayne au Taggart, un taverne en ville, rencontrer un mystérieux commanditaire qui paierait gros pour une livraison moins encombrante. Hélas, la rencontre tourne mal, Mal est enlevé tandis que sa seconde et le mercenaire sont pris dans une bagarre. L’Alliance vient fouiner, à la recherche des Tam, obligeant le Firefly à décoller avec sa cargaison de contrebande mais sans son capitaine.
Le pasteur Book retourne sur Persephone pour enquêter sur les soi-disant « justiciers » qui s’en prennent aux anciens Browncoats.



« Firefly » est une série de Joss Whedon d’autant plus culte qu’elle a acquis ce statut avec le temps. Sortie en 2002, massacrée par une diffusion désordonnée, elle n’aura qu’une seule saison de 14 épisodes. Le créateur la qualifie lui-même de « western dans l’espace », et pour qui ne l’aura pas vu, pas plus que le film « Serenity » sorti en 2005, cela résume bien l’ambiance.

On est très loin dans l’avenir, après une guerre économique opposant l’Alliance hégémonique aux planètes Indépendantes. On y reconnaîtra bien sûr un écho de la Guerre de Sécession, d’autant que les Indépendants étaient vêtus de beige (d’où leur surnom Browncoats, « manteaux marron ») quand le Sud était en gris. Les Browncoats ont perdu, mis à genoux lors de la meurtrière bataille de la Serenity Valley, à cause de renforts jamais arrivés. Les survivants revanchards sont devenus hors-la-loi, et Malcolm Reynolds s’est fait contrebandier avec son vieux vaisseau Firefly.

Son équipage, sa bande, est le digne héritage du western, équilibré des archétypes d’un jeu de rôles : Zoë, sa seconde et ancienne subalterne, a la même carabine que Steve McQueen dans « Au nom de la loi », son mari Wash est un pilote hors pair, Jayne Cobb est un mercenaire un rien terre-à-terre et antipathique, le révérend Book a eu un passé trouble avant d’entrer dans l’Ordre, Kaylee la mécano est un rien craintive. N’oublions pas Inara, Compagne officielle, soit prostituée de luxe (pas fille de saloon), et la fratrie Tam : Simon, médecin, et River, la jeune mage télépathe, échappée d’un labo de l’Alliance et recherchée bien plus activement que les anciens Browncoats. Un second couperet au-dessus du groupe de contrebandiers. (Pour plus de détails, les acteurs associés à chaque personnage, Wikipédia est votre amie). Malcolm Reynolds est incarné par Nathan Fillion, et l’acteur incarne parfaitement l’ambiguïté du personnage : une apparence de jovialité pour cacher une certaine noirceur. A moins que ce soit le personnage qui ait influencé tous les rôles confiés à l’acteur par la suite.

Bref, sans rien vous spoiler de la série comme du film (j’aurai du mal), « Héros malgré eux » se présente dès son incipit comme un nouveau job pour l’équipe, qui en a besoin pour continuer à faire voler le Firefly. Habitué aux plans foireux de Badger (une sombre histoire de vaches - rappelant les liens forts avec le western), Mal espère doubler la mise en faisant deux livraisons sur le même trajet. Hélas, il est donc enlevé, ses amis enquêtent mais doivent filer avec des infos très fragmentaires, le pasteur revient donc sur Persephone, renoue avec un ancien soldat pour découvrir qui a piégé Malcolm et pourquoi. Reynolds est aux premières loges, mais ne peut rien tirer de ses ravisseurs, d’anciens Browncoats qui l’accusent de trahison. Confronté à son accusateur, il replonge dans sa jeunesse sur Shadow...

Au-delà du superbe crossover entre space opera et western, qui est l’ADN même de la série, avec des costumes, des flingues et des villas de l’Ouest encore sauvage mélangés à des vaisseaux spatiaux qui traversent le Noir plutôt que les grands espaces, « Héros malgré eux » a deux qualités. Sous la plume de James Lovegrove (« Days », magnifique), le décor et les personnages prennent de l’épaisseur, et pour qui ne connaît pas la série, c’est assez agréable à lire. Néanmoins, le carcan de la licence se fait sentir, et les 350 pages du roman déborderaient certes des 45 minutes d’un épisode, mais tiendraient bien en deux parties.
L’autre point majeur est le retour sur la jeunesse de Mal, et ce qui l’a conduit à s’engager : plus que des convictions, la fin d’une époque avec ses trois amis de jeunesse, avec qui il a fait les 400 coups et mené la vie dure au shérif corrompu du coin, un petit côté Zorro qui finira mal, et un triangle amoureux au même destin. D’ailleurs, on le devine vite, son accusateur est son ami et l’amoureux éconduit, qui cherche sa vengeance mesquine derrière une façade de justice pour le camp battu.

Et c’est peut-être la grande faiblesse de cette histoire, finalement : un scénario cousu de relatif fil blanc, épaissi par des péripéties certes distrayantes mais plutôt dispensables. On pourra apprécier la plongée dans les méandres d’une société qui se reconstruit après la guerre, avec ses profiteurs enrichis et ses militaires reclassés à des postes clés, d’un bord ou l’autre de la loi. On regrettera des rebondissements très hollywoodiens qui ne visent qu’à répartir l’action entre tous les personnages, leur garantir leur temps à l’écran. C’est le problème de toute licence : coller à la trame et au rythme de son support original, satisfaire les fans sans repousser les néophytes. Pour ma part je juge le contrat en partie rempli : j’ai plus qu’envie de mettre la main sur la série, et l’ouvrage, bien qu’un brin longuet, ne m’a pas déplu. C’est agréable à lire malgré quelques longueurs, et très immersif, ce qui est l’essentiel.

Signalons aussi l’excellent travail de la traductrice Yaële Simkovitch qui, à contre-courant du monde éditorial actuel, ne cède pas aux sirènes de « simplification » de concordance des temps, et nous sert plus que notre soûl des subjonctifs passés : pari audacieux, pour un ouvrage qui vise toutefois un public plus spectateur que grand lecteur, et ajoute un touche littéraire indéniable à cette prose à la croisée des genres et des styles.


Titre : Héros malgré eux (Big Damn Hero, 2018)
Série : Firefly, tome 1
Auteur : James Lovegrove, d’après Nancy Holder
Traduction de l’anglais (USA) : Yaële Simkovitch
Couverture : Sébastien Rost
Éditeur : Ynnis éditions
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 349
Format (en cm) :
Dépôt légal : août 2020
ISBN : 9782376970422
Prix : 24,90 €



Nicolas Soffray
31 octobre 2020


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