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Contes de Frissons
Caroline Laffon, Martine Laffon, Qu Lan
De la Martinière Jeunesse, album (France), contes asiatiques, 52 pages, octobre 2019, 14,90€

Monstres fabuleux, fantômes, malédictions... l’Asie est riche de formes fantastiques. Loin de notre cadre européen forgé par les Grimm, Andersen ou Perrault, la majorité de ces histoires s’adressent aux adultes.



Si en effet nos contes européens ont souvent une portée pédagogique renforcée par la peur (« Ne fais pas ça ou le loup te mangera... »), leur premier public est la jeunesse, à instruire des dangers du monde extérieur, à dessiller. Les contes asiatiques réunis ici, qu’ils viennent de Chine, du Japon, de Corée, du Tibet ou du Népal, mettent en scène des adultes et leur rapport à un fantastique très tangible.
Dans l’ensemble, les autrices Caroline et Martine Laffon n’ont pas cherché à reprendre la forme très codifié du « il était une fois », nous immergeant dans une narration plus directe, proche de la nouvelle ou de l’historiette, en tout cas dépouillée de cet habillage formel qui nous prépare à une histoire doublée d’une leçon. Idem, peu ou pas de morale finale, la chute se suffisant à elle-même

Le modèle de la maison hantée est un thème récurrent, car il est lié au respect dû aux ancêtres, pierre angulaire des croyances asiatiques. Délaisser un défunt est aussi grave qu’insulter les dieux, et l’esprit reviendra se venger. C’est le cas dans “L’homme et la maison hantée” dans laquelle il a abandonnée sa défunte épouse sans sépulture, mais aussi de “La Bambouseraie de sang”, avec un fantôme, tour à tour séduisant et terrifiant, qui hante un jardin.

Les esprits élémentaires sont également une composante majeure des mythes locaux. Deux exemples ici, avec probablement un kappa dans “Des nuits sans sommeil”, une cohorte fabuleuse dans “Une mauvaise rencontre” et une kitsune dans “Une femme beaucoup trop belle”. Je précise « probablement », car dans le premier les autrices ne parlent que d’un esprit de l’eau, sans plus, les seconds ne sont identifiables qu’à l’illustration (pleine page) de Qu Lan, quant à la troisième elle n’est désignée que comme « renarde ».

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S’il est un reproche que je me permettrai à ce très bel album, c’est cette absence d’explication, de documentation sur les mythes évoqués, surtout lorsqu’ils appartiennent clairement au folklore de cultures qui nous sont peu familières. Quelques lignes pour expliciter chaque « monstre » n’auraient pas été de refus.

Deux motifs sont à noter : d’abord, l’intervention souvent nécessaire d’un tiers pour lutter contre le mal, un prêtre, un maître du yin et du yang, ou une femme sage qui incarne souvent l’expérience et le respect face à une jeune génération trop insouciante des traditions. En son absence, la conclusion est rarement heureuse ! Et c’est le second point : pour que le conte ait une vraie valeur pédagogique, et comme dans les versions originelles de Grimm, Andersen ou Perrault, le happy end n’est pas de rigueur. Au contraire, la mort l’emporte, ou à tout le moins la peur demeure de retomber entre ses griffes. C’est par ses vices et ses manquements que l’homme (ici, jamais la femme) se retrouve confronté au fantastique, et c’est par sa probité et son respect qu’il y échappera, comme dans “La tête volante”.

Finissons par les monstres, davantage l’apanage des montagnes, puisque les contes viennent du Tibet (“Il ne fallait pas ouvrir” qui se permet une superbe ellipse très asiatique dans sa résolution) et du Népal (“La chamane contre le roi des serpents”). Des monstres plus « matériels » dans ces zones arides et encore plus rurales, pour le coup plus proches, dans leur forme, de nos contes européens. “Le Pacte des Fantômes” et “Ogres à tous les étages” adoptent même l’angle de l’humour, avec des héros qui se jouent des monstres par la ruse, en profitant de leur faiblesse et de leur bêtise, et nous sommes là en terrain plus connu.

Conseillé dès 7 ans, ce très bel album ravira les lecteurs un peu plus mûrs mais toujours amateurs de formes courtes et de frissons. L’absence d’appareil documentaire incitera à aller chercher plus loin, notamment dans le manga, les origines et les résurgences de ces histories fantastiques.


Titre : Contes de frissons, histoires fantastiques d’Asie
Autrices : Caroline Laffon, Martine Laffon
Couverture et illustrations : Qu Lan
Éditeur : De La Martinière
Collection : Jeunesse
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 52
Format (en cm) : 33 x 23 x 1 cm
Dépôt légal : octobre 2019
ISBN : 9782732490670
Prix : 14,90 €



Nicolas Soffray
6 novembre 2019


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