« Cataractes » se déroule en Serbie, la seconde patrie de Sonja Delzongle née d’un père français et d’une mère serbe. Les Balkans servent de théâtre aux événements de ce roman, il se dégage de ces montagnes de la grandeur, de la majesté, elles écrasent les protagonistes de leur présence et, quand Jan part y faire son étude en compagnie de la journaliste Marija, sa fragilité n’en est que plus flagrante. Il lui a fallu un grand effort de volonté pour revenir dans son pays qui lui a tant pris, qui l’a meurtri, même s’il l’a quitté avant de se retrouver dans le conflit entre Serbes et Croates. L’auteure se sert habilement de ce dernier pour nourrir son récit et montrer les rancœurs qui ne se sont jamais tues. Chacun doit vivre avec ses actes, tenter d’oublier que son voisin était peut-être dans l’autre camp. Le conflit reste toujours en arrière-plan et explique bien des choses.
L’arrivée de Kosta coïncide avec les premiers meurtres, il assiste à des faits étranges, se demande ce que sont devenus les moines d’un monastère proche, disparus du jour au lendemain une année plus tôt. Maintenant une clinique psychiatrique occupe la construction. Jan cherche la source du Babin Zub, le cours d’eau alimentant la centrale et qui expliquerait peut-être pourquoi les gens semblaient y souffrir d’hallucinations, de crises de violence. Il s’agit pour lui d’un retour aux sources, d’une quête vers son passé comme s’il y avait quelque chose à comprendre. Comment a-t-il réussi à survivre ? Et pourquoi ? Les cauchemars émaillent ses nuits, la boue envahit sa bouche...
À Dubaï, il a laissé sa femme et surtout sa fille, sa bouée dans ce monde.
« Cataractes » fourmille de petites choses qui ne cessent de s’additionner jusqu’à entraîner le lecteur dans le sillage de révélations toujours plus surprenantes et balayant un champ qu’il n’avait pas forcément anticipé. Les petits mystères, les faits sans liens apparents montrent à un moment ou un autre leur utilité. L’atmosphère se révèle pesante, notamment de par l’histoire des lieux, le récit suit des personnes meurtries dans leur chair, dans leur tête et tutoyant souvent une certaine forme de folie. L’intrigue est subtile, elle n’est pas immédiate et elle se dérobe régulièrement pour mieux revenir.
La Serbie et les Balkans offrent à Sonja Delzongle l’endroit parfait pour son imaginaire retors. Le cadre s’avère magnifique, sauvage avec ses montagnes indomptées et si traîtres. Le passé n’est jamais loin, il hante toujours ses habitants et les personnages torturés du roman. L’auteure concilie l’ensemble à merveille pour décliner un roman prenant et glaçant. « Cataractes » saisit le lecteur aux tripes pour ne plus le lâcher, il souffle le chaud et le froid pour mieux jouer des sentiments. Alors que le lecteur pensait être arrivé au bout des surprises, la fin est proprement hallucinante, le laissant sur un dernier uppercut au foie sonné.
À mon sens, il s’agit du meilleur roman de Sonja Delzongle qui a trouvé dans sa seconde patrie le terrain idéal pour faire éclater son incontestable talent.
« Cataractes » ne s’oublie pas, la fin vous hantera longtemps.
Titre : Cataractes
Auteur : Sonja Delzongle
Couverture : D’après photo © Mark Owen/Arcangel.
Éditeur : Gallimard (Première publication : Denoël, 2019)
Collection : Folio Policier
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 448
Format (en cm) : 10,9 x 17,8
Dépôt légal : mars 2020
ISBN : 9782072893445
Prix : 8,50 €
Également sur la Yozone, les chroniques de :
« Quand la neige danse »
« Récidive »
« Boréal »
« Le hameau des Purs »
un entretien avec Sonja Delzongle
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