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Brume, de Métal et de Cendre (De)
Gwendolyn Clare
Lumen, roman (USA), uchronie fantastique, 465 pages,mai 2018, 15€

Elsa, Porzia et Farraz digèrent mal la trahison de Leo. Après avoir mis Jumi en surêté sur Veldana, ils envisagent la contre-attaque. Ils ont un peu de temps : le méta-livre est écrit en veldanien, donc même Aris, le fils de Garibaldi et frère aîné de Leo, tout polymathe qu’il soit, ne saura pas s’en servir. Elsa décide donc de servir d’appât, espérant également sauver Leo dont elle n’arrive pas à se convaincre qu’il leur a vraiment tourné le dos. Avec l’aide des carbonari, elle simule elle aussi la trahison pour pouvoir approcher Garibaldi. Porzia et elle ont tout prévu...
Sauf que Casa, l’intelligence artificielle mécanique de la maison, bugue et fasse une crise de paranoïa après l’intrusion dont elle a été victime. Elle confine tous les enfants à l’intérieur, empêchant Porzia d’aller cacher le livre-de-traverse indispensable à la fuite d’Elsa une fois le méta-livre récupéré ! Pour la scriptologue, chaque heure passée met son amie en danger.
Dans le manoir paternel, loin de l’Italie, Leo fait d’affreuses découvertes sur sa naissance, les plans de son père, et ceux de son frère. Lorsque Elsa apparaît, il ne sait plus quoi faire pour convaincre la jeune fille de sa sincérité et poursuivre ses recherche sans la mettre en danger. Il faudra bien, pourtant...



(La chronique du tome 1 « D’encre de verre et d’acier »)

L’univers est bien installé, on dévore ce second tome avec frénésie. La tension est constante, les jeunes génies se heurtant à différentes impasses pour retrouver Garibaldi malgré leur localisateur. Ils doivent changer de plan, et toutes leurs idées les ramènent à Leo et à sa trahison à laquelle ils peinent à croire. La force de leurs sentiments à tous pour le mécanicien perturbe leurs travaux, et pour ces jeunes gens si calculateurs, sûrs d’eux, c’est une variable qui peut tout bouleverser. Gwendolyn Clare réussit très bien à mêler le développement de son intrigue et ce questionnement incessant sur cette trahison intime, ce qu’elle provoque à chaque instant et sur la conduite que chacun se prépare à tenir pour leurs retrouvailles. On retrouve parfaitement la complexité d’une amitié brisée et peut-être irréparable. Tout comme, plus tard, la force des sentiments véritables balaiera comme une vague les doutes de surface.

L’intrigue est donc dense et bien ficelée. Aris localisé, le piège préparé, Elsa part avec un carbonari, ancien ami d’Aris (voire plus... là aussi une relation très bien traitée) pour renverser le rapport de force. Avec le polymathe, elle va jouer au chat et à la souris, usant de flatterie et de séduction tout en réalisant que le jeune homme est retors, cruel et... insensible, incapable d’empathie. Tout cela sous les yeux de Leo qui ne sait sur quel pied danser avec Elsa, en bon garçon de son âge qui ne comprend rien aux femmes, et à qui il faut mettre l’évidence sous les yeux.
Pendant ce temps, Porzia et Farraz organisent la fuite de la maison. On l’aura deviné dès les premières initiatives de Casa, le roman aborde les dérives de la domotique, de l’omniprésence d’une IA, de la dépendance des habitants. Porzia se sent étrangère chez elle, parfois perdue dans le labyrinthe des couloirs, réalisant à quel point tous s’appuyaient sur Casa. Pour sa mère, c’est une douleur de devoir court-circuiter sa plus grande création, et pour nous l’occasion de savoir ce qui se cache derrière. Et de nous rappeler l’utilité des lois de la robotique d’Asimov, surtout quand les choses dégénèrent...

Si les couvertures du diptyque semblait une invitation au rêve, et invoque la puissance créatrice, l’intrigue pousse très vite ses héros au pragmatisme, leur rappelant cet adage qu’un grand pouvoir comme le leur implique une grande responsabilité.

Ce second volume, mené donc tambour battant, fourmille de révélations sur l’envers du décor de cette uchronie italienne. L’autrice y dénonce les dérives des sciences en l’absence de garde-fous, entre expériences eugénistes, armes de destruction massive et réactions en chaine imprévues. L’immobilisme de l’ordre d’Archimède n’est guère mieux dans cette période d’instabilité politique, et on comprend les initiatives, certes risquées, des héros pour rétablir un statut quo et protéger les populations des dégâts directs comme ceux plus subtils : la scriptologie peut provoquer de véritables génocides en faisant disparaître des villes entières, ou en asservissant les habitants, les privant de libre arbitre. Les ponts avec l’époque actuelle sont faciles à imaginer. Gwendolyn Clare y ajoute donc ce qu’il faut d’aventures, de magie et d’étrangetés visuelles pour en faire une histoire palpitante, avec des personnages qualifiés de « fous » qui confrontent leur génie à l’empathie, une force non quantifiable aux effets aussi dévastateurs qu’imprévisibles. C’est cette humanité des personnages qui prime, leurs inventions ne sont somme toute que moyens de colorer et faire avancer l’intrigue.

La conclusion, après quelques effets spéciaux dignes de blockbusters à coller des frissons, confronte les personnages à des choix cruciaux, vis-à-vis de leurs créations comme de leurs semblables. Dans un message d’espoir, ils sacrifieront beaucoup, mettant leur ego de côté au profit du plus grand nombre. Si tous les passages à l’âge adulte pouvaient se faire sur de telles bases, le monde ne s’en porterait que mieux.

Une très belle histoire, où l’Histoire, le fantastique magique et les sentiments se mêlent à merveille !


Titre : De Brume de Métal et de Cendre (Mist metal and ash, 2019)
Série : (pas de titre de série) 2/2, suite de D’encre, de verre et d’acier
Autrice : Gwendolyn Clare
Traduction de l’américain (USA) : Mathilde Montier
Couverture : Mike Heath, Magnus Creative
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 465
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 4
Dépôt légal : mai 2019
ISBN : 978237
Prix : 15 €



Nicolas Soffray
14 juillet 2020


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