Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Aelfic
Patrick McSpare
Scrinéo, roman (France), fantasy jeunesse, 280 pages, mai 2017, 14,90€

Ael, collégien breton, passe des vacances en Angleterre avec ses parents. A proximité de Stonehenge, une brume verte enveloppe leur voiture, et c’est l’accident. Mais quand il rouvre les yeux, le garçon est dans une forêt, où deux lutins s’emparent de lui ! Il est sauvé par Lylidra, une elfe brune apprentie magicienne, qui lui explique qu’il est dans les Neuf Forêts, un monde féérique. Obéron, son maître, soigne ses blessures, et il hérite d’oreilles pointues au passage. Lylidra le rebaptise Aelfic, un nom plus local.
Son voyage d’un monde à l’autre intrigue, et il est convié à se joindre au groupe, qui effectue le pèlerinage centennal à la capitale, pour une cérémonie à Gordelin, le grand mage qui un millénaire plus tôt à couper les monts entre les Neuf Forêts et la Terre, pour soustraire son peuple à l’influence néfaste des humains. Ce grand Magus serait à même de renvoyer Ael chez lui. Problème : il est plongé dans un profond sommeil depuis son combat, mille ans plus tôt, contre Nomostro, un sorcier adepte de magie noire et prônant la supériorité de sa race sur les autres.
A peine familier de ce nouveau monde, Ael/Aelfic revient sur Terre. Sous forme de fantôme ? Là, il découvre que ses parents et lui sont dans le coma, et qu’une mystérieuse force le pousse. D’abord à sauver ses parents, qu’un elfe pâle tente de tuer, puis à retrouver les morceaux manquants de l’incantation, en forme d’énigme, apte à réveiller Gordelin.



Ne vous laissez pas tromper par les couleurs chatoyantes de la couverture de Noémie Chevalier, ni par l’apparent classicisme de l’entrée en matière. Si la plume de Patrick McSpare est à la portée des jeunes lecteurs (dès 12 ans), son intrigue prend des chemins inattendus et fort appréciables. Les non moins inattendus retours d’Aelfic sur Terre, en des lieux différents, permettent de gratter la peinture de l’histoire officielle des Neuf Forêts que nous apprennent Lylidra puis la Magus Queen Mama. C’est d’ailleurs le plus bel enjeu de ce roman : la manipulation de l’Histoire.
Quand Ael débarque, on lui fait un topo, le tri entre les peuples bons et les mauvais. Les Elfes de la Merveilleuse prônent l’égalité des peuples, tandis que les fidèles à l’idéologie de Nostromo, ralliés autour de ses enfants jumeaux les Deux Ecarlates, réduisent en esclavage des races entières, fées, nains, etc. D’après les Magus, l’inégalité et l’esclavage sont des concepts humains, qui ont été importés dans les Neuf Forêts au fil des contacts entre les mondes. Nous découvrirons, avec Ael, que la vérité est un peu différente, et que ceux qui la connaissent la taisent pour différentes raisons.

L’histoire se déroulant sur un temps relativement court, l’auteur ne se prive pas d’user de la magie pour simplifier la tâche de son héros, qui écope d’un sort d’expertise au combat, plus rapide et efficace que de longues années d’entraînement, mais n’échappera pas à une initiation à la perception de la magie, sous forme de méditation, pour laquelle il n’y a pas de raccourci. Rappel pour les plus jeunes que parfois, il n’y a que le travail et la patience.
Autre élément du fond remarquable, la décision prise de cantonner la magie aux femmes après la guerre. L’idée d’un soft power féminin n’est certes pas neuve, mais c’est le genre de discrimination positive qui montre ses effets dans notre monde, et il est agréable que l’auteur présente cela comme un choix politique et pas seulement une raison physique ou biologique. Tout comme le handicap de Queen Mama, qui ne l’empêche pas d’être une puissante magicienne.
Dans un autre registre, l’apparence de Mouk, elfe savant et redoutable combattant, métamorphosé en singe, rappelle de ne pas juger les gens à leur apparence.
D’autres idées très intéressantes saupoudrent le roman, comme les arbres-HLM, et ces influences humaines du XXe siècle renouvellent agréablement la fantasy.

Comme le découvre Ael, les Neuf Forêts bruissent d’une rumeur de guerre. Alors que les partisans de la paix se rassemblent avec l’espoir de réveiller leur ancien leader, les forces du mal se rassemblent et se renforcent. Et forcément, il y a un traître qui les renseigne. L’aventure d’Aelfic est trop dense et les personnages trop peu nombreux pour qu’on s’interroge longtemps sur son identité. On s’intéresse davantage aux découvertes d’Aelfic, à la présence d’elfes sur Terre et aux liens qu’ils conservent visiblement avec leur monde d’origine, dans un sombre dessein. La présence de zombies dans leurs rangs ne laisse rien présager de bon...

C’est donc un roman bien de notre époque que Patrick McSpare propose à ses jeunes lecteurs, nuançant très vite le manichéisme apparent, mettant en danger ses héros, n’hésitant pas à faire mourir (ou pas loin) des personnages majeurs. Même ses deux méchants sont plus épais que les stéréotypes auxquels on pouvait s’attendre, révélant une fragilité et un manque de confiance en eux derrière leurs ambitions de conquête.

Quelques achoppements de ma part sur certains facilités formelles, qu’on peut toutefois se permettre à petites doses en littérature jeunesse, avec des passages très explicatifs et démonstratifs, à chaque leçon que reçoit Ael sur les Neuf Forêts, ses peuples, son organisation... La densité du texte s’en ressent, avec assez peu de dialogues, et des pages souvent noircies d’un bloc, qui peuvent rebuter les moins bons lecteurs. Une mise en page un peu plus aérée aurait cependant été bénéfique. Le style m’a du coup semblé parfois laborieux, mécanique, étouffant, alors que les scènes d’action, notamment, pas forcément plus aérées, sont néanmoins toujours claires et lisibles.

Au fil de son aventure menée tambour battant, l’auteur élargit aussi son univers aux autres mondes magiques évoqués dans ses autres séries de romans, « Les Hauts-Conteurs » avec Olivier Peru (5 tomes) et « Les Héritiers de l’Aube » (3 tomes). De quoi s’occuper quelques heures de plus !

JPEG - 159.6 ko
L’auteur aux Imaginales 2017

Titre : Aelfic
Auteur : Patric McSpare
Couverture : Noémie Chevalier
Éditeur : Scrinéo
Collection : Fantasy / Ados
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 280
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2017
ISBN : 9782367404998
Prix : 14,90 €



Nicolas Soffray
18 août 2017


JPEG - 24.7 ko



Chargement...
WebAnalytics