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Galaxies n°46 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°46, SF - nouvelles - articles – entretiens - critiques, mars 2017, 192 pages, 11€

Essentiellement dédié à la SF africaine, ce « Galaxies » sort de l’ordinaire au niveau du traitement. Ketty Steward s’est chargée du dossier couvrant plus des trois quarts du numéro. Elle a choisi d’insérer entre les nouvelles, des articles sur le sujet ou des entretiens. La formule apparaît beaucoup plus vivante qu’à l’accoutumée. Quasi pas de noms connus au sommaire, si ce n’est Sofia Amatar et... Thimothée Rey. J’avoue m’être étonné de ce dernier choix, car même si tous les auteurs de nouvelles n’habitent pas forcément en Afrique, ils y ont tout de même des racines.



“Pourquoi Mebe-n-Nkpwae ne ramena pas l’immortalité d’Engong”, voilà la question à laquelle Thimothée Rey répond dans sa nouvelle. Un musicien raconte une histoire pour galvaniser les combattants prêts à se lancer à l’assaut d’Engong, l’astéroïde autour duquel tourne le Pays Morcelé d’Oku. Ce système gravitant autour d’un soleil de poche est en voyage pour une destination lointaine. Ce cadre original est à l’origine de la rancœur entre les deux parties qui ont un lourd passé commun. La forme est très prenante, elle ressemble à une geste contée par un troubadour. Le cadre est bien sûr science-fictif, mais il explore très bien différents thèmes africains comme les guerres tribales, les traditions, l’utilisation de grigris avant les combats... L’ensemble est passionnant et la question de sa légitimité dans le dossier ne se pose plus vraiment.

De nombreux points communs se dégagent des autres textes : la débrouille, le recyclage, les enfants, les déchets, la transformation... Ils sont abordés de manière différente et avec un ton sortant souvent de l’ordinaire.
Lesley Nneka Arimah met en scène des futures mamans inventives quant à la conception de leur progéniture. Il faut que leur bébé en devenir tienne un an avant de devenir un nourrisson à part entière. “Qui t’attendra sur le pas de ta porte ?” entame le dossier de façon dépaysante et donne le ton.
“Celui qui contemplait le soleil” de Clifton Gachagua présente aussi des enfants, mais issus de fabriques ! Un couple qui en rêvait depuis si longtemps reçoit enfin le sien, mais il est défaillant. Elle qui l’attendait depuis si longtemps pour être enfin maman et lui qui voulait d’un fils pour l’envoyer sur le front et s’inquiéter est déçu. À nouveau, la procréation est détournée, l’inspiration séduit par ses implications surprenantes.
Quand leur fille annonce que son amour s’avère un robot, ses parents pourtant ouverts d’esprit cherchent par tous les moyens à la dissuader de cette folie. Relme Divingu interroge sur ce qui fait de nous un humain. L’ajout de prothèses cybernétiques rend-il moins humain ? En quoi un tel corps modifié se démarque-t-il d’un robot pensant ? “Un amour impossible” est court mais bien vu sur son questionnement.

“Le migrant volant” de Mame Bougouma Diene est assez décousu et déstabilisant par le ton employé, mais illustre en quelque sorte la débrouille locale. Un inventeur fou a besoin de l’aide de son cousin aux relations des plus discutables pour parvenir à ses fins. Mais son but est noble. La crise des migrants, le terrorisme, l’entraide figurent en toile de fond de ce texte.
Il n’est d’ailleurs pas sans lien avec l’article “Aider l’Afrique” de Ketty Steward qui parle d’une initiative intéressante, à savoir un « espace d’innovation partagée où s’élaborent au quotidien de nouvelles approches de la collaboration productive vertueuse en contexte africain ». De même, Wole Talabi explique “Pourquoi l’Afrique a besoin de la science-fiction”. Une analyse réfléchie et pleine d’à-propos.

Dans le futur, la langue française est en voie de disparition et un programme essaie de la sauvegarder grâce à un procédé scientifique. Des volontaires africains se prêtent à cette mission. La vie de Garlie en est bouleversée et l’accès à la connaissance lui révèle certains dangers jusqu’alors inconnus. Idée de départ intéressante et se finissant de manière originale.
Moussa Ould Ebnou, l’auteur de “Dreg Dreg”, est interviewé par Pierre Gévart.
Autre entretien au sommaire, celui de Oulimata Gueye par Ketty Steward. La même nous présentait la SF africaine en début de dossier.

La pollution n’est pas la moindre des préoccupations, aussi bien pour Nnedi Okorafor que pour Sofia Samatar.
La première dénonce les changements induits de manière très imagée et termine “Boum !” par un constat sans concessions.
Sofia Samatar s’inquiète des déchets radioactifs. Même enfouis, ils doivent rester sous surveillance et qu’en est-il de celle qui demeure sur place pour assurer une présence humaine ? Le changement de manière insidieuse, sournoise et difficile à traduire en mots. “Toxique” alerte sur ces dangers cachés qui transforment l’environnement sans que les autorités n’y prennent garde ou qu’elles gardent sous silence. Suit un important article signé Geoff Ryman où il dit tout le bien qu’il pense de « Un étranger en Olombre » de Sofia Samatar, .

Par son sujet, “Leatherman” détonne un peu dans l’ensemble de textes. Lors d’une soirée, un étonnant prétendant pousse Joanna à sacrifier sa virginité. L’atmosphère s’avère très prenante, Diane Awerbuck captive le lecteur par son imaginaire empreint d’exotisme et duquel se dégage une sensualité ambiguë . Qui est vraiment Hili ?

Ce dossier illustre bien que cette SF peu connue existe et comment elle se développe, ainsi que sa richesse à travers des tons, des problématiques et des idées différentes qui lui sont propres. Ketty Steward a très bien su en explorer les différentes facettes pour alimenter la curiosité des lecteurs de « Galaxies ». Il est à noter que le Prix Nommo a récemment été créé pour récompenser le meilleur de la SF africaine à travers quatre catégories.

Dans la partie rédactionnelle forcément tronquée pour ce numéro spécial, on retiendra surtout le papier de Didier Reboussin sur Stefan Wul, un auteur qui n’a pas fini de faire rêver les lecteurs.

Un très bon numéro de « Galaxies » consacré à la science-fiction africaine. De bonnes nouvelles souvent surprenantes, complétées par des articles et autres entretiens nous guident dans cette belle découverte.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 46 (88 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Brenoch Adams
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : mars 2017
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
2 mai 2017


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