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Reine des souris (La)
Camilla Grudova
La Table Ronde, La Nonpareille, traduit de l’anglais (États-Unis), 43 pages, octobre 2020, 5 €

Après l’inquiétant « Los Angeles » d’Emma Cline, après « Et m*** » de Richard Russo et « Halfon, Boy », de l’écrivain guatémaltèque Eduardo Halfon, voici « La Reine des souris » de Camilla Grudova, un retour au fantastique et à l’imaginaire avec lesquels la novella « Mary Ventura et le neuvième royaume », de Sylvia Plath, avait inauguré la collection.



« Peter dégageait quelque chose de sombre et de fort, si bien que tout le monde considérait que c’était l’homme idéal. »

La narratrice et Peter, tous deux étudiants, tous deux férus de latin, se sont mariés secrètement et sont unis par un rêve commun : vivre chichement, économiser suffisamment pour aller s’installer à Rome, car, selon eux “il était inutile de postuler pour un troisième cycle sans avoir au préalable passé un certain temps à Rome pour faire des recherches et trouver un sujet original sur lequel écrire.” Enceinte de jumeaux, la narratrice a trouvé un travail dans une boutique de maisons de poupées, et son époux dans un cimetière. Ils vivent dans un petit appartement surchargé de vieilles choses, au-dessus d’une ancienne épicerie.

« Nous transformâmes en autel une petite chaise trop bancale pour s’asseoir dessus. Nous fîmes un assemblage de saints et de dieux romains, un mélange d’images, de statues et de bougies aux formes bizarres que nous avions trouvées ici et là – ruches, arbres, cônes, hiboux, anges. »

Et puis un jour, les choses dérapent. Le jeune homme ramène du cimetière, dans un grand sac, le cadavre d’une naine, avec “un haut chapeau noir collé à sa tête comme ma mère l’Oie, des chaussures noires à boucle, une robe noire à froufrous blancs le long de l’ourlet, des poignets et du col.” Dès lors, tout va de mal en pis, tout bascule dans un surréalisme dont le versant macabre n’en finit pas de s’accentuer, et plus encore lorsque Peter, après avoir fait bouillir leur certificat de mariage, s’en va pour ne jamais revenir. Traumatisme lié à ce départ, folie puerpérale ou authentique contamination du réel par des éléments fantastiques ? Dans les premières pages de cette « Reine des souris » qui ressemble à un conte d’Edgar Poe surchargé de symboles freudiens, on pouvait distinguer plus d’un signe avant-coureur. Les deux protagonistes avaient eux-mêmes été avertis par un de leurs amis : il n’était pas prudent d’accumuler les offrandes et de rendre un culte, sur leur petit autel de fortune, à une population aussi vaste et aussi mélangée.

« Sur la photo, Énée et Arthur n’étaient pas sur mes genoux, comme je les avais installés, mais assis sur ceux d’une louve noire dont la photo reflétait le flash. Elle avait un sourire horrible, avec de grands crocs. »

Après la fin de sa grossesse, un cliché au photomaton révèle à la jeune femme sa véritable nature : la voilà bientôt sujette à d’épouvantables métamorphoses. La lycanthropie ne serait-elle qu’un mythe, serait-elle une réalité ? Peu importe, le malaise est permanent, et l’épouvante, elle, est bel et bien là. Intrusion d’une magie d’un autre millénaire, influence des dieux anciens ou simple logorrhée résultant d’une psychose authentique et particulièrement productive, on ne le saura jamais. Quoiqu’il en soit, avec son ambiance singulière et son inquiétante étrangeté, cette « Reine des souris » dérange, perturbe, et atteint son but.


Titre : La Reine des souris ( The Mouse Queen , 2017)
Auteur : Camilla Grudova
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Nicolas Richard
Couverture et vignettes intérieures : Cheeri
Éditeur : La Table Ronde
Collection : La Nonpareille
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 43
Format (en cm) : 16,5 x 10,5
Dépôt légal : octobre 2020
ISBN : 9791037106704
Prix : 5 €



La Nonpareille sur la Yozone :

- « Mary Ventura et le neuvième royaume » de Sylvia Plath
- « Los Angeles » par Emma Cline
- « Halfon Boy » par Eduardo Halfon
- « Jamais assez » par Alice McDermott
- « Et M*** » par Richard Russo
- « La Nonpareille »



Hilaire Alrune
21 octobre 2020


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