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Le cyberespace de l'imaginaire




Noël 2018 à moins de dix euros
Jacques Abeille, Jean Rolin, Jaroslav Melnik, Julien H., Abraham Lincoln, Franck Thilliez
On aurait bien tort de s’en priver

Quelques idées, quelques envies, quelques découvertes, chacune pour moins de dix euros : pas besoin de faire le casse du siècle pour faire plaisir ou se faire plaisir cette année. Des arguments, aussi, pour contrer les habituels analphabètes en puissance qui ne lisent pas aux prétextes fallacieux qu’ils « n’ont pas le temps », ou que « les livres, c’est cher ». Des volumes d’épaisseur respectable ou au contraire ridiculement minces, plats ou moins plats, sobres ou au contraire colorés, pour égayer le pied du sapin, pour lire en douce le soir sous la couette, pour feuilleter entre les pages du missel durant la messe, pour s’oxygéner le cerveau pendant les cours, et – summum du délice – pour, en tout lieu et à toute heure, se démarquer des débiles tripotant inlassablement leurs portables.



Un cadeau pour les vrais lettrés : « Les jardins statuaires » de Jacques Abeille

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Parce qu’il y a des ouvrages qui sont indiscutables et parce que celui-là en fait partie. Parce que pour même pas neuf euros l’on s’assure de centaines de pages de lecture, certes, mais aussi des merveilles et encore des merveilles narrées avec un talent littéraire incontestable. Parce que les influences de Jacques Abeille sont des écrivains comme Julien Gracq et Ernst Jünger et non pas des auteurs qui enchaînent les trilogies sur une cadence industrielle. Parce que les meilleurs ouvrages du genre sont paradoxalement ceux qui se situent sur ses marges et sur ses frontières.

La chronique complète des Jardins statuaires

Un cadeau pour les amateurs de dystopies : « Espace lointain » de Jaroslav Melnik

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C’est une découverte des éditions Agullo, ça ressemble à de la science-fiction classique, celle des grands précurseurs, des grandes contre-utopies. On pense à George Orwell et à « 1984 », à Aldous Huxley et au « Meilleur des Mondes », à Karin Boye et à « Kallocaïne ». On songe au monde soviétique que dénonçaient ces romans, on sent un peu de Kafka, aussi, et pour toutes ces raisons on serait tenté de lire « Espace lointain » à travers le prisme d’un film en noir et blanc.

En noir et blanc, si ce n’est que même ces deux couleurs n’existent pas dans le monde futur décrit par Melnik  : on y est aveugle. Ou, plus exactement, on n’y a pas le droit de ne pas être aveugle. Corollaire : le monde rétrécit, puisqu’on ne le voit pas. Corollaire jusqu’à l’absurde : l’espace n’existe pas. Interdit de voir : on traduira rapidement, mais sans grand risque d’erreur, non pas qu’il n’y a rien à voir, mais qu’il n’y a rien à penser. Dans la dystopie de Melnik, la négation de l’évidence, imposée par un pouvoir on ne peut plus totalitaire, n’est rien d’autre qu’une évidence. Car, chez certains, le traitement générant la cécité dysfonctionne. Certains voient, certains de ceux-là se mettent à penser. Horreur.

Un postulat joliment trouvé, et astucieusement développé par l’auteur, qui parvient à tracer un pont entre les dystopies classiques et leurs déclinaisons plus subtiles dans la vie de tous les jours de ce début de vingt-et-unième siècle. On regrette un peu que cet « Espace lointain  » – belle ironie – soit par moments trop explicatif, comme si Melnik craignait que le lecteur contemporain ait lui aussi perdu sa capacité de voir et de penser. Si tel devait être le cas, gageons que cet intéressant « Espace lointain  » pourrait réveiller bien des consciences – et pousser bien des lecteurs à ouvrir enfin les yeux et l’esprit sur le monde réel.

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Titre : Espaces lointains (Tolima Erdvé, 2017)
Auteur : Jaroslav Melnik
Traduction du lituanien : Margarita Barakauskaité-Le Borgne
Couverture : Studio LGF / Liuzishan / iStock
Éditeur : Le Livre de Poche (édition originale : Agullo, 2017)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 35187
Pages : 378
Format (en cm) : 11 x 17,7
Dépôt légal : novembre 2018
ISBN : 9782253083597
Prix : 7,90 €

Un cadeau pour les amateurs de voyages délirants : « Journal de Gand aux Aléoutiennes » de Jean Rolin

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Parce que c’est à la fois un authentique récit et voyage et une lente glissade dans l’imaginaire de l’auteur. Parce que la qualité de la prose n’empêche ni l’humour noir ni le rire jaune, et parce que les ruptures progressives dans la trame du réel générées par la fantaisie du narrateur ne sont pas sans évoquer celles qui surviennent dans les récits fantastiques. Parce que cette dérive douce – et parfois cruelle – de l’observation à la fiction est aussi une constante euphorie de l’imagination. Parce que l’on pourrait établir un rapprochement entre l’art de Jean Rolin et le journalisme Gonzo de Hunter S. Thompson, en moins furieux, en plus poétique, et en tout autant délirant.

La chronique complète du « Journal de Gand aux Aléoutiennes »

Un cadeau pour les amateurs de polar : « Le Mystère Tailor » d’Abraham Lincoln et « Gabrielle » de Franck Thilliez (deux euros, hors frais de port)

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Jolis petits livres que ces « Double Noir » très minces, agrafés et soigneusement finis, et d’une petite trentaine de pages chacun. Le principe : deux nouvelles par livret, une d’un auteur classique, l’autre d’un auteur contemporain. Au programme de la seconde série : Francis Scott Fitzgerald versus Elsa Marpeau, Erckmann-Chatrian versus Marc Villard, et enfin Abraham Lincoln versus Franck Thilliez. Pour ce dernier volume, « Le Mystère Tailor » présenté par Lincoln et consacré à un fait divers jamais entièrement expliqué, qui laisse un trouble certain dans l’esprit du lecteur. Minuscule ombre au tableau, Il n’y a pas mention de traducteur et l’on trouve dans ce textes quelques bizarreries si manifestes qu’on est surpris que ledit traducteur ait été capable de les écrire sans s’y arrêter : « passer des pièces d’or » au lieu de « faire circuler » ou « d’ « écouler » (to pass) à deux reprises, vraiment, dans le contexte, ça ne « passe » pas. Qu’importe cet infime détail, un texte écrit par le seizième président des États-Unis ne se refuse pas. « Gabrielle  », de Franck Thilliez, est une nouvelle atypique, efficace, doublement tragique, et laisse, elle aussi, un trouble certain dans l’esprit du lecteur. Le tout sous couverture plastifiée, et pour seulement deux euros, hors frais de port. À se demander pourquoi restaurateurs et cafés littéraires n’offriraient pas en cadeau un « double noir » avec le « petit noir » du début d’après-midi.

Pour commander : Le site de Nèfle Noire

Un cadeau pour les amateurs de fiction « pulp » : « Les Frères Swamp » par Julien H. (trois euros, hors frais de port)

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Si, à la différence des livrets de la collection « Double Noir », les couvertures des fascicules de la collection « Aventures » du Carnoplaste, en simple papier, ne sont ni épaissies ni plastifiées, c’est pour rester dans la ligne et dans l’esprit artisanal des fascicules artisanaux, à l’ancienne, légers et souples, qui se glissent partout. On ne saurait, en tout cas, être plus dans l’esprit « Pulp » que l’illustrateur Fred Grivaud pour « Les Frères Swamp  », avec ce détective à face de crocodile affublé d’un cigare, de lunettes noires, et d’un flingue d’allure tout autant agressive que sa dentition. Et l’on se fera plaisir avec cette histoire due à un certain Julien H. (déjà auteur au Carnoplaste d’un « Revoir Rome  » aux accents lovecraftiens, et dont nous ne donnons pas ici l’identité complète pour respecter l’esprit de cette collection « Aventure » où le nom de l’auteur n’apparaît qu’après le mot « fin »), récit, donc, où apparaissent, outre ce détective à face de saurien, son frère arc-bouté sur le rock’n roll à l’ancienne et portant sur son épaule un rat legba, et d’autre protagonistes comme des zombies ou un étrange cannibale aux pouvoirs démoniaques, le tout s’achevant comme il se doit au cœur des marécages de la Louisiane, du côté de la baie de Lansdale (les amateurs de polar noir marécageux apprécieront). Avec ces deux frères qui s’entendent comme chat et chien, cette novella d’une trentaine de pages fera plus d’une fois sourire, et en offre largement pour ses trois euros.

Pour commander : Le site du Carnoplaste

Le Carnoplaste dans : Noël 2017 à moins de dix euros
Le Carnoplaste dans : Noël 2016 à moins de dix euros

Et quelques idées des années précédentes :

Noël à moins de dix euros « La Mort aux tentacules de poussière »
Noël à moins de dix euros : « Comment cuisiner un phénix »
Noël à moins de dix euros : « Sprats »
Noël à moins de dix euros : « La montagne de minuit
Noël à moins de dix euros : « Vole avec moi »
Noël à moins de dix euros : « Les Montagnes hallucinogènes »


Hilaire Alrune
5 décembre 2018


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