Le major Gabriel Remes a sombré dans l’alcool. Il s’ennuie dans l’armée et, avec sa femme, le constat est le même. Il choisit de prendre une année sabbatique pour se reconstruire. Et quoi de mieux que le grand Nord pour perdre ses mauvais penchants ? Entendant parler du gars qui a fait fuir un tank près du village de Pulju - allez savoir pourquoi l’histoire plaît au major ! -, il va rejoindre Raphaël en pleine forêt.
Si ce dernier n’est pas content de cette arrivée, il change vite d’avis, car Gabriel vient du génie et sait se débrouiller. Commence alors une drôle de relation entre les deux hommes qui s’improvisent chercheurs d’or, une bonne manière d’écouler le stock de Raphaël. Rapidement, ils emménagent dans une cabane de bûcherons.
Un renard traîne toujours dans les environs et leur sert presque d’animal de compagnie. Ils le nourrissent régulièrement et lui ont donné le surnom affectueux de 500 balles ! La routine maître-serviteur qui s’est instaurée entre les deux change le jour de l’arrivée de Naska, la dernière Skolte qui a maintenant 90 ans et que les autorités veulent mettre dans une maison de retraite. Elle a préféré fuir plutôt que de subir cette humiliation. Ils n’ont pas le cœur de la renvoyer et la gardent auprès d’eux. Leur vie à tous en est changée.
“La forêt des renards pendus” est un roman de l’auteur finnois Arto Paasilinna que Nicolas Dumontheuil a adapté pour l’occasion, choisissant un rendu en bichromie particulièrement efficace. À aucun moment, un quelconque regret n’apparaît sur ce choix. Le dessin est au service d’un récit redoutable qui séduit le lecteur d’entrée. L’histoire part d’un bandit qui n’en a pas l’air et qui veut se faire oublier par un complice dangereux. D’autres personnages se greffent sur cette trame de départ et enrichissent considérablement l’ensemble. Les passages savoureux pullulent, à l’image de la première prise des pièges placés en forêt à la demande de Naska voulant occuper les hommes de la maison ou encore la fois où Gabriel comprend qu’il s’est fait berner par Raphaël...
La tente dans laquelle il s’est réfugié en pleine Laponie, et contre toute raison, est vite oubliée au profit d’une cabane en perpétuelle évolution avec tout le confort moderne. Au fil des pages, le cadre intérieur devient en totale contradiction avec l’extérieur rappelant les rigueurs de l’hiver en Laponie. Un cocon se cache en pleine forêt et constitue un havre de paix pour ceux qui y sont accueillis. La soirée de Noël se révèle particulièrement mémorable. Rien ne laissait deviner au départ que le livre pourrait en arriver là !
Nicolas Dumontheuil a su croquer chacun des acteurs de très belle façon, un simple regard suffit à les identifier. Rien que son dessin les rend attachants. Qu’ils s’entendent et deviennent des amis n’en est que plus normal du fait de leur promiscuité et les lecteurs ne peuvent que s’en réjouir.
Le titre “La forêt des renards pendus” raconte déjà une histoire. Si l’on n’y prend garde, on pourrait presque se tromper et confondre pendus avec perdus, terme moins dramatique mais qui n’aurait pas la même force et n’intriguerait pas autant. Cette BD réserve de belles tranches d’humour, certaines situations dégagent leur dose d’absurde, le trait est volontairement grossi, mais quel plaisir pour l’esprit et la vue de parcourir cet ouvrage. Bien sûr, le côté dramatique n’est pas oublié et il renforce l’esprit de groupe, proche de celui d’une famille, sans oublier l’empathie des lecteurs pour les personnages.
“La forêt des renards pendus” d’Arto Paasilinna est superbement adapté par Nicolas Dumontheuil. La qualité s’avère au rendez-vous à tous les points de vue et ce roman graphique ne se ferme pas sans une pointe de regret, car l’aventure est magnifique, poignante, riche et profondément humaine.
À consommer sans modération !
La forêt des renards pendus
Scénario & dessin : Nicolas Dumontheuil
Adaptation du roman (1983) de : Arto Paasilinna
Roman traduit du finnois par : Anne Colin du Terrail (Denoël, 1995)
Éditeur : Futuropolis
Format : 24 x 30 cm
Pagination : 144 pages en bichromie
Dépôt légal : 25 août 2016
Numéro ISBN : 978-2-7548-1581-9
Prix public : 21 €
Illustrations © Nicolas Dumontheuil et Futuropolis (2016)