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Solaris n°214
L’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire
Revue, n°214, science-fiction / fantastique / fantasy, nouvelles – article, Printemps 2020, 174 pages, 13,95$ CAD

Joël Champetier, une des chevilles ouvrières de « Solaris », nous a quittés voilà 5 ans. II a laissé une marque indélébile dans l’histoire de la revue qui lui consacre un numéro avec dix auteurs, l’ayant bien connu et revisitant ses univers pour l’occasion, et Mario Tessier s’intéressant à la science dans les œuvres de l’écrivain disparu.
Après la présentation de Jean Pettigrew, place aux nouvelles à chaque fois raccrochées à un roman ou à une nouvelle. Joël Champetier ne se cantonnait pas à la seule SF, mais écrivait aussi de la fantasy et du fantastique. Ce numéro balaye ainsi tous les genres de l’imaginaire.



D’entrée de jeu, Geneviève Blouin nous régale avec “Le passeur de livres”. Lors de son rite de passage pour devenir Passeur, Danirin rencontre l’Agg à qui sont confiés les morts lui servant de nourriture, ce qui lui vaut d’être qualifié d’ogre. Même si la fin est prévisible, cette nouvelle est passionnante, elle emporte les lecteurs sur les terres de Barrad dans le cadre d’une amitié inattendue et n’est pas dénuée d’une dénonciation des préjugés.

“Comment le shiba aux pattes silencieuses décida l’avenir du monde” de Philippe-Aubert Côté ne manque pas d’humour avec les extraterrestres débarquant sur Terre. Au cours d’une émission, toute la vérité est dite sur la mission des envoyés du Pentaptique. Un chien peut-il décider du sort de tous ? Mystère et amusement sont au programme de cet agréable texte sous forme d’échanges entre les protagonistes de l’événement.

Valérie espère que Claude est enfin le bon, celui qui ne la lâchera pas rapidement pour passer à une autre. Aussi est-elle inquiète quand elle le rejoint. Sous le titre innocent de “Petite poule rousse” rappelant le livre pour enfants, Jonathan Reynolds joue bien de l’ambiguïté de la situation de Claude et laisse la situation se dégrader jusqu’à l’inéluctable et inquiétant dénouement.

Ariane Gélinas nous raconte l’histoire de Lucie qui a enfin réussi à trouver l’os manquant pour reconstituer les trois corps enfouis dans la rivière des Envies. Que veut-elle en faire ? “Celui-qui-crie” parle d’une légende, d’une quête personnelle se déroulant dans une atmosphère feutrée et mystérieuse bien rendue.

Une fois de plus, une réunion de famille se passe mal, la faute à la présence de Jeannette qui dérange. Elle a écrit des livres jeunesse pour mettre son mal en mots, afin d’essayer de s’en délester. Sa sœur Madeleine la protège, car elle la comprend en partie. “La mémoire du papillon” de Pascal Raud remue le lecteur avide de savoir la cause du malaise. C’est sordide, fort et constitue un des temps forts de ce numéro.

“La mort au fond du monde” vaut surtout pour son contexte, par cette planète exploitée par les humains et habitée par les Fridji, leur rendant service de bon cœur. Sébastien Chartrand greffe dessus son récit, mais ce n’est pas ce dernier que l’on retient au final, mais la création originale de Joël Champetier.
C’est un peu la même chose pour “L’amour en absence” de Jean-Louis Trudel qui se déroule dans l’univers de « La taupe et le dragon », reprenant certains personnages clés, me semble-t-il.

Le grand magicien Maître Anterlecq a pris le jeune Flévin comme serviteur, apprenti ou encore cobaye. Il faut dire qu’Anterlecq a reçu un étonnant bracelet dont il teste les propriétés sur Flévin. N’est-ce pas jouer avec le feu ? Le disciple ne peut-il révéler des talents cachés ? “La voie du maître” séduit par son déroulement et ses passages à l’écriture rouge traduisant ce que ressent Flévin au moment de l’exposition au bracelet. Éric Gauthier étend son idée sur une trentaine de pages sans jamais lasser et on se demande au final qui est le plus malin du magicien ou du disciple.

Élisabeth Vonarburg intrigue avec “Le Rouge”, cette pluie sous laquelle mieux vaut éviter de sortir malgré son irrésistible appel. Saisons rallongées et détraquées, ambiance lourde, c’est court mais efficace.

Une soucoupe s’est posée dans la banlieue de Montréal. Du moins, personne ne l’a vue se poser, mais elle est là, attirant les curieux. Quoique des fois elle n’est plus là. Un peu comme Julie que Stéphane a rencontré le fameux jour où l’objet a fait son apparition. Stéphane ne comprend pas ces changements tournant autour de la présence ou non de la soucoupe. La rencontre avec le professeur Luckenbach lui permet d’approcher la vérité... “Concerto pour extraterrestres ou mathématiciens” ne manque pas d’attrait, notamment avec son personnage de Stéphane qui craint de ne plus retrouver Julie. Suivant le protagoniste, la priorité n’est pas la même et Hugues Morin joue bien avec la réalité et les sciences. Très beau texte.

Pour finir, Mario Tessier nous parle du parcours de Joël Champetier et examine « les œuvres de science-fiction de Joël pour étudier l’usage qu’il fait de ses connaissances scientifiques et techniques ». On ne peut qu’être admiratif au vu du résultat.

Se réapproprier un univers n’est jamais aisé, il faut y rester fidèle, tout en apportant sa touche personnelle pour faire preuve d’originalité. Ne connaissant pas les textes références, je ne suis pas le meilleur juge pour forcément voir tout le travail effectué, mais j’ai pris grand plaisir à parcourir les dix nouvelles et l’article, marquant toutefois une préférence pour les récits de Geneviève Blouin, Pascal Raud, Éric Gauthier et Hugues Morin. Une affaire de goût, mais de ce numéro de « Solaris » transparaît clairement l’amitié qui liait Joël Champetier à ces auteurs.
Quel plus bel hommage que de s’inspirer de son œuvre pour continuer à la faire vivre et donner l’envie de découvrir les originaux !
Notons aussi la belle et émouvante couverture signée Tomislav Tikulin.
Un bien beau numéro !


Titre : Solaris
Numéro : 214
Direction littéraire : Jean Pettigrew, Pascal Raud, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Tomislav Tikulin
Illustrations intérieures : Sagana Squale et Suzanne Morel
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris ; numéro 214
Période : printemps 2020
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 0709-8863
ISBN : 9782924625545
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 174
Prix : 13,95 $ CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
4 juillet 2020


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