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Solaris n°202
L’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire
Revue, n°202, science-fiction / fantastique / fantasy, nouvelles – articles – critiques, printemps 2017, 160 pages, 12,95$ CAD

Sous le titre de la revue peut se lire en couverture la mention « Voir autrement », thème central autour duquel gravitent les nouvelles couvrant une centaine de pages. La belle illustration de Tomislav Tikulin, un habitué de « Solaris », colle parfaitement au texte “Le caméléon” de Pascale Raud qui nous plonge dans une étrange contrée où une jeune fille chevauche un rat pour se déplacer. Un homme qui a chiné une montre décrite comme une machine à voyager dans le temps échoue dans ces sargasses temporelles et découvre toutes leurs bizarreries.
L’auteure nous fait oublier tous nos repères, mélange allègrement les époques et les influences. Une atmosphère joyeuse se dégage, elle est entraînante et les protagonistes possèdent un côté attachant par leur décalage, leur différence. Bonne entame !



L’écriture de “Takwakin” s’avère pour le moins travaillée et le début est assez froid, ce qui est dans le ton de l’histoire chargée de regrets, mais freine l’immersion dans la nouvelle. Par contre, quand la situation sort de l’ordinaire, Ariane Gélinas capte l’attention et va dans une direction totalement inattendue. Par son incongruité, cette fin laisse sur une impression positive.

Suite au voyage à travers l’espace qui a transformé leur ADN, de nombreux colons de Keplia souffrent de la “Mnémose”. C’est ainsi qu’Aidan est régulièrement frappé d’une crise qui lui fait perdre la mémoire. Au réveil, il ne se souvient plus de sa famille, ni de son métier et doit tout réapprendre pour se réintégrer. Sa femme est affligée du même mal, ainsi que des collègues, ce qui donne des développements pour le moins cocasses : deux hommes travaillant dans la même serre se forment à tour de rôle et le couple est obligé de retrouver un juste équilibre après chaque crise. Pour leur fille Mélodie, il est très difficile d’assumer ce lien entre le passé et le présent.
Isabelle Lauzon a trouvé un très bon axe pour développer son récit qui malmène tout ce qui est construit et nécessite une organisation particulière pour la survie de la colonie. C’est assez fascinant de voir toutes les implications d’une telle maladie. “Mnémose” se lit d’une traite et donne bien des sujets de réflexion sur la fragilité d’une famille. Bravo !

“Retour au Pays des Mères” d’Élisabeth Vonarburg a été écrit bien avant les « Chroniques du Pays des Mères ». Les naissances sont rares et en majorité il s’agit de filles, alors que pour se perpétuer la société a aussi besoin d’enfants masculins. Une fois en âge, ils ont un devoir de reproducteurs et se déplacent de village en village. Fayer, le jumeau de Neige, a dérogé à sa charge. Par nostalgie, il revient chez lui.
Le contexte attire bien sûr par ses problématiques, ainsi que le personnage central allant contre les usages. L’impact des traditions prend tout son sens à la fin, le changement observé n’est d’ailleurs pas sans lien avec celui de la nouvelle de Pascale Raud. Le propos s’avère aussi plein de justesse sur le sort des enfants, comme en témoigne la détresse de celui que rencontre Fayer. Nouvelle d’une belle sensibilité.

“Les guerriers au bord du temps” appartient au cycle climatique de Jean-Marc Ligny, comptant plusieurs romans et nouvelles. L’auteur ne fait pas dans la dentelle, fait dans une surenchère ayant visiblement pour but de choquer et de montrer les dérives extrêmes d’une civilisation moribonde où vivre en paix n’est qu’illusoire. En effet, le village dans lequel vit Ophélie se rendant utile par sa science des plantes pour soigner les malades subit une attaque de pillards. Rien n’est épargné aux lecteurs jusqu’à ce qu’Ophélie retourne à la nature, apprend une autre façon de vivre. L’auteur multiplie les images fortes, mais termine en douceur, avec une sérénité retrouvée. La foi en la nature humaine est ici bouleversée, comme celle dans un avenir où l’homme se transforme et pas toujours en bien. Une nouvelle pierre à rajouter à l’édifice climatique de Ligny qui fait froid dans le dos et à juste titre.

Ce numéro de « Solaris » s’achève par des chroniques et deux longs articles.
“La décroissance physiologique dans la science-fiction : une jouvence indésirable ?” de Jean-Pierre Laigle s’appuie sur de nombreuses œuvres pour illustrer cette régression de l’adulte vers l’enfant, jusqu’à redevenir un embryon et disparaître. Recherche de l’immortalité, contrecarrer le vieillissement... pour un résultat mitigé. Passionnant !
De son côté, Mario Tessier s’intéresse aux formes de la Terre : ronde, plate, creuse... L’histoire, la SF... autant de sources d’inspiration pour étayer l’article et le rendre attractif et instructif.

De belles nouvelles tournant autour du changement, ceux de l’homme ou de la société, et deux articles de haut vol, largement de quoi contenter les lecteurs de « Solaris ».


Titre : Solaris
Numéro : 202
Direction littéraire : Jean Pettigrew, Pascale Raud, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Tomislav Tikulin
Illustrations intérieures : Bernard Duchesne, Suzanne Morel
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris ; numéro 202 
Période : printemps 2017
Périodicité : trimestriel
ISSN : 0709-8863
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 160
Prix : 12,95 $ CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
20 mai 2017


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