Autrice dessinatrice japonaise au style atypique (entre manga et BD franco-belge) qui cultive de longue date des relations privilégiées avec la France, sa culture et le milieu de bande dessinée (« Mariko Parade », « Bons Baisers d’Angoulême », « Two expressos », « Le goût d’Emma », « La lanterne de Nyx », « Le dernier envol du Papillon » …), Kan Takahama signe chez Rue de Sèvres une magnifique adaptation du roman Prix Goncourt 1984 de Marguerite Duras.
Passée une préface dans laquelle Kan Takahama relate les circonstances qui l’ont amenée à se lancer dans ce projet, le récit débute à Paris en 1982, sur un quai de gare. Marguerite Duras, âgée de 68 ans, rentre chez elle, s’installe à son bureau et se replonge 52 ans et demi plus tôt, quand elle était pensionnaire d’état à Saigon, la fille de cette pauvre maison dans le quartier des blancs…
Alors que sa mère, directrice d’école, est criblée de dettes depuis que des inondations ont noyé sa concession au Cambodge et que son grand frère dérobe le peu qu’il leur reste pour aller chasser le dragon, Marguerite,15 ans et demi, fait la rencontre d’un riche Chinois sur le chemin qui la conduit à sa pension. Comprenant que le trentenaire n’est pas insensible à son charme, elle se met peu à peu en tête l’idée de le séduire.
Elle n’a bien évidemment jamais fait l’amour et fantasme sur le fait de franchir le pas quand elle se retrouve le soir en compagnie d’Hélène Lagonelle, sa copine de chambrée. Certes, son Chinois n’est pas un Apollon, mais il est élégant, expérimenté et son argent pourrait permettre à sa famille de sortir du marasme dans laquelle elle se trouve. Et effectivement, grâce à lui, Marguerite va s’extirper de de sa condition sociale et s’initier aux plaisirs du sexe. Mais son Chinois n’est pas tant libre. Promis à une autre, il n’a d’autre choix que de se plier aux volontés de son père. Interdit de la revoir, il finance le voyage retour de sa famille pour la France. Sur le bateau, l’adolescente, confrontée à un drame, prend soudain conscience de ses sentiments pour son amant...
Avec l’adaptation de ce récit d’émancipation, dans lequel l’héroïne brise les interdits, Kan Takahama réussit un nouveau coup de Maître(sse). Parvenant à s’approprier le sujet tout en restant fidèle au roman, elle livre une oeuvre sensuelle et subtile où son trait fin, son découpage et ses couleurs douces et lumineuses prennent paradoxalement le pas sur le texte pour (re)plonger lecteurs et lectrices dans les écrits de Duras. On en ressort avec l’irrésistible envie de lire ou relire le roman initial mais également de replonger ou découvrir les autres romans graphiques de cette formidable mangaka.
Une grande réussite !
L’Amant
Scénario, dessin, couleur : Kan Takahama, d’après le roman de Marguerite Duras
Traduction : Corinne Quentin
Editeur : Rue de Sèvres
Format : 21 x 27,5 cm
Pagination : 152 pages
Date de Parution : 22 Janvier 2020
Numéro ISBN : 9782369819080
Prix Public : 18€
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Illustrations © Kan Takahama / Rue de Sèvres
