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Nuages de Magellan (Les)
Estelle Faye
Scrineo, roman (France), space opera, 273 pages, octobre 2018, 21€

Les Compagnies ont mis un frein à l’exploration spatiale en régentant l’espace. La grève des pilotes est brisée dans le feu pâle des lasers et du plasma. Comme avaient fini les grands capitaines pirates avant eux.
Dan est serveuse dans un bar miteux, et chante parfois. Après le massacre, elle improvise, pas mal ivre, une chanson à la gloire des rebelles, sur une mélodie de l’Ancienne Terre. Cela ne manque pas : dès le lendemain, les vigils frappent à la porte. Elle s’enfuit en se glissant dans le vaisseau de Mary Reed, une spatiale peu loquace qui hante le bar depuis des années et qui met les bouts également. Car en fait, elle s’appelle Liliam Richelle, et elle est une capitaine pirate de légende qui joue au chat et à la souris avec les autorités. Qui de Dan ou de Liliam les vigils venaient-ils arrêter ?



Comme toujours avec Estelle Faye, c’est l’humain qui est au cœur des voyages merveilleux (et souvent mortellement dangereux) auxquels elle nous convie.
« Les Nuages de Magellan » s’ouvrent sur une répression aux accents très contemporains : ceux qui s’opposent aux multinationales, toutes-puissantes, sont balayés sans sommations. Et une petite chanson, mi-triste mi-rebelle, enflamme les réseaux sociaux, incitant les peuples à ne pas baisser la tête, à ne pas accepter sans broncher la réponse brutale des puissants. La vague submerge la pauvre Dan, le lendemain de cuite est violent : de minuscule serveuse, elle est devenue ennemie n°1.
« Heureusement » qu’elle s’est liée à Liliam, qui a le cuir plus épais.
Mais la pirate est elle aussi recherchée, et les forces à leurs trousses ont l’air de s’additionner. Son talent pour la survie suffira-t-il à les sauver ? Dan, malgré ses efforts et sa bonne volonté, admet être un boulet pour son idole.
Si Dan va suivre, tout au long du roman, une trajectoire ascendante, marche après marche, épreuve après épreuve (dont certains très violentes), Liliam suit la trajectoire inverse. Prendre cette oisillonne sous son aile, cette fan avide de savoir, de première main, l’histoire de la piraterie de l’espace, l’oblige à se plonger dans des souvenirs qu’elle a en partie refoulés.
Cette mémoire du mouvement pirate, intimement liée à sa propre vie et ses déchirements, est au cœur du roman. Peu à peu la baroudeuse se dépouille de ses atours de capitaine intrépide pour révéler une femme certes forte mais marquée dans sa chair, à double titre, par son amour pour son ancienne capitaine, une cyborg. Estelle Faye reproduit dans son récit de jeunesse pirate cette relation d’adoration entre la jeune et l’adulte, l’attraction qui tire vers le haut, les efforts pour s’attirer un regard, une reconnaissance, et plus tard un peu plus encore, de l’amour - maternel pour Dan.
D’autres personnages sont entraînés dans leur sillage, dont un jeune moine violemment confronté à certaines réalités du monde extérieur. Liliam et Dan changent, mais changent aussi les gens autour d’elles, la première par son aura de légende vivante, l’autre par son charisme juvénile et passionné.

Bien que cela se passe dans l’espace, c’est une vraie histoire de piraterie, avec des crochets et des jambes de bois (ou presque), et une chasse à Tortuga, puisque les autorités veulent mettre la main sur les coordonnées de la planète-refuge des pirates pour les anéantir définitivement, eux et le rêve d’espoir, l’idéal de liberté qu’ils incarnent. Si les choses virent à la catastrophe, Estelle Faye fait le pari, risqué, d’une « fausse fin ». Plutôt que cesser son récit après le climax majeur et dramatique, et de nous laisser sur une fin ouverte, elle l’étale sur les faits suivants, un dernier rebondissement, brisant le rythme, avant de faire un saut dans le futur, pour un épilogue qui réchauffe le cœur. Si ce choix structurel peut dérouter, avec un peu de recul on lui trouve les charmes incomparables du réalisme : tout ne peut pas se dénouer sur une seule action d’éclat, surtout à l’échelle de l’univers.

Après l’ébouriffant pavé des « Seigneurs de Bohen », « Les Nuages de Magellan » réaffirme la passion de l’autrice pour les personnages féminins déterminés, mais humains et fragiles.


Titre : Les Nuages de Magellan
Auteur : Estelle Faye
Couverture : Benjamin Carré
Éditeur : Scrineo
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 273
Format (en cm) :
Dépôt légal : octobre 2018
ISBN : 9782367405858
Prix : 21 €



Nicolas Soffray
17 novembre 2018


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