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Effroyabl Ange1
Iain M. Banks
Gallimard, Folio SF, n°623, traduit de l’anglais (Écosse), science-fiction, 424 pages, janvier 2019, 8,40€

Initialement publié en langue anglaise en 1994, « Effroyabl Ange1 » aura attendu près de vingt ans pour être traduit en français chez le méritoire éditeur L’Œil d’Or. Un roman atypique qui pourra dérouter les amateurs de science-fiction traditionnelle mais ne pourra qu’intéresser les fans de l’auteur du Cycle de la Culture, et suivi par une intéressante postface de Jean-Luc d’Ascanio.



Quatre arcs narratifs successifs au sein de chacun des dix chapitres composant « Effroyabl Ange1 » et tournant autour de personnages multiples, avec pour tenter de résumer ce qui est difficilement résumable : le Château et ses aristocrates où surgit une mystérieuse jeune femme ; un / une scientifique nommé(e) Gadfium ; le comte Sessine, militaire doté de plusieurs vies, trahi par le pouvoir, que l’on n’en finit pas d’assassiner et qui, traqué, cherche à comprendre les raisons pour lesquelles on cherche à se débarrasser de lui ; et enfin Bascule, jeune moine parlant/écrivant en un étrange langage purement phonétique.

Difficilement résumable, écrivions-nous, parce que ce roman apparaît d’emblée fortement décousu, même si l’on se doute dès le départ qu’une multitude d’éléments épars finiront par converger, fusionner, et dessiner un propos cohérent qui au final relève d’une aventure cyberpunk revue à travers le prisme de l’auteur, un auteur dont l’on sait qu’il affectionne les mélanges, les facettes multiples, les notes baroques, les digressions, les images.

« Falaises et montagnes recouvraient des forteresses enfouies de données et de calculs, fleuves et océans incarnaient des masses désordonnées d’informations sans grande importance, tandis que les volcans représentaient un danger mortel : par leurs cheminées, les données infectées du corpus remontaient des profondeurs corrosives de la Crypte, toujours au bord de l’explosion. »

Un monde qui autrefois avait su gagner les étoiles et qui a régressé vers un univers oscillant, grâce à la science, entre le conte de fées et le féodal, un château qui semble sans limites et n’est pas sans évoquer les facette baroques ou gothiques du pont fantasmé d’ « Entrefer  », une « Dévoration » d’outre-espace menaçant de tout détruire, des luttes de pouvoir et des complots entre nobliaux du roi Adijine et le clan des Ingénieurs, des constructions et des déconstructions, une multitudes d’êtres étranges, mi animaux-mi humains, mi hommes-mi machines, des plongées dans une Crypte qui est le monde caché des données, de la connaissance et des souvenirs, et donc en partie un monde des morts, et où de surcroit le temps semble s’écouler à un rythme différent, d’incompréhensibles intelligences artificielles : ce sont mille et un éléments à première vue disparates qui composent un récit kaléidoscopique, comme un retable dont les tableaux multiples tour à tour s’entrebâillent, s’ouvrent, s’occultent mutuellement, se referment, laissant l’esprit du lecteur saisir peu à peu l’ensemble de la trame.

«  Quant au vent : s’y manifestaient les mouvements largement erratiques des codes-machines, retraçant le déplacement des langues et des programmes, à l’intérieur de l’image géographique du système. La pluie était faite de données brutes déjà filtrées par le monde réel, aussi dénuées de sens que les crachotements d’un vieux poste de radio.  »

« Effroyabl Ange1 » ne manque pas d’intérêt, mais peine à séduire. Non pas en raison des passages écrits en mode quasi phonétique, car même ceux que vient habituellement heurter la moindre coquille s’y feront en quelques minutes, non pas à cause du caractère – apparemment – décousu du roman, puisque cette caractéristique fonctionnait parfaitement dans le remarquable « Entrefer » (servi il est vrai par plusieurs chapitres composant à eux seuls des récits mémorables), mais plutôt parce que malgré des passages séduisants, « Effroyabl Ange1  » ne parvient pas, dans sa globalité, à happer le lecteur. On le sait : Banks écrit souvent des romans remarquables mais parfois des romans très secondaires, comme « L’Algébriste » ou encore « Transition  », trop hétérogènes, trop étirés, trop bavards pour être réellement prenants. Si « Effroyabl Ange1 » n’est pas dépourvu de qualités, il demeure très loin derrière les meilleures œuvres de Banks.

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Titre :Effroyabl Ange1 (Feersum Endjiin , 1994)
Auteur : Iain M. Banks
Traduction de l’anglais (Écosse) : Anne-Sylvie Homassel
Couverture : Alain Brion
Éditeur : Gallimard (édition originale : L’œil d’or, 2013)
Collection : Folio SF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 623
Pages : 424
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : janvier 2019
ISBN : 9782072790676
Prix : 8,40 €



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Hilaire Alrune
1er mai 2019


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