De retour au Japon, Shizuka est placée dans un placard, au bureau annexe de la sécurité aux personnes. Autant dire que ses supérieurs l’ont enterrée dans un poste où elle ne risque pas de faire de vagues, vu que son arme lui a aussi été retirée. Mais pire que tout, elle se retrouve à devoir travailler avec le plus pourri et le plus pervers des inspecteurs du coin : l’inspecteur Ba. Ce dernier a une vie tranquille, ponctuée par le rackette habituel et les magouilles de toutes sortes. Et quand une affaire leur est attribuée, il feint d’accepter de travailler avec Shizuka pour tout simplement la droguer et tenter de la violer. Une grossière erreur que la jeune femme lui fait payer d’un bon coup de genou dans les valseuses. Si Ba pensait pouvoir utiliser sa partenaire comme une poupée gonflable, il faisait une monumentale erreur. Shizuka est une tueuse toujours aux aguets et le piège qu’il lui avait tendu était d’une incroyable grossièreté. Toutefois, elle choisit de ne pas le liquider, une affaire bien plus s’intéressant lui est offerte sur un plateau.
Attention, Sho Fumimura, le scénariste de “Silencer”, n’est pas un petit mangaka faisant ses premiers pas ; Sous ce pseudonyme se cache pas moins que Buronson, le père de “Hokuto no Ken”. Le mangaka se faisant plutôt rare, savourer une nouvelle de ses œuvres est évidemment un événement et un plaisir. Si le mangaka sort des mondes apocalyptiques qui lui collaient un peu trop à la peau, ce n’est pas pourtant pour lâcher son goût immodéré pour la critique de la société qui l’entoure. Cette fois, il nous invente un duo de flics hors normes et loin des clichés que nous ressassent la télé et le cinéma américain. Il associe une flic abattant sans sourciller ceux qui ne respectent pas la loi et un inspecteur pourri jusqu’à la moelle qui, pour l’accueillir, tente de la violer. L’ambiance est d’ailleurs mise d’emblée dans la première scène qui montre à quel point Shizuka repousse les limites de son rôle de flic. Et pourtant, si Ba est totalement amoral, utilisant son insigne comme bon lui semble, Shizuka recherche la justice, certes expéditive, mais la justice tout de même. Ce premier tome nous pose les principaux protagonistes sans véritable fil rouge, uniquement le plaisir de découvrir jusqu’où ces deux larrons peuvent aller pour arriver à leurs fins.
Pour la mise en image, Sho Fumimura s’est associé à Yuka Nagate, l’auteure de “Gift+- (T1)”. Toutefois, la jeune mangaka avait déjà mis un pied dans l’univers de Buronson en travaillant sur “La légende de Toki”. Sho Fumimura lui permet ici de mettre en images une nouvelle femme forte et défiant les règles établies, tout comme son héroïne Tamaki Suzuhara. Cette dernière a de nombreux points communs avec Shizuka, par leur tempérament et évidemment dans leur design. Toutefois, la palette de traits pour les visages de Yuka Nagate est bien assez fournie pour que l’on n’identifie pas Shizuka comme la grande sœur de Tamaki. En tout cas, son style hyper réaliste, n’hésitant pas à pousser vers le sexy pour ne pas dire le sexuel, utilisant la violence sans tabou, est très efficace. La mangaka met bien en avant son héroïne, rabaissant aux plus bas-fonds l’inspecteur Ba, son « héros » entre guillemets. Décidément, Buronson est parvenu à lui trouver un duo idéal pour que Yuka Nagate laisse libre cours à son talent de dessinatrice. Mais peut-être est-ce aussi facile de mettre en images un scénario signé par un auteur culte pour ne pas dire ancré dans l’histoire du manga moderne.
“Silencer” n’est pas pour tout public mais ravira sans le moindre doute les amateurs avertis de mangas policiers politiquement très incorrects.
pour public averti
Silencer (T1)
Scénario : Sho Fumimura
Dessins : Yuka Nagate
Traducteur : Masaya Morita
Éditeur français : Komikku éditions
Format : 13 x 18 cm
Date de parution : 26 avril 2018
Numéro IBSN : 978-2372873840
Prix : 8,50 €
SILENCER © 2013 Sho FUMIMURA, Yuka NAGATE / SHOGAKUKAN
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