Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Emmanuel Collot : Interview
Editions Eons
Robert Erwin Howard : Une biographie

Fin du mois d’avril 2006 paraîtra aux Editions Eons, une biographie en trois volumes du très grand Robert Erwin Howard.

Howard est le père de Conan le Barbare, de Solomon Kane, de Bran Mac Morn et de biens d’autres héros de légende.

L’auteur, Emmanuel Collot (Science-Fiction Magazine), répond à quelques questions concernant son travail de biographe de l’imaginaire.



Pourquoi avoir choisi de parler de Howard ?

J’ai choisi de parler de Howard tout simplement parce que j’ai estimé qu’il était grand temps qu’on révèle le grand homme qui se cachait derrière l’œuvre, peut-être la personnalité la plus complexe de toute l’histoire de la littérature, une espèce d’hybridation entre Hemingway et un enfant martyr. Je l’ai lu à l’âge de 7 ans, et depuis, à aucun moment l’idée de réaliser une grande étude sur cet auteur n’est sortie de mon esprit. Comme je le déclare sur mon blog, mon père me confia un jour que si je voulais parvenir à me saisir de l’homme qui se cachait derrière l’œuvre, il fallait que je le raconte comme un personnage de fiction, et ainsi me ré-approprier sa longue ascension vers le suicide, mais surtout les raisons, les étapes, à moins que ce ne soit le syndrome, qui le conduiront à cet acte radical. Son œuvre est indissociable de sa vie, et sa vie, comme il la rêvait, était une sorte de cauchemar éveillé, traversé par de fulgurantes visions poétiques, sauvages et baroques. Il était en contact avec une telle énergie créatrice qu’il en oublia son mal. Howard voyait ce qu’il écrivait, scandait ce qu’il racontait, et ses doigts sur sa machine faisaient le reste...

Sous quel angle le présentez-vous ?

J’ai donc choisi de réaliser une trilogie sur la vie de Robert Howard.

Le premier volume, « Le Celte Mélancolique », est une biographie romanesque. Etant donné que nous avons si peu de documents sur l’auteur, mais aussi parce que sa démarche romanesque était tout à fait particulière, unique, l’usage d’une fiction pour raconter sa vie est apparue comme inévitable, incontournable, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit la seule. La plus grande difficulté qui s’est présentée à moi dans ce premier volume a été de raconter Howard comme un être étrange, exceptionnel, tout en cultivant sa profonde humanité, sa sincérité face à la vie, la mort, et bien sûr, son unique amour, la belle Novalyne Price. Avec Philipp K. Dick, Robert Howard (même s’ils diffèrent sur de nombreux points) est certainement le plus singulier des écrivains de son temps, insaisissable tant que l’on n’a pas compris son œuvre charcutée au possible, tronquée, censurée. Ce premier volume est donc une tentative de donner quelques vues ou plutôt des regards sur Howard mais aussi sur ce monde double qu’est l’Amérique du début du 20e siècle au travers de laquelle transpire le fantôme de Poe, où se profilait déjà celui, futur, de Jacques Kerouac. Car Howard fait partie de ces écrivains cassés par la vie mais dotés d’une telle vitalité et d’une telle créativité qu’ils inscrivent toujours en un sortilège secret leur marque dans ce territoire qui leur a interdit une vie dite normale.

Le second volume, « Corps Barbares », sera une analyse en profondeur de l’œuvre, ses signifiants mais aussi ses racines. Et vous verrez à quel point l’homme et l’œuvre avaient une portée incroyable et à de nombreux niveaux. Le troisième volume, « Les enfants de Conan », sera consacré à des nouvelles en hommage à Howard, un florilège de récits et poèmes par des plumes qui vont en surprendre plus d’un...

Qu’avez-vous appris sur lui en écrivant votre ouvrage.

Ce que j’ai appris en écrivant ce livre ? Question difficile quand il s’agit de Howard. Disons que toute personne, lettrée ou non, sera surprise de découvrir un véritable génie des mots, un poète et un écorché vif, peut-être le seul James Dean de toute l’histoire de la littérature, du moins le James Dean des films...

Il y a plusieurs secrets chez Howard, et je pense avoir ouvert une porte qui le dédouanera définitivement des clichés qu’on lui a collés sur le dos durant trop longtemps. Faut-il jeter la pierre sur le couple de Camp/Carter ? Ils n’ont fait que vouloir exploiter un filon, mal, sans respect, avec beaucoup de maladresse. Il en résultat la plus grande incompréhension faite sur un auteur depuis longtemps. Le plus amusant, pour toute personne qui serait tentée de les mettre plus bas que terre, serait de se replacer dans le contexte d’une époque et de nous dire ce qu’on aurait fait à leur place devant un tel matériel pour faire du fric ?

Des erreurs, probablement. Aurions-nous fait la même chose ? Je pense que, me connaissant assez bien, j’aurais préféré ne pas toucher un mot de son œuvre, non pas parce que c’est Howard, mais parce que le respect de l’écrit d’un auteur est quand même chose appréciable quand on aime la littérature. Bien sûr, du point de vue de notre époque, et avec tout le recul qu’elle permet, on pourra affirmer que non, nous n’aurions pas fait ainsi. Mais si nous nous trouvions dans un autre contexte, en ne sachant pas à présent tout ce qu’on sait sur Howard, difficile de dire ce qui ce serait imposé à nous en bien ou en mal. Je pense que Howard devait passer par là, avant de connaître une résurrection méritée. Dans les deux cas, il n’aura pas eu le temps de se voir devenu le géant qu’il était déjà, et tout comme le disait jadis Frazetta, c’est mon plus grand regret, car j’aurais beaucoup aimé connaître le personnage. J’ai donc écrit un roman sur « les mémoires », un roman où il est question de deux histoires, et par le truchement de leurs parcours, j’ai voulu établir un rapport, un « entretien infini » pour paraphraser Blanchot. Vous ne pouvez pas savoir quelle porte peut s’ouvrir quand on réalise une telle opération romanesque. C’est comme si du jour au lendemain vous vous retrouviez possédé par votre propre fiction. Cet état de fait m’a vu déambuler dans les rues de ma ville avec en tête des histoires de Howard ainsi que des bribes de mon roman qui cherchaient à explorer une pensée qui reste complexe, sourde à toute analyse directe, froide. Ce fut une expérience difficile, mais je pense qu’il fallait passer par ça pour tenter cette rencontre avec une œuvre aussi forte. Là, ce qui m’est arrivé, c’est que je suis rentré en contact direct avec une fiction abrasive, une fiction qui a envahi toute ma vie durant plusieurs mois.

Ce livre dormait dans quelque obscure synapse de mon cerveau depuis plus de 15 ans, quand mon père commença à me parler du « problème Howard », et il m’obséda, m’empêcha de dormir ou d’entreprendre d’autres tâches, tant que je n’avais pas commencé à le mettre sur papier. Bref, cette biographie pourra se lire comme un roman, mais aussi comme une analyse profonde des méandres de la création d’un génie des mots. Il y a beaucoup de révélations dans ce roman, et à mesure que l’on parcourt ces deux histoires, on découvre peu à peu le vaste univers de Robert Erwin Howard. Après tout ce temps passé sur ce livre, je dois avouer y avoir pris grand plaisir. L’écriture est une grande chose, aussi douloureuse peut-elle être, et écrire sur ce géant du genre a été pour moi une grande aventure au pays de tous les possibles...

Titre : Robert E. Howard : Le Celte Mélancolique

Auteur : Emmanuel Collot
Couverture : Gil Formosa
Nombre de pages : 354
Éditeur : Eons

Collection : Fantasy n°59
Internet :
- Site de l’auteur
- Le livre
Dépôt légal : 03/2006
ISBN : 2-7544-0320-5
EAN : 978-2-7544-0320-7
Prix : 29,40€


18 avril 2006


JPEG - 41.1 ko



JPEG - 80.9 ko



Chargement...
WebAnalytics