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Seule dans l’espace
S.K. Vaughn
Bragelonne, traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 474 pages, octobre 2019, 22€

S.K Vaughn n’est autre que le pseudonyme de Shane Kuhn, connu pour « Un stagiaire presque parfait » et le « Guide de survie en milieu hostile » consacré aux ressources humaines. Avec « Seule dans l’espace », il se lance dans la science-fiction, dans la lignée du fameux « Seul sur Mars » d’Andy Weir. Un pari risqué, et un roman qui, s’il n’est pas à la hauteur du modèle, offre néanmoins son lot de péripéties.



Vingt-cinq décembre 2067 : on pourrait rêver d’un Noël plus joyeux pour Mary Knox, qui se réveille d’un long coma dans l’infirmerie du Stephen Hawking II, vaisseau spatial dont la mission était de ramener des prélèvements effectués à la surface de la plus petite des quatre lunes galiléennes de Jupiter. Épuisée, convalescente, Mary a perdu tout souvenir de la majeure partie de la mission. L’intelligence artificielle du vaisseau également. Rapidement, tout va de mal en pis : il lui est impossible de déterminer la position du vaisseau, qui a dérivé très loin de sa trajectoire de retour, elle réalise qu’elle est la seule survivante à bord, elle a perdu tout contact avec la Terre, et le Stephen Hawking II accumule les pannes critiques.

Selon un schéma très classique, le récit se déroule sur deux trames parallèles. La trame du présent, narrant à la fois les mésaventures de Mary Knox dans l’espace et les tentatives de Stephen Knox, son ex-mari, qui dirigeait la mission depuis la Terre, pour lui venir en aide, et une trame secondaire suivant une chronologie légèrement décalée, essentiellement l’année 2066, destinée à éclairer le lecteur sur le passé de la cosmonaute et de ses démêlés antérieurs avec Stephen. Un passé récent ou moins récent qui apparaîtra donc peu à peu et permettra, à travers la résurgence progressive des souvenirs de Mary, non seulement de découvrir son histoire personnelle, mais aussi de dissiper peu à peu le mystère de la série d’évènements ayant abouti à la catastrophe.

« Seule dans l’espace » ( Across the Void) cherche à l’évidence à surfer sur le succès mérité de « Seul sur Mars ». On trouvera plus d’un point commun aux deux romans : un individu isolé, perdu à des millions de kilomètres de la terre, la Terre qui depuis l’interruption de tout signal a déjà fait son deuil de l’expédition, le contact difficilement repris, puis perdu, puis intermittent, la succession de mille et une péripéties, l’obstination, la combativité et la débrouillardise du personnage principal, le long chemin jalonné de pannes et de périls, et pour finir une fin très classique en forme de happy end.

Pourtant, si l’auteur a réuni les mille et un ingrédients classiques, la copie, même plaisante à lire, n’apparaît pas à la hauteur de l’original. À commencer par une tonalité qui – même si nous reconnaissons le caractère subjectif de cette impression – ne nous semble pas toujours juste. Pour essayer de donner un ton à la Mark Watney (le héros de « Seul sur Mars »), l’auteur fait plaisanter l’héroïne aux moments où il ne faut pas, échafaudant entre celle-ci et l’intelligence artificielle des dialogues d’autant moins crédibles que l’IA, qui fort curieusement ne comprend pas l’humour et quelques pages plus loin le pratique, ne donnera jamais l’impression d’être vraiment une machine. Tout au long du roman, bien des détails coincent sur les dialogues trop hâtivement écrits, parfois puérils, avec ici et là des summums d’incohérences, comme au chapitre vingt lorsque Stephen Knox, responsable de la mission à la Nasa sur Terre, demande “La Nasa dispose-t-elle d’un appareil qu’elle pourrait leur envoyer ?” (mais qui donc pourrait le savoir mieux que lui ? Et qui pourrait croire un seul instant qu’il ne s’en soit jamais préoccupé ?). Les fondements scientifiques sont minimalistes, et l’auteur se garde bien d’expliquer, au chapitre trente-trois, comment il est possible de faire, sur Terre, des analyses poussées de biologie moléculaire (recherche virale, séquençage génétique, identification de protéines, recherche hormonale) sur un prélèvement sanguin... qui se trouve à des millions de kilomètres de là !

Autres défauts, les lecteurs les plus attentifs noteront la répétition de situations angoissantes souvent du même type (réserves d’oxygène à leurs limites, sorties extravéhiculaires à risque, systèmes-vie immuablement à leurs limites énergétiques) et leur résolution trop rapide, en tout cas sans cette ingéniosité qui faisait tout l’intérêt de « Seul sur Mars ». Les plus critiques s’amuseront du « coup de théâtre » du chapitre cinquante-trois, déjà vu bien des fois, et de la bascule du récit, sur son versant terrestre, vers une phase « thriller » assez caricaturale, puis vers quelque chose qui ressemble à de l’anticipation ancienne, avec cet ex-pilote milliardaire qui a construit dans son coin, sans que personne ne le sache, un nouveau type de vaisseau spatial révolutionnaire apparaissant tel un « Deus ex-machina ». Enfin, l’histoire de mariage / divorce, originale en ceci que l’héroïne, en raison de son amnésie, a oublié les éléments ayant amené à la séparation du couple, et destinée à apporter à l’intrigue son versant humain, peine à convaincre, assommant le lecteur avec un déluge de psychologie de pacotille aggravé par le fait que l’auteur, qui ne parvient jamais à faire croire que l’intelligence artificielle du vaisseau n’est autre qu’un américain moyen, lui fait également pratiquer ce type de psychologie primaire.

Malgré tout, « Seule dans l’espace » parvient à captiver le lecteur au long de près de cinq cents pages et de quatre-vingt seize chapitres courts. Si l’héroïne de «  Seule dans l’espace » est loin d’avoir le caractère unique de Mark Watney, si ce roman est trop typé américain pour enthousiasmer des lecteurs de tous pays comme l’avait fait « Seul sur Mars », on lui reconnaîtra des qualités qui le placent un cran au-dessus de thrillers de la même veine, comme le « Retrograde  » de Peter Cawdron. Le lecteur en quête de divertissement spatial y trouvera, du premier au dernier chapitre, son lot de mystères, de scènes angoissantes, de rebondissements, de surprises et de péripéties.


Titre : Seule dans l’espace (Across the Void, 2019)
Auteur : K.S. Vaughn
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Sylvie Denis
Couverture : Ceara Elliott / Shutterstock / Getty images
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 474
Format (en cm) : 15,2 x 23,6
Dépôt légal : octobre 2019
ISBN : 9791028105365
Prix : 22 €


Les thrillers spatiaux Bragelonne sur la Yozone :

- « Seul sur Mars » par Andy Weir
- « Artémis » par Andy Weir
- « Gunpowder moon » par David Pedreira


Hilaire Alrune
31 octobre 2019


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