« Trop semblable à l’éclair » et sa suite « Sept redditions » racontent la fin d’un système, d’une forme de société à l’équilibre instable tant elle ressemble à un jeu de dominos quand la première pièce tombe. La révélation avant parution d’une liste a des conséquences aussi inattendues que catastrophiques.
Mycroft Canner narre cette dégringolade, car il est un peu le confident des puissants, il est obligé de les servir, ce qui lui permet de les suivre partout, même dans les salons de Madame nous ramenant dans les temps de jadis, en plein siècle des Lumières, en total décalage avec l’année 2454.
Décalage est un mot qui décrit bien cet ouvrage oscillant entre modernité et ancienneté avec cette imprégnation du siècle des Lumières qui n’est jamais loin. On est dans un entre-deux pas désagréable qui a quelque chose de dérangeant mais surtout de stimulant, car on ne rentre pas dans un moule mais dans quelque chose de nouveau et d’original. Lire « Terra Ignota » s’avère une expérience inattendue, aussi bien par la diversité de ses personnages, du contexte, que de la narration loin d’être uniforme. Cela demande un effort et de ne pas hésiter au début à se référer à la liste des personnages, mais alors la récompense se profile rapidement, tant l’univers est riche.

Avec « Sept redditions », Ada Palmer met un grand coup d’accélérateur. « Trop semblable à l’éclair » décrit les premiers jours de la crise, installe la dramatique de l’histoire que le présent roman amène à une première conclusion. Un fait qui pouvait paraître anodin au début entraîne toute une série de révélations jusqu’à celle de trop qui fait pencher la balance du mauvais côté. Le déséquilibre devient toujours plus grand, ce qui accélère le rythme et donne une envie irrépressible de savoir où l’auteur nous conduit. Elle ne fait clairement pas dans la facilité, mais fait preuve d’une exigence rendant l’ensemble que plus marquant.

Résumer « Sept redditions » tient autant du défi que du crime de lèse-majesté, car comment ne pas trop en dévoiler et ne pas déflorer un récit de haute volée à bien lire pour ne rien laisser échapper ? Pièce centrale de ce monument, Mycroft Canner ne cesse de se révéler. Le lecteur n’ignore pas qu’il s’agit d’un criminel, mais pourquoi a-t-il agi de la sorte ? Dans quel but a-t-il torturé son mentor qui a tout fait pour protéger les arrières de son meurtrier ? Les figures fortes pullulent dans cette fresque, les manipulateurs ne manquent pas, ni ceux qui ont soif de pouvoir ou de vengeance et même des dieux marchent parmi les hommes. Un cocktail détonant qu’on ne peut lâcher tant il recèle de saveurs.

Après le très recommandable « Trop semblable à l’éclair », « Sept redditions » conforte le lecteur dans le sentiment de tenir là un cycle de Science-Fiction qui fera date. Il est ambitieux, exigeant, troublant, surprenant tant il sort des sentiers battus, mais demande à être apprivoisé pour en embrasser toute la richesse et la beauté.
Et nous n’en sommes qu’à la moitié de cette imposante tétralogie dont le ton risque d’être bien plus sombre dans la seconde moitié. Il ne reste plus qu’à ronger son frein dans son attente.

Titre : Sept redditions (Seven Surrenders, 2017)
Série : Terra Ignota, livre Deuxième
Auteur : Ada Palmer
Couverture : Victor Mosquera
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Michelle Charrier
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 540
Format (en cm) : 14 x 20,4
Dépôt légal : mai 2020
ISBN : 9782843449628
Prix : 24,90 €

Ada Palmer sur la Yozone :
 Terra Ignota, livre Premier : Trop semblable à l’éclair

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