Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Île du Diable (L’)
Nicolas Beuglet
Pocket, Thriller, roman (France, 2019), Thriller, 308 pages, septembre 2020, 6,95€

Après une année d’emprisonnement, l’inspectrice Sarah Geringën est libérée quelques heures plus tôt que prévu, car son père a été assassiné. Son visage est témoin des souffrances subies, son corps est recouvert d’une poudre blanche et ses extrémités sont gangrenées. Même si le règlement l’interdit, son chef Stefen lui confie de manière officieuse cette enquête. Il lui adjoint juste un bleu, un bras dans le plâtre de surcroît, Adrian Koll, dont c’est la première affaire et qui servira d’intermédiaire afin de sauver les apparences.
La découverte d’une clé dans l’estomac de la victime accroit le mystère autour de sa mort. Qui pouvait lui en vouloir à ce point ? Et pour quelle raison ? Et finalement Sarah connaissait-elle vraiment son père ?



Trois romans « Le cri », « Le complot » et « L’île du Diable » ont élevé Nicolas Beuglet au rang des auteurs français de thriller à suivre. Son nouveau roman « Le dernier message » est annoncé en septembre chez XO éditions.

Fort judicieusement, un bref résumé des livres précédents « Le Cri » et « Le complot » montre que Sarah Geringën est un personnage loin d’être ordinaire. Alors qu’elle enquêtait sur la mort de la première ministre, elle est accusée d’avoir tué le pape. Rien de moins ! Voilà pourquoi ce roman débute alors qu’elle se trouve en prison. Heureusement son innocence a été reconnue, ce qui lui vaut cette libération tardive. Mais dans l’affaire, elle a rejeté son compagnon Christopher pour le protéger.
Nicolas Beuglet ne semble pas faire dans la dentelle, plus c’est gros, mieux cela marche semble-t-il...

Que cette affaire qui la touche personnellement lui soit confiée par son supérieur défie la raison. Elle sort de prison, pas de passage devant le psy, d’évaluation de son état... Rien de ces passages obligés, elle est direct jetée dans le bain, même si le tout se fait de manière cachée. Il faut dire que Nicolas Beuglet ne s’embarrasse pas, il va à l’essentiel. Un ancien meurtre d’enfant fait aussi l’actualité et c’est bien sûr Sarah qui est accusée. Pourtant elle n’est pas assignée à résidence, prend l’avion pour l’étranger sans être inquiétée. Le lecteur tique à maintes reprises.
De même, le récit se déroule en grande partie en Norvège, mais à aucun moment, le lecteur n’est transporté ailleurs. À part quelques mentions d’Oslo, le récit pourrait se dérouler en France sans différence. Pourquoi cette bizarrerie, d’autant qu’elle n’est pas du tout exploitée ? Bien des choses interpellent ainsi le lecteur, le poussant à se questionner sur certains points de l’histoire.

Et pourtant il faut reconnaître que « L’île du Diable » se lit très bien, car Nicolas Beuglet se montre efficace. Avec lui, pas de longs atermoiements, de pages de remplissages pour justifier telle ou telle action. Sarah ne comprend pas qui pouvait en vouloir à ce point au père qu’elle a connu, alors elle en déduit rapidement qu’il n’était peut-être pas celui qu’elle croyait. Résultat : l’enquête avance à grand pas, il y a du rythme et le lecteur se prend à l’histoire, sans forcément chipoter sur les incohérences et autres facilités.
Contre toute attente, Sarah apprécie Adrian qui l’aide bien. Il ne la freine pas dans son élan, ne cherchant pas à canaliser sa fougue et n’hésitant pas à quitter le pays avec elle.
Et coup de maître, Nicolas Beuglet réussit d’un coup à rendre tout ce qui précédait plausible ! De courts chapitres sans lien apparent avec la quête de Sarah débouchent sur une explication bien vue. Le regard du lecteur change, car l’auteur se montre pour l’occasion redoutable. Il exploite un fait avéré du passé pour justifier l’assassinat du père de Sarah. Il apporte aussi une caution scientifique à l’ensemble, pour mieux illustrer l’enchaînement des actions amenant Sarah sur l’île du Diable, théâtre d’un effroyable drame dans les années 1930.
Hélas, des questions s’élèvent à nouveau. Un acte de cruauté sur Sarah s’avère apparemment gratuit, surtout quand la finalité de tout est présentée en fin de récit. La conclusion laisse pensif, l’ensemble apparait bien tarabiscoté pour parvenir à ce point.

Nicolas Beuglet se montre efficace en allant à l’essentiel (d’autres auteurs auraient facilement étiré ce roman sur cent pages de plus). Cette qualité peut toutefois se retourner contre lui, car la Norvège est aux abonnés absents, les personnages n’ont guère d’épaisseur et certaines conclusions immédiates ressemblent à des facilités. « L’île du Diable » ne s’en lit pas moins avec facilité, car l’auteur sait mener son récit avec force rebondissements. La fin laisse peut-être sur un sentiment mitigé, mais Nicolas Beuglet a su insuffler suffisamment d’éléments prenants pour faire pencher la balance dans le positif. De plus, un ancrage du présent dans le passé n’est jamais une mauvaise idée.
Est-ce que ça suffira pour les lecteurs le découvrant à l’occasion de ce roman ? Pas sûr...
Dans les remerciements en fin d’ouvrage, il reconnaît d’ailleurs avec bien plus de lectrices que de lecteurs, comme si le personnage de Sarah touchait bien plus les femmes que les hommes.


Titre : L’île du Diable
Auteur : Nicolas Beuglet
Couverture : Bruno Barbette. Illustrations : © Roy Bishop/Arcangel et Shutterstock
Éditeur : Pocket (1ère édition : XO, 2019)
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 308
Format (en cm) : 10,8 x 17,7
Dépôt légal : septembre 2020
ISBN : 9782266307598
Prix : 6,95 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
15 septembre 2020


JPEG - 21.9 ko



Chargement...
WebAnalytics