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Terra Ignota, livre Premier : Trop semblable à l’éclair
Ada Palmer
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 662 pages, octobre 2019, 24,90€

En 2454, les états, les nations, les religions n’ont plus lieu d’être, ils ont été remplacés par les Ruches, de grands groupements par affinités, au nombre de sept. N’appartenir à aucune est possible, mais revient à vivre en marge.
Chaque année, les journaux publient un classement des personnalités les plus influentes et le vol d’une de ces listes avant édition créé un véritable scandale pris au plus grand sérieux, car il peut entraîner un déséquilibre des forces et rien moins que la chute de ce système.
Le servant Mycroft Canner, jouet des puissants, louvoie au milieu de tous, cherchant à protéger un secret.



« Trop semblable à l’éclair » est raconté selon le point de vue de Mycroft Canner, électron libre dans cette histoire. Un crime dont on ignorera longtemps tout l’a obligé à embrasser la condition de Servant, pourtant il côtoie les plus grands noms des Ruches, possède même leur confiance à remplir les missions dont ils le chargent. Dans ce futur, les déplacements sont beaucoup plus rapides et il est facile de se rendre n’importe où sur le globe dans la demie journée, ce qui rend le champ des possibles bien plus vaste.
Mycroft est dépositaire d’un secret que le lecteur découvre quasiment dès l’entame de ce livre, il doit littéralement jongler entre ses devoirs pour ne pas l’éventer. Ce personnage apparaît rapidement sympathique et Ada Palmer joue avec les sentiments des lecteurs en ne disant rien de son passé pendant des centaines de pages. Il est fasciné par le siècle des Lumières, jouit d’une aura auprès de ceux qui le connaissent, mais cache son identité en ne se présentant que par son prénom.
Même après la découverte de terribles événements, difficile de ne pas lui chercher des circonstances atténuantes, d’y voir un grand plan... et de lui garder sa confiance.

Mycroft croise de très nombreux personnages, il connaît pratiquement tous les dirigeants des Ruches. La galerie haute en couleurs se révèle très impressionnante. Les grands de ce monde sont mis plus d’une fois en scène, soit lors des fastes d’une grande réception visant à en mettre plein la vue, soit en plus petit comité chez Madame en plein Paris et les montrant dans l’intimité. Ada Palmer réussit parfaitement à leur donner vie, à les imposer dans notre esprit, toujours apte à faire des rapprochements.
Le contexte futuriste par bien des côtés (transports, implants personnels, autre modèle de société...) est contrebalancé par un côté siècle des Lumières bienvenu, comme si les dirigeants -mais en est-ce vraiment ?- se raccrochaient à un passé révolu mais qu’ils appellent toujours de leurs vœux. Finalement le lecteur avance sur un terrain mouvant où les apparences sont trompeuses, les protagonistes difficiles à cerner. « Trop semblable à l’éclair » ne doit pas être lu à la va-vite ou en diagonale, sous peine d’en perdre le fil. Ce roman doit se déguster, s’apprivoiser pour en dégager toute la richesse.

À travers Mycroft Canner, Ada Palmer a trouvé l’angle idéal pour aborder cette vaste histoire. Ce dernier entame un dialogue avec le lecteur, lui explique les subtilités de cette société, comme s’il avait conscience de s’adresser à des arriérés ou comme s’il était lui-même un anachronisme en 2454. La frontière entre homme et femme n’est plus d’actualité. Désigner quelqu’un par il ou elle ressemble à une injure, le on indéfini est de mise, devenant même ons au pluriel, ce qui ne manque pas de donner des dialogues savoureux. La traductrice Michelle Charrier a très bien réussi à retranscrire ces subtilités, comme à donner du corps au mot sensayer, désignant une sorte de confesseur, et qui s’invite comme Candide dans un contexte qu’il ne comprend pas.

Ce premier tome de « Terra Ignota » regorge de subtilités, de trouvailles, d’inventivités propres à contenter l’amateur de SF toujours avide de découvrir de nouvelle voix.
Dense et d’une très grande richesse, « Trop semblable à l’éclair » s’avère fascinant du début à la fin ouverte sur la suite « Sept Redditions » annoncée pour mars 2020.
Plus de 650 pages de haute volée à savourer pour prendre un grand bol d’air frais de SF.
Ada Palmer, retenez bien ce nom.


Titre : Trop semblable à l’éclair (Too Like the Ligthning, 2016)
Série : Terra Ignota, livre Premier
Auteur : Ada Palmer
Couverture : Victor Mosquera
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Michelle Charrier
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 662
Format (en cm) : 14 x 20,4
Dépôt légal : octobre 2019
ISBN : 9782843449581
Prix : 24,90 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
17 novembre 2019


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