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Rats dans les murs (Les)
H.P. Lovecraft
Bragelonne, Les Carnets Lovecraft, n°3, traduit de l’anglais (États-Unis), fantastique (illustré), 120 pages, août 2020, 15,90€

Un texte fameux, une couverture à la tonalité identique à celle de « Dagon » et de « La Cité sans nom », des illustrations qui entraînent le lecteur aux côtés du narrateur vers l’épouvante : ce « Rats dans les murs », maintes fois réédité, est de retour dans un bel écrin.



Pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui ne l’ont pas encore lu, on ne résumera pas de manière trop explicite ce classique de Lovecraft. Récit d’ambiance et nouvelle horrifique, « Les Rats dans les murs  », qui conte le retour d’un héritier sur le prieuré d’Exham, demeure de ses ancêtres, multiplie les thèmes lovecraftiens : lieux marqués par des légendes en lien avec la folie et avec le crime ; hantise et malédiction familiale ; manifestations à la fois sourdes et terrifiantes ; archéologie historique et générationnelle ; découvertes susceptibles de faire vaciller la raison. Un texte qui, publié pour la première fois dans le magazine Weird Tales il y a près d’un siècle, a déjà marqué des générations de lecteurs.

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« La Cité sans nom  », précisait Armel Gaulme dans sa postface au volume précédentest le cadre idéal de nos épiphanies horrifiques : vestiges souterrains hors d’âge, ruines grouillant d’êtres fouissant dans l’obscurité opaque, grincements des rats dans les murs de notre psyché ” : une référence avant l’heure à ces « Rats dans les murs » qui en dit long sur l’influence d’un tel récit dans l’imaginaire d’un amateur du genre. Dans la postface à ces « Rats dans les murs », Armel Gaulme précise que ce texte apparaît comme celui de Lovecraft à travers lequel l’influence de Poe apparaît la plus manifeste ; il évoque également le graveur et architecte Giovanni Battista Piranèse, dont les vues de Rome montrent les strates successives des civilisations – ainsi apparaît le prieuré d’Exham, “ une création empilée, un palimpseste architectural duquel émergent encore çà et là un fronton romain, une corniche celte, un mégalithe néolithique… le tout recouvert d’une architecture aristocrate que l’on imaginerait volontiers Tudor. ” D’où une série d’illustrations accompagnant le mouvement descendant, à la fois sur le plan topographique et sur le plan chronologique.

Toujours en noir et blanc, moins sobres, peut-être, que celles des volumes précédents, les illustrations d’Armel Gaulme montrent donc les images générées par cette nouvelle hypnotique dans l’esprit d’un lecteur. Si ces dessins suivent le mouvement descendant de la nouvelle décrit plus haut, ils suivent également une pente ascendante, inverse, un crescendo dans l’horreur avec ces rats de plus en plus inquiétants – trop gros, puis ouverts comme sur des planches de dissection anatomiques, puis mutants, monstrueux, leurs anatomies internes évoluant en tératologies de plus en plus marquées. Si elles s’éloignent donc – pour une partie d’entre elles tout du moins – de la stricte illustration du texte, elles participent néanmoins à l’impression de malaise que celui-ci suscite.

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Seule réserve en ce qui concerne ce volume, la traduction qui dès les premières pages laisse entrevoir quelques singularités. On est heurté dès les premiers paragraphes, dans la description du prieuré, par une phrase telle que “ Je n’étais pas arrivé à Anchester depuis plus d’un jour que je me savais déjà né dans une maison maudite ”, qui dans le contexte apparaît difficilement compréhensible. Quelle maison, se demande le lecteur, avant de se demander s’il ne s’agit pas de « maison » au sens ancien de « famille », terme dont la place se discute dans un texte dont la traduction donne par ailleurs l’impression de se vouloir modernisée. Lovecraft écrit : “ I had not been a day in Anchester before I knew I came of an accursed house. ” La traduction préexistante de Jacques Papy était bien plus claire : “ Le jour même de mon arrivée à Anchester, je savais que j’étais le rejeton d’une famille maudite. ” Quelques lignes plus loin, autre phrase incompréhensible : “ Les statistiques de ma famille m’étaient connues depuis toujours, ainsi que le fait que mon premier ancêtre américain fût arrivé dans les colonies dans d’étranges circonstances ”. Les statistiques ? Lovecraft écrit : “ The bare statistics of my ancestry I had always known, together with the fact that my first American forebear had come to the colonies under strange cloud. » Jacques Papy traduisait : “ J’avais toujours connu mon arbre généalogique ; j’avais su que mon premier ancêtre américain était venu aux colonies dans d’étranges circonstances.” Au moins était-ce compréhensible. De tels exemples, qui heurtent d’emblée à la lecture, tendent hélas à prouver que cette nouvelle traduction, par ailleurs et par endroits plus fidèle au texte original, n’a pas été relue par un tiers avant d’être envoyée à l’impression – compte tenu de la beauté de l’écrin, le texte aurait mérité ce petit effort supplémentaire.

On passera pourtant sur ce point de détail. Comme les deux premiers volumes de ces « Carnets Lovecraft » richement illustrés par Armel Gaulme, ces « Rats dans les murs » constitue, soigneusement relié et sous une solide couverture, un bel objet-livre à destination des collectionneurs.


- Les Rats dans les mur (The Rats in the Walls, 1924)
- Auteur : Howard Philips Lovecraft
- Traduction de l’anglais (États-Unis) : Arnaud Demaegd
- Couverture et Illustrations intérieures : Armel Gaulme
- Éditeur : Bragelonne
- Collection : Les Carnets Lovecraft, tome III
- Pagination : 120 pages en noir et blanc
- Format : 14 cm x 20,7 cm
- Dépôt légal : août 2020
- ISBN : 9791028103064
- Prix : 15,90 €


Les Carnets Lovecraft sur la Yozone :

- « Dagon »
- « La Cité sans nom »


Illustrations © Armel Gaulme et Éditions Bragelonne (2020)


Hilaire Alrune
27 septembre 2020



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