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Espace, le temps et au-delà (L’)
Bruno Pochesci
Association Flatland, recueil de nouvelles, science-fiction, novembre 2019, 282 pages, 16€


Après le recueil « L’amour, la mort et le reste », voilà « L’espace, le temps et au-delà », le pendant SF de l’autre plus orienté fantastique. À nouveau, une grande majorité des nouvelles est déjà parue en fanzines, revues ou anthologies. Juste deux inédits, dont le dispensable “Entrée-plat-dessert” qui, disons-le tout net, méritait de le rester avec son abracadabrante et navrante histoire de cunnilingus. Oui, du sexe, il y en a ! Et pas qu’un peu. Après lecture de ce recueil, c’est l’image qui reste avec celle d’une imagination débridée.
Dans la préface, Jean-Pierre Fontana écrit : « Poussant parfois l’absurde jusqu’à la démesure... », ce qui définit bien l’auteur. Toutefois, pousser jusqu’à où ? La notion de curseur entre ici en compte et aller trop loin peut revenir à franchir une limite au-delà de laquelle ça ne fonctionne plus. Dans l’appellation science-fiction, il y a le mot science et autant dire qu’elle est maltraitée ici. À petites doses, c’est-à-dire le temps d’une nouvelle lue par-ci par-là, on n’y prend pas forcément garde, l’invraisemblance passe sans problème, car au service d’un récit enlevé. Mais à plus forte exposition, donc dans le cas présent, cela crève les yeux. Théorie farfelue, concept idiot... on se demande si le terme science-fiction est vraiment d’actualité.

Dans “Du rififi dans la ceinture de Kuiper”, une planète et son cortège de satellites bafouent les lois physiques pour faire passer un message aux Terriens, car elle est vexée ! D’un instant à l’autre dans “Aslexia Maxima”, l’autre inédit, toute écriture se transforme pour devenir illisible, renvoyant l’humanité loin en arrière et la présidente française dans les bras d’un bon amant. “Le prochain drink” ne manque pas non plus d’absurde avec l’obligation de puiser son eau d’un bloc de glace ramené de Mars. Orgies au programme, procréation exponentielle pour en arriver à la chute.
Cela laisse rêveur... quid de la SF ?
Même “Huis clos pour huit clones” ne manque pas d’interpeller avec des personnalités ramenées à la vie dans un espace confiné au sommet d’une tour. Le récit revient à observer leurs interactions et ce, en mélangeant les personnalités, ce qui leur donne dans quelques cas des réactions à contre-emploi. Par exemple, Hitler y est bien doux, alors que Gandhi y est abject. C’est plaisant, mais quelle est la finalité de ces expériences aliens ?

Un texte comme “La fille des vents” ancré dans un futur proche fonctionne très bien. Des patrouilles empêchent les migrants d’accoster. Du sexe, de l’action, des situations horribles dans un mélange bien dosé.
“Le moins pire des mondes” est aussi pour demain, mais je suis plus circonspect sur ses conclusions. Mesurer le bonheur est-ce suffisant pour améliorer la société ? Pas sûr, mais l’imagination est ici canalisée.
Dans “Dix petits warps”, Bruno Pochesci fait feu de tout bois lors d’une croisière spatiale avec des célébrités ne pouvant pas se blairer. Chaque repas s’apparente à une joute verbale sans langue de bois. La menace d’un trou noir et ses conséquences quantiques bizarroïdes ne nuisent en rien au récit dans lequel la présence d’un Rocco donne le ton. C’est chaud, enlevé, jouissif.
Tout est affaire de dosage. Trop en faire, aller trop loin dans l’absurde revient à noyer le texte, à éjecter le lecteur. C’est d’autant plus vrai quand on les lit à la suite pour frôler l’overdose par moments.

Là j’ai évoqué les nouvelles que je n’avais pas encore lues, il en reste six autres au sommaire croisées au fil de revue et autres fanzines. Pour s’en faire une idée, je vous renvoie à chaque chronique pour découvrir mon sentiment sur un texte pris à part, lu isolément au milieu d’autres.
“Virtuose” a remporté le Prix Alain le Bussy 2014 (il y a déjà 6 ans !). “Je t’y autorise” revisite le thème de la série « Le Prisonnier ». Voyage improbable à bord d’un camping-car dans “La porte, la pendule et le perce-temps”. Un photomaton comme ultime refuge dans “La gare de Perpignan” où se retrouve plus ou moins ma critique du présent recueil. Un volcan d’Islande fait des siennes dans “Le syndrome islandais”. “Côté cour, côté jardin” qui ne m’avait pas convaincu la première fois, avec déjà une remarque sur la science et Bruno Pochesci faisant deux.
Pris ensemble, ces avis peuvent s’appliquer à ce recueil. Dans certains cas, la nouvelle fonctionne, à d’autres, ce n’est pas forcément le cas, suivant où chacun positionne le curseur de la plausibilité. La verve de l’auteur, son style souvent dans la surenchère ne suffisent pas toujours à gommer les lacunes présentes. Son imaginaire part un peu dans tous les sens et demande à être canalisé, sous peine de sombrer dans le n’importe quoi. “Entrée-plat-dessert” en est l’exemple flagrant. Le sexe omniprésent doit servir le récit, se justifier et non devenir un passage obligé comme on pourrait le croire. Et la science ne permet pas tout, il faut l’utiliser dans des limites raisonnables, acceptables, ce qui est rarement le cas ici.
Je suis très critique avec “L’espace, le temps et au-delà”, car Bruno Pochesci est un auteur que j’apprécie. Il sait donner vie à des délires, nous plonger dans l’improbable par sa facilité d’écriture, mais cela a un revers.

Ce recueil alterne les hauts et les bas, il est préférable de le parcourir à petites doses pour apprécier certains voyages. À mon sens, il fonctionne moins bien que « La mort, l’amour et le reste » plus orienté fantastique et qui restait peut-être plus terre à terre.


Titre : L’espace, le temps et au-delà
Auteur : Bruno Pochesci
Couverture : Jean-Pierre Andrevon
Éditeur : Association Flatland
Site Internet : page recueil (site éditeur)
Pages : 282
Format (en cm) : 13,5 x 21,5
Dépôt légal : novembre 2019
ISBN : 9782490726133
Prix : 16 €


Bruno Pochesci sur la Yozone :

- « L’amour, la mort et le reste »
- « Scories »
- « Orwell m’a tu »
- « Hammour »
- un entretien avec l’auteur

et les nouvelles de ce recueil parues en fanzine, revue ou anthologie
- Virtuose dans « Galaxies 32 »
- Je t’y autorise dans « Gandahar n°6 »
- La porte, la pendule et le perce-temps dans « Galaxies 41 »
- La gare de Perpignan dans « Géante Rouge n°22 »
- Le syndrome islandais dans « Gandahar n°1 »
- Côté cour, côté jardin dans « Galaxies 45 »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
15 mai 2020


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