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Galaxies n°59 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°59, SF - nouvelles - articles - critiques, juin 2019, 192 pages, 11€

Née en 1929, Christine Renard est morte en 1979, bien trop tôt. En moins d’une vingtaine d’années, elle a beaucoup écrit et bien des inédits existent encore. Peut-être à tort, j’ai l’impression qu’il fallait avoir largement dépassé la cinquantaine pour que son nom évoque quelque chose. Heureusement, ces derniers temps souffle un vent Christine Renard qui permet de (re)découvrir cette auteure que je qualifierai d’essentielle dans le paysage du fantastique et de la SF française des années 1970.
D’abord il y a eu des nouvelles éparses par-ci par-là dans « Galaxies » et « Gandahar », puis le « Gandahar 16 spécial Christine Renard », des rééditions de romans (« La planète aux statues », « La mante au fil des jours » aux éditions Gandahar), avant le présent « Galaxies / Mercury » contenant un dossier qui lui est consacré.
Cerise sur la gâteau, le supplément numérique accompagnant ce numéro comprend 14 autres nouvelles dont 8 inédites, ainsi qu’un fac-similé de pages manuscrites.



Une reprise du texte d’André-François Ruaud servant d’introduction à « La mante au fil des jours » (Bibliothèque du Fantastique, Fleuve Noir, Août 1998) et revu pour ce dossier, présente Christine Renard, avant un papier beaucoup plus personnel et touchant écrit par sa nièce, Claire Bonton-Renard. Jean-Pierre Fontana reprend une partie des critiques d’œuvres de l’auteure, avant d’en faire la bibliographie.
La première nouvelle du dossier : “Couvées de filles” de Joëlle Wintrebert revisite le mondes des Arches. Il n’y a aucun besoin de connaître l’originale pour être pris par ce monde où les femmes vivent d’un côté dans une étrange symbiose et les hommes de l’autre. Très beau texte.
Dans “Châteaux de cubes”, Christine Renard décrit une société où tout le monde dispose de l’indispensable pour vivre (nourriture, logement...), mais pour le superflu, il faut travailler. Posséder une belle maison revient à être pris dans un engrenage, dans un cercle vicieux qu’il ne faut surtout pas rompre sous peine de tout perdre. Une belle réflexion sur la philosophie de vie.
Dans “Entre parenthèses”, un entretien d’embauche s’apparente à vivre une existence virtuelle, des décennies subjectives pour connaître l’attachement à la société à laquelle on candidate. Il n’en demeure pas moins que le retour à la réalité, donc au présent, pose bien des questions : n’a-t-on pas été spolié de sa vie ? que deviennent les résultats de décennies de labeur ? Un récit qui ne manque vraiment pas de force.
“Transitoires” met en scène les alter ego d’une femme dans les univers parallèles. Chacune a connu un destin différent et durant quelques mois, elles échangent leur place. Les travers de chacune rejaillissent dans leur nouvelle position. C’est le texte qui m’a semblé le moins abouti des trois de Christine Renard.
Il n’en reste pas moins que son imaginaire fait forte et bonne impression et qu’il se lit toujours très bien.

Le sommaire des nouvelles de ce « Galaxies 59 » est exclusivement féminin.
“Principe de Dieu” de Nicoletta Vallorani ne m’a pas convaincu. Une communauté de femmes a quitté la Terre et s’est établie sur une planète. Pour Cassandre, la femme est la créature de Dieu et l’homme, celle du Diable. Elle a rayé le masculin et n’accepte pas que le nouvelle génération rêve d’un autre équilibre, de se faire une idée par elle-même. Trop jusqu’au-boutiste, ce texte souffre d’un déséquilibre, d’un parti pris trop extrême.

Christine Brignon relate une histoire d’amour défiant l’espace et le temps. La situation en 2024 m’a déjà interloqué, tant le changement en 5 années me semble important. Après, il faut adhérer à cet amour s’affranchissant des lois physiques et en contradiction avec le pessimisme ambiant. L’amour plus fort que tout ? J’avoue ne pas être bon public pour “À l’ombre de l’arbre rouge”, péchant pour moi par son côté fleur bleue.

“Le bijou” de Daina Chaviano se révèle efficace dans son genre, même si on peut s’étonner de la naïveté de la femme cédant à l’insistance d’un bijoutier. La situation finale n’est pas sans évoquer l’imaginaire de l’artiste Gérard Di-Maccio.

L’étrange “Cœur d’Alène” ne manque pas de surprendre par cet ordinateur de voiture transposé dans le corps d’un mari décédé, et accessoirement le propriétaire de la voiture. La veuve se comporte bizarrement, elle porte le deuil, tout en tentant de faire plaisir à son mari d’un nouveau genre. Le robot humain est bien sûr perdu et ne sait comment se comporter, car il n’a pas été conçu dans une telle optique. Eliza Rose fait preuve d’une belle inventivité.

Dans “Cités d’émeraude, déserts dorés”, Sofia Samatar privilégie la forme et, une fois lue, je me demande de quoi cela pouvait bien causer. C’est très frustrant !

Dans la rubrique “Le service des affaires classées”, Juliette Raabe nous régale avec le “Journal d’une ménagère inversée” (novembre 1963). Elle vit les journées à rebours, gagnant ainsi de l’argent en se faisant rembourser des articles avant de les remettre en rayon. Mais attention au grain de sable qui viendrait perturber cette marche du temps et la remettrait dans le droit chemin ! C’est très bien mené et agréable à parcourir, d’autant que la chronologie des événements est très bien retranscrite. Une gymnastique de l’esprit bienvenue !

Dans la partie rédactionnelle, Franck (Zaïtchick) Jammes s’intéresse bien sûr à une héroïne de comics : Elektra dans la série « Elektra Assassin » de Frank Miller et Sienkiewicz. S’agissant d’un « Galaxies / Mercury », les chroniques littératures sont remplacées par des chroniques de films.

Un numéro 59 dominé par Christine Renard, ses nouvelles étant les meilleures au sommaire avec celles de Joëlle Wintrebert, de l’étonnante Eliza Rose et de Juliette Raabe.
Tout le travail de l’association Gandahar et de « Galaxies » pour la remise en avant de Christine Renard doit vraiment être salué, car son œuvre ne méritait pas de sombrer dans l’oubli.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 59 (101 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Rédacteur en chef délégué : Jean-Pierre Fontana
Couverture et illustrations intérieures : Sandrine Gestin
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : juin 2019
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376250746
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
7 juillet 2019


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