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Passage (Le)
Louis Sachar
Gallimard Jeunesse / L’Ecole des Loisirs, roman traduit de l’anglais (USA), rite de passage, 326 pages, avril 2016, 12€

Stanley Yelnats n’a pas de chance, à cause d’une malédiction qui poursuit sa famille depuis son arrière-arrière-grand-père, et une sombre histoire de vol de cochon avant son émigration en Amérique. Notre Stanley, ado pataud, un peu rondouillard, est condamné pour un vol qu’il n’a pas commis. Un vol d’une vieille paire de basket, d’une star du base-ball, qui allait être vendue aux profit des nécessiteux. Stanley va passer 18 mois au Texas, au Camp du lac vert, qui se charge de réhabiliter les jeunes délinquants.
Des animateurs un peu sympa, un administrateur qui s’appelle M. Monsieur, et un mystérieux Directeur, seul à avoir la clim. Pour les jeunes, c’est baraquements et toute la journée, une tâche : creuser un trou d’1,5m de profond et 1,5m de large, soit la taille de la pelle, dans le lit asséché du lac vert, évaporé depuis longtemps.
Un trou chacun. Tous les jours.
Pourquoi ?



Nous allons doucement le découvrir, tandis que Stanley nous raconte, en parallèle de ses premières heures au camp du lac vert, les raisons qui l’y ont conduit, l’histoire de son aïeul à qui tous ses descendants mâles, prénommés Stanley, doivent leur poisse, ou encore quels événements ont eu lieu ici à une époque où le lac était encore en eaux.
Et bien sûr, comme nous avons entre les mains un excellent livre, tout est intimement lié. Et d’autres choses encore. Passé(s) et présent se répondent, et l’auteur distille les information au bon rythme pour nous laisser deviner, imaginer comme tout cela pourrait, devrait finir.
Le ton varie entre un humour un peu noir, Stanley prenant les choses avec une certaine philosophie, sachant qu’il ne peut échapper à la malédiction, et une dramaturgie glaçante malgré la canicule qui écrase le lac. Le groupe de la tente D est hétéroclite : 7 garçons, des Blancs, des Noirs, des Hispaniques. Tous ont des surnoms, et Stanley se découvre rebaptiser L’homme des cavernes, sans trop savoir pourquoi. X-Ray, l’alpha du groupe, semble le prendre sous son aile, mais pour mieux l’écraser et asseoir son autorité sur lui. A l’inverse, Zéro est peut-être le plus rapide pour creuser son trou, mais il est clairement le bouc émissaire du groupe, dernier à être servi en eau, toujours taiseux, souvent insulté, rabroué, humilié. Moins violent que les autres, il va se rapprocher de Stanley qui découvre qu’il n’est pas aussi bête que le disent les autres. Voire même très doué en calcul mental. Une amitié va se nouer entre eux, tandis qu’il apprend à Zéro à lire. Il va sans dire que cela déplait aux autres, qui vont le leur faire payer très chèrement, déclenchant une série de conséquences désastreuses sans retour possible pour les deux garçons, mais aussi une odyssée à la limite de la magie qui les conduira aussi à leur délivrance.

En parallèle de cette amitié, on découvrira l’histoire du lac, d’une institutrice blanche aimée de tous, d’un jeune marchand d’oignons sauvages noir apprécié pour ses mixtures médicinales... de leur amour naissant, et de l’opprobre immédiate que tout le village leur jette immédiatement. Dans une ambiance pas si loin des westerns, Louis Sachar confronte la bonté de façade et les mentalités encore très conservatrices, la violence masculine exercée sur les femmes jugées trop libres. On devine rapidement que les choses auront très mal tournées, puisque l’institutrice nous est d’abord présentée comme une dangereuse hors-la-loi. Au fil des pages, tout se lie avec l’historie de Stanley et cette étrange pédagogie par l’excavation.

Tout est magnifiquement brodé dans cette histoire, tout se répond à merveille, et la construction en apparence décousue du récit permet de sans cesse nous remettre à l’esprit des éléments qui ont encore des rôles à jouer dans cette histoire, jusqu’au lézard à taches jaunes de la couverture, une bestiole mortelle.

« Le Passage » emprunte au conte et au loufoque pour faire passer la pilule d’une situation violente, cruelle, absurde, injuste, changeant le drame en une histoire pétrie de merveilleux. Louis Sachar raconte le racisme, les rapports de force entre les êtres humains, l’injustice manifeste de la vie sur un siècle et demi d’Histoire des États-Unis et des diasporas qui la composent, l’extinction du rêve américain.Mais par la magie de son récit il transforme un cauchemar quotidien en quelque chose de très beau, qui méritait bien une happy end.

J’ai encore un peu du mal à m’expliquer le titre français, bien moins percutant que le « Holes » (« Trous ») original. Mais cela n’a pas empêché le roman de recevoir la Newbery Medal en 1999, le Prix Sorcières 2001 et, si l’éditeur le conseille dès 9 ans (ça me semble un peu tôt quand même) d’être recommandé par l’Education Nationale pour les classes de 4e (14 ans, plus cohérent).

Si vous avez, comme moi, dépassé cet âge, il n’est jamais trop tard pour découvrir ce roman, réellement magnifique.


Titre : Le Passage (Holes, 1998
Auteur : Louis Sachar
Traduction de l’anglais (USA) : Jean-François Ménard
Couverture : Antonin Faure
- Grand format (épuisé)
Éditeur : Gallimard Jeunesse / L’Ecole des Loisirs (édition originale : L’Ecole des Loisirs, 2000)
Collection : Grand Format
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 326
Format (en cm) :
Dépôt légal : avril 2016
ISBN : 9782070580248
Prix : 12 €
- Poche
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Folio Junior
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 1775
Pages : 288
Format (en cm) : 18 x 12 x 2
Dépôt légal : octobre 2016
ISBN : 9782070599684
Prix : 7 €



Nicolas Soffray
10 août 2020


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