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Robot Sauvage
Peter Brown
Gallimard Jeunesse, roman (USA), conte, 284 pages, juin 2017, 13,50€

Un cargo coule au large d’une île solitaire. De sa cargaison, seules cinq caisses ont survécu, et quatre éclatent contre le rivage. La dernière arrive intacte, son couvercle ouvert. A l’intérieur, un robot Rozzoum, le numéro 7134. Allumée par des loutres trop curieuse, la machine va découvrir son environnement. Programmée pour apprendre et s’adapter, elle va découvrir l’île, ses différents lieux, ses habitants, ses dangers, et apprendre à survivre.
Sauvant un oeuf d’un glissement de terrain, elle va en prendre soin jusqu’à son éclosion. Puis du petit oison qui en sort, avec lequel elle va nouer une relation mère-enfant. Grâce à ce petit, et aux nombreux coups de main qu’elle est toujours prête à apporter, Roz va se rapprocher des animaux de la clairière, castors, oies, renards, cerfs... Elle, l’intruse, va devenir l’amie de tous, et par son altruisme sans préjugés, pousser les animaux à vivre autrement, moins égoïstement.
Lorsque l’hiver, particulièrement rude, commence à faire des victimes, Roz invite tous le monde, prédateurs et proies, autour du feu dans sa cahute, instaurant une trêve. Plus qu’une voisine, une amie, Roz va devenir la sauveuse des habitants des bois.
Hélas, malgré quelques embûches, ces vacances au paradis ont une faim. Lorsque les oies reviennent de leur migration, elles apportent dans leur sillage un vaisseau et trois robots autrement plus patibulaires que Roz. Ils sont chargés de rapporter les robots perdus à l’usine. Tous les animaux vont alors protéger leur amie.



Peter Brown est l’auteur d’albums à succès. C’est son premier « gros » livre, un roman en forme de conte initiatique, ode à l’entraide, à l’amitié et à l’acception de la différence, découpé en 80 courts chapitres qui sont autant de belles leçons de vie.

L’auteur s’adresse ponctuellement à son (jeune) lecteur, introduisant une légère distance qui atténue les moments de trop grande émotion. Narrateur-conteur omniscient, il nous fait suivre une à une les découvertes de Roz. Tout juste sorti d’usine, le robot n’a accès qu’à des connaissances théoriques, et le monde sauvage auquel il est confronté est fort mal documenté.
L’intérêt d’un tel personnage, c’est cette virginité de l’esprit, celui d’un enfant, d’un bébé. Il se double d’une absence totale de passion. C’est la logique, le programme, qui guide les actes de Roz, et non les émotions, même si on verra qu’elle finira par éprouver quelque chose qui y ressemble, et donc l’auteur de nous emmener doucement vers cette grande question de la SF à robots, soulevée par Isaac Asimov : si un robot est capable de sentiments, en quoi diffère-t-il d’un être humain ?

Dans « Robot Sauvage », il n’y a pas d’humains, Roz n’est confrontée qu’à des animaux, autrement dit des êtres guidés par leurs instincts, leurs atavismes. C’est elle qui va les sortir de cette animalité, en leur apprenant la solidarité, pas seulement envers ceux de leur espèce, mais aussi tous les autres animaux des environs. Elle montre l’exemple avec Joli-Bec, son fils adoptif, qu’elle a entrepris d’élever puisqu’elle est en partie la cause de la destruction de son nid. Elle prend soin de lui, y compris en demandant de l’aide aux autres oies quand manifestement elle ne peut pas lui apprendre certaines choses, comme voler.
Le lien entre la mère-robot et son fils-jars est très fort, et leurs dialogues sont tout en retenue (difficile d’être exubérant quand on est élevé par un robot) et remplis d’amour filial. Joli-Bec, ainsi éduqué, de façon neutre, sans instincts, devient vite un jeune animal intelligent et réfléchi, ce qui tempère beaucoup sa fougue, mais ne lui évite pas la crise d’adolescence et la volonté, à un moment, de couper le cordon.
Enfin, en apportant l’abri, le feu, la trêve dans la forêt enneigée, c’est Roz qui « humanise » les animaux. Quelques accidents se produisent bien, car il est difficile d’aller contre sa nature profonde, mais quand les robots viendront prendre Roz, tous s’uniront pour la défendre et la protéger, au risque de leur vie, tout comme Roz aura risqué la sienne, et si différente soit-elle, pour eux.

C’est souvent émouvant, d’autant plus que l’absence de sentiments de Roz exacerbe ceux que ses actes ou ses paroles provoquent chez le lecteur. C’est souvent d’un simplicité, d’une évidence, d’un naturel (au premier sens du terme) désarmants qu’on retiendra parfois une petite larme. Pour les moins émotifs, les rebondissements réservent quelques moments de frissons ! Et l’humour est très présent, grâce au décalage entre le robot et son environnement imprévu.

« Robot sauvage » est une très belle histoire, facile à lire grâce à ses chapitres courts et ses nombreuses illustrations épurées et toutes mignonnes, magnifiées par les nuances de gris. Elle brasse les questions fondamentales de la SF sur ce qui nous rend humains, sur la différence, sur l’acception de soi et des autres, sur la solidarité.

Un très beau livre à lire de 9 à 99 ans.


Titre : Robot Sauvage (the wild robot, 2016)
Auteur : Peter Brown
Traduction de l’anglais (USA) : Alice Marchand
Couverture et illustrations : Peter Brown
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Grand format
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 284
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 3
Dépôt légal : juin 2017
ISBN : 9782075075398
Prix : 13,50 €



Nicolas Soffray
20 avril 2018


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