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Pierre de vie
Jo Walton
Denoël, Lunes d’Encre, traduit de l’anglais (Pays de Galles), fantastique, 329 pages, mai 2019, 21,90€


« Si l’on se dirige vers l’est, la population de comporte de plus en plus bizarrement, comme si l’on entrait en féérie ; les gens ont plus de pouvoir, certes, mais ils n’arrivent pas à se rappeler qui ils sont d’un moment au suivant. Et tout au bout de l’orient, ils filent et se dissocient comme des arcs-en-ciel dans de l’huile. »

À Applekirk, on connaît assez peu le vaste monde. On raconte qu’à l’ouest les gens sont figés comme des statues, tandis qu’à l’est la magie est considérablement développée. Cette magie, la yeya, apparaît donc répartie selon un gradient ouest-est. Ici, elle n’est guère présente qu’en toile de fond, n’apparaît ici et là que de manière discrète. Autre caractéristique du vaste monde qui s’étend de part et d’autre d’Applekirk, le temps ne s’écoule pas partout de la même manière, et semble lui aussi soumis à un gradient : ainsi les rares personnes s’aventurant à l’est semblent-elles vieillir moins vite que ceux qui restent sur place.

« Quand on est réveillé, il est assez facile de de débarrasser de ces humeurs portées par le vent, mais ça l’est beaucoup moins quand elles arrivent pendant le sommeil et s’infiltrent dans les rêves. »

Applekirk, c’est un monde rural classique : un manoir, des seigneurs, des villageois. Des mœurs assez libres, le travail de la moisson, et une certaine douceur de vivre. Un temps qui se répète ou semble ne pas vraiment s’écouler à d’autre rythme que celui des saisons. Pourtant, Hodge, le maître du manoir, Taveth, Kevan se souviennent. Il y a eu ces moments étranges ou Jankin est arrivé, où Hanethe est revenue. Ce sont, se disent-ils, des moments dont il ne faudrait pas perdre la mémoire. Peut-être faudrait-il écrire un livre. En attendant, ils se remémorent ce passé.

« Le teint clair de Hanethe prend un éclat maladif, tandis que Dolkis, avec sa peau d’ébène et son physique imposant, devient une masse de ténèbres et d’aspérités. Elle a l’air franchement démoniaque, comme les gargouilles sculptées sur les façades de certains nemets. »

Un passé où le temps s’écoulait donc sans évènements particuliers, mais que l’arrivée presque simultanée de plusieurs personnages aura marqué. Jankin tout d’abord, un curieux de tout, passionné par tout, désireux de tout savoir, attiré à Applekirk par ce qu’il pense être les vestiges des Marisiens, issus d’un très lointain passé. Hanethe ensuite, qui était bien des décennies auparavant la maîtresse du manoir, et qui a abandonné cette charge pour aller étudier la magie loin à l’ouest : les règles particulières d’écoulement du temps font qu’elle est la seule à être encore vivante de sa génération. Enfin, Dolkis, une autre magicienne, qui suit Hanethe et veut se perte ; en effet Hanethe aurait commis en orient une faute particulièrement grave, trahissant Agdisdis, la déesse du Mariage.

Ce n’est donc que dans le dernier tiers du roman que l’action s’invite réellement, avec l’acharnement de Dolkis qui manipule Jankin, puis les villageois puis un seigneur d’un comté voisin ayant avec Applekirk des liens familiaux anciens. Dès lors, la magie qui jusqu’à présent n’était présente qu’en toile de fond – un soupçon de télékinésie domestique, très pratique pour faire la cuisine, et des ombres multiples joliment intégrées au réel – se fera cruciale, dès lors, avec batailles et siège du manoir, les aspects « médiéval fantasy » prendront le dessus sur la fantasy rurale ou domestique, jusqu’alors axée sur la description de la vie quotidienne.

On a l’impression, comme on l’avait eu avec les récits précédents de l’auteur, que les aspects littérature de genre, chez Jo Walton, sont avant tout prétexte. Dans « Morwenna », à travers les découvertes littéraires d’une jeune fille, on découvrait, teinté de fantastique, un tableau d’adolescente contemporaine, à la fois éveillée et rêveuse. Dans « Mes vrais enfants », deux uchronies sont l’occasion de dresser deux tableaux parallèles d’une même femme, deux conditions féminines parallèles et réalistes. Dans ce « Pierre de vie », avec ses accents bucoliques, ce ne sont ni la magie ni les péripéties qui l’emportent, mais les mille et une petites choses de la vie quotidienne et l’intimité des gens du manoir. Moissons, semailles, cuisine, fête de village, sentiments, famille, enfants : plus qu’un roman, « Pierre de Vie » apparaît comme une chronique presque intimiste, la chronique réaliste d’un monde très doucement teinté de magie.


Titre : Pierre de vie (Lifelode, 2009)
Auteur : Jo Walton
Traduction de l’anglais (Pays de Galles ) : Florence Dolisi
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Denoël
Collection : Lunes d’Encre
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 329
Format (en cm) :14 x 22,7
Dépôt légal : mai 2019
ISBN : 9782207144084
Prix : 21,90€



Jo Walton sur la Yozone :

- « Morwenna »
- « Mes vrais enfants »


Hilaire Alrune
19 juin 2019


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