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Le cyberespace de l'imaginaire




Janissaire (Le)
Olivier Bérenval
Mnémos, roman (France), science-fiction, 344 pages, août 2020, 21 €


« La Convergence – l’élan vers de nouveaux mondes – est souvent assimilée aux technologies de propulsion infraluminique ou à la découverte de nouveaux points de Langevin – des passages transstellaires – ou encore à la terraformation des exoplanètes. Rien n’est moins vrai. Le véritable changement de paradigme fut lorsque les hommes comprirent que c’était à eux de s’adapter à leur nouvel univers, et non l’inverse. (…) Les nouvelles espèces humaines – géomorphées selon les spécificités de leur planète d’accueil – prirent le nom de Variants. »

Dans un lointain futur, l’univers exploré est sous la tutelle d’Antiterra, qui dirige la Communauté répandue à travers l’espace. Les mondes nouveaux, partiellement terraformés, sont colonisés par des humains modifiés, adaptés à l’environnement local : c’est le cas des Simorghs, également nommés Tybarènes, qui ont permis de coloniser la planète Khataï, ou plus exactement une partie de cette planète aux ressources naturelles inégalement réparties. L’assassinat sur ce monde lointain d’un haut dignitaire envoyé par la Communauté, le feld Rohr, déjà venu plusieurs fois sur Khataï, entraîne le réveil d’un membre du corps des Janissaires, enquêteurs au service de la Communauté, des individus infaillibles et craints par tous. Sur cette planète dirigée par le régent Pulcher Appius, avec l’aide de l’ambigu bey Shalman, et avec le soutien d’Amanda Creek, membre des forces étrangères de Khataï, et d’Agafor, le commandant des troupes Serden-Gestler, le janissaire Kimsé va entamer une enquête qui le conduira plus loin que prévu.

« Seuls quelques volatiles, des choucas-serpents, voletaient, tournoyant au-dessus d’elle, les écailles de leurs ailes se moirant du feu rose du soleil déclinant. Des navettes suborbitales laissaient des traînées blanchâtres dans l’azur, traçant des lignes géométriques qui s’estompaient avec les vents d’altitude. »

Loin en bordure des steppes, loin des zones riches en ressources, des Simorghs vivent une existence difficile mais paisible en exploitant des ressources minières. Parmi eux, une jeune fille du nom de Nourgehan répare des intelligences artificielles de bas niveau Turing. Mais le caractère tranquille de son existence va bientôt voler en éclats : le retour de sa sœur Schirin, partie dans les zones citadines, va changer les choses de manière irrémédiable. Elle est en effet liée à des mouvements séditieux qui, s’ils ne sont pas responsables de l’assassinat du feld Rohr, y sont très indirectement liés. On s’en doute : les parcours du Janissaire Kimsé, de l’adolescente Nourgehan et de bien d’autres personnages vont bientôt se croiser.

« On m’a condamné, lavé le cerveau, plongé en stase pendant un ou deux siècles, puis réveillé pour éliminer les adversaires de la Communauté. Je ne suis donc pas le mieux placé pour saisir l’étendue de son trouble. »

Un mouvement de protestation – les Commensalistes – né de préoccupations écologiques légitimes, l’incapacité de la Communauté à répondre aux desiderata des uns et des autres autrement que par la déportation et la répression, les manipulations des forces armées prenant des initiatives individuelles, les atermoiements et les petitesses des dirigeants, les individus manipulant les uns et les autres font du « Janissaire  » un récit d’aventures classique et très politique, mais aussi une investigation policière cherchant à dénouer à travers plusieurs trames enchevêtrées les fils d’une affaire plus compliquée que prévu.

Si l’on bute au cours des premiers chapitres sur quelques imperfections le plus souvent en lien avec la présentation du monde de Khataï – les dialogues entre hauts dignitaires paraissent superficiels, l’usage des parenthèses apparaît excessif, les descriptions ou explications tendant vers le syndrome Jules Verne, le caractère artificiel de certains passages est sensible (par exemple les échanges entre Kimsé et Creek aboutissant à la visite de la nef des Limbes ne sont guère crédibles) – on est dans un second temps pris par l’intrigue qui ne se limite pas à celle d’un techno-thriller, mais se nourrit également de légendes Simorghs et d’une pincée de magie, de pouvoirs inexplicables en lien avec les étonnants cristaux trouvés dans les mines, et peut-être avec une entité primordiale et primitive, connue des seuls Simorghs, lesquels hésitent à la considérer comme une divinité ou comme un simple parasite mental se nourrissant des émotions humaines – des pouvoir ambigus, une entité ambiguë qui vient discrètement contrebalancer les aspects high-tech et cyberpunks, voire biopunks, de ce monde futur.

Le roman se termine selon un rituel désormais classique – tension crescendo et pyrotechnie – qui évoque les productions hollywoodiennes, mais les amateurs de littérature classique noteront la symétrie avec le double mouvement (descente, ascension), qui ouvre et ferme le récit, un peu à la manière flaubertienne. En fonction de leurs propres lectures, les amateurs de science-fiction entendront dans ce « Janissaire  » mille et un échos, y trouveront les signes de mille influences : un soupçon de Jack Vance pour les épigraphes et pour l’aspect aventures et planet-opera, une pointe de Peter F. Hamilton pour les constructions orbitales et les facettes cyberpunk, de lointains échos d’un « Dune  » de Frank Herbert pour les aspects politiques – mais chacun pourra citer d’autres œuvres et d’autres auteurs. En conjuguant divers courants, et dans un genre totalement différent de « Ianos, singularité nue », Olivier Bérenval parvient, avec ce « Janissaire », à créer un univers homogène et à y inscrire une belle aventure humaine.

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Titre : Le Janissaire
Auteur : Olivier Bérenval
Couverture : Wadim Kashin
Éditeur : Mnémos
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 344
Format (en cm) : 15,5 x 23,5
Dépôt légal : août 2020
ISBN : 9782354087913
Prix : 21 €


Olivier Bérenval sur la Yozone :

- « Ianos, singularité nue »



Hilaire Alrune
29 septembre 2020


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