La 4e de couverture était prometteuse (davantage que l’illustration), les premiers chapitres plus encore : Elizabeth est nauséeuse et malhabile depuis quelques temps. On apprend au détour d’une ligne qu’elle est souvent « invitée » dans la chambre du roi la nuit. D’où la nécessité d’herbes abortives, même si leur possession est une erreur de débutante.
Il y avait là un sillon à creuser, mais si la manipulation est bien au centre du roman, Virginia Boecker prend un tout autre chemin, bien moins original : les mages sont des boucs émissaires, et Blackwell est le vrai grand méchant, comme on le comprend dès qu’Elizabeth évoque les épreuves subies lors de sa formation de Chasseuse, à base d’illusions et de combats contre des chimères.
Malgré tous les efforts de l’autrice, l’insistance sur le sentiment d’insécurité de la jeune Elizabeth, la présence rassurante de Caleb, on peine à admettre son aveuglement devant l’évidence. L’argument « vous confronter à la magie pour vous apprendre à vous en protéger » ne suffit pas à masquer l’importance des pouvoirs à la disposition de Blackwell. On est au-delà du syndrôme de Stockholm. Son déconditionnement, qui met le temps, la fait donc basculer dans l’autre camp, définitivement, tout aussi radicalement.
J’ai énormément regretté que la grossesse d’Elizabeth passe littéralement à la trappe, tout comme ses relations avec Malcolm, à peine évoquées lorsqu’il s’agit de revenir au château (une ligne). Il y avait là un terreau original, de plus bien amené, à renforts d’ellipses et d’allusions, de quoi produire de la psychologie un peu plus poussée sur la grossesse d’une ado, les relations « forcées » avec un jeune homme de pouvoir qu’elle ne connaît pas, la perte d’un enfant certes non voulu... des choses normalement traumatisantes.
Tout cela est noyé sous le sirop habituel du triangle amoureux Elizabeth-Caleb-John, la découverte du monde forcément pas si noir des Réformateurs (le clan des mages) et le combat contre l’odieux complot ourdi par Blackwell.
Quelques personnages secondaires, comme Schuyler le revenant, sont intéressants, mais si peu explicités (son état a l’air d’aller de soi, même pour Elizabeth dont les connaissances magiques sont très lacunaires, pointues sur un sujet, nulles sur un autre) qu’on ne saisit pas pleinement les liens qui les unissent aux autres. L’abus de prénoms, de plus très communs (George, John, Peter...), n’aide pas non plus à différencier des personnages sans grande profondeur. Ils se cantonnent tous à des rôles « prédéfinis », avec différents niveaux de proximité avec l’héroïne, différentes attitudes qui évoluent plus ou moins...
Enfin, l’écriture est trop « moderne », parsemée de « au final » (quand un finalement est tellement moins laid) et autres locutions post-2010, assez souvent pauvre en descriptions, si bien que l’immersion dans ce pseudo-XVIe siècle anglais a souvent du mal à prendre, supplantée par l’action et les sentiments.
La fin est ouverte, puisqu’une suite est prévue pour l’an prochain, mais ce premier tome se suffit largement à lui-même.
Sans être forcément mauvais, ce « Witch hunter » avait les moyens de tellement plus, avec ses choix d’époque, de contexte politique, que c’est un peu dommage. Son héroïne va trop vite ou trop lentement dans ces actes et ses réflexions, nous imposant le même rythme hachée que l’écriture, alternant le sentimental et l’action pour masquer les faiblesses du fond.
Titre : Witch Hunter (the witch hunter, 2015)
Série : Witch hunter, tome 1
Auteur : Virginia Boecker
Traduction de l’américain (USA) : Sidonie Mézaize
Couverture : Stuart Polson Desing / Shutterstock
Éditeur : Pocket Jeunesse
Collection : PKJ
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 381
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 3,2
Dépôt légal : juin 2016
ISBN : 9782266249843
Prix : 17,90 €