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Baleine thébaïde (La)
Pierre Raufast
Gallimard, Folio, roman (France, 2016), récit gigogne, août 2018, 230 pages, 7,25€


« Il se passa encore une dizaine d’années pendant lesquelles l’intérêt médiatique de la baleine 52 connut des hauts et des bas. Le grand public était sensible à son éternelle solitude, les scientifiques se demandaient pourquoi cette baleine pourtant écholocalisée restait toujours introuvable. »

Le narrateur, Richeville, frais émoulu d’une grande école de commerce, sans doute brillant mais encore très naïf, peu sociable, à peu près totalement dépourvu d’idées, subitement livré à lui-même, est engagé par une organisation pour prendre part à la quête d’une baleine unique, la seule au monde à chanter sur une fréquence de 52 hertz (ce qui l’empêche de chanter avec d’autres baleines et de trouver l’âme sœur). Mais le but réel de l’expédition n’est pas du celui qu’on lui avait expliqué. Dans cette aventure, Richeville perdra bien des illusions, et ceci d’autant plus que, comme souvent chez Pierre Raufast, la trame est prétexte à mille et une anecdotes : bien d’autres aventures seront en effet narrées par les autres membres de l’équipage, le capitaine Eduardo, le technicien informatique russe Dimitri, et le français Marc, qui ont plus d’une histoire édifiante à raconter.

« Le vieux soldat de Dieu n’était pas né de la dernière pluie : dès le premier jour, il avait reconnu le modèle peu vertueux de ses Vierges. »

Une église emplie de statues de prostituées, un individu qui se rend aux enterrements de parfaits inconnus pour y semer un trouble rare (tâche qui fait immanquablement songer à l’exquis « Club des métiers bizarres » de Gilbert Keith Chesterton), une épouvantable histoire de non-voyage dans le temps (on trouvait déjà une variante sur cette thématique inépuisable dans « La Fractale des raviolis »), un village sur lequel il pleut sans discontinuer pendant plus de douze ans, un homme qui vole des crabes pour les remettre à la mer, une mamie flingueuse, un sénateur décidément trop infidèle et pour finir passablement malchanceux, plusieurs virtuoses en informatique, une start-up spécialisée dans les baleines artificielles pour piscines de bourgeois, des mutations inattendues, animales et humaines : autant d’éléments (et même plus) qui se croisent et s’entrecroisent pour finir en un tout cohérent, pour revenir immanquablement au point de départ du roman, comme c’était déjà le cas avec le premier ouvrage de l’auteur.

«  Voyager, c’est aussi cela : constater que le monde est plein de mystères et que l’homme n’a pas réponse à tout.  »

Un bon point pour l’édition Folio : de nombreuses coquilles émaillant l’édition originale (Alma) ont été corrigées. Restent toutefois quelques réserves : il arrive que l’auteur ne respecte pas vraiment la concordance des temps, il lui arrive de passer du « je » au « il » sans véritable raison, il lui arrive aussi de ne pas être très fin et de céder à quelques facilités et complaisances. On pourrait lui reprocher son héros bien trop naïf pour être crédible et ses protagonistes extrêmement superficiels façon Bernard Werber, mais on comprend que le format, qui dépasse à peine les deux cents pages en version de poche, imposait des choix : la multiplication des historiettes, à l’évidence, l’a emporté sur la caractérisation des personnages. Reste qu’un tel choix empêche ces anecdotes de s’inscrire durablement dans la mémoire, ce qui est dommage car il arrive à l’auteur de faire d’heureuses trouvailles.

Les amateurs de Raufast ne manqueront pas de relever ici et là des références, jamais ostensibles, à des éléments ou à des personnages apparaissant dans ses deux premiers romans, « La Fractale des raviolis » et « La Variante chilienne ». Ils retrouveront dans « La Baleine thébaïde  » ce caractère avant tout éclectique et bondissant, cette manière qu’a l’auteur de sauter d’une histoire à une autre sans jamais vraiment perdre le fil, et de toujours parvenir à boucler la boucle, à retomber sur ses pieds, à revenir à son personnage ou à son point de départ. Pour finir, un dénouement dramatique et teinté d’humour noir vient donner une touche poignante à un roman qui se veut avant tout plaisant, distrayant, facile à lire, et rapidement lu.


Titre : La Baleine thébaïde
Auteur : Pierre Raufast
Couverture : Chang Chengxiang
Éditeur : Gallimard (édition originale : Alma, 2016)
Collection : Folio
Site Internet : page roman
Numéro : 6529
Pages : 230
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : août 2018
ISBN : 9782072755255
Prix : 7,25€



Pierre Raufast sur la Yozone :

- « La Fractale des raviolis »


Hilaire Alrune
19 septembre 2018


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