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Alibis n°58
L’anthologie permanente du polar
Revue, n°58, polar, noir & mystère, nouvelles - articles – entretiens - critiques, printemps 2016, 160 pages, 12,95$ CAD

Ce trimestre, la partie fiction est si conséquente avec ses 7 nouvelles qu’elle atteint 100 pages, laissant peu de place aux articles et autres chroniques. Résultat : “Camera Oscura” de Christian Sauvé ne figure pas au sommaire de la revue physique ; les films d’espions en 2015, les huis-clos, les héros littéraires, autant de recensions qui sont à découvrir en ligne. Il y a quelques années, c’était son lot trimestriel. Dématérialisation provisoire ou retour à un état antérieur ? À suivre...



Sept nouvelles, mais loin d’être toute du même acabit. Certaines font vraiment léger, les auteurs se contentant un peu du minimum en terme de pages et d’intrigues et le lecteur peut se sentir frustré. “Mon cher Rémi” de Luc Dagenais tourne autour d’une mère qui éprouve l’envie de retrouver l’enfant abandonné à sa naissance et à qui elle invente mille destins. La fin tombe à plat. Dans “La mort de Capitaine Amérique”, Geneviève Blouin expose surtout le déroulement d’un combat d’arts martiaux mixtes avec ses subtilités et autres états d’âmes... et la conclusion laisse indifférent, car il est difficile de croire au déroulement qui précédait. Le plus original se situe au niveau du titre trompeur.
François-Bernard Tremblay fait aussi court, mais “Azad” possède un côté dramatique manquant aux deux autres. Cette histoire de femmes enlevées puis revendues comme marchandises s’avère touchante. Azad essaie de ne pas céder, de conserver sa fierté... Efficace et percutant.

Maureen Martineau et Estelle Valls de Gomis mettent toutes les deux en scène des femmes spéciales, affligées ou non d’un handicap et qui mènent leur vie à leur façon. Pour la première, “Marie-Marthe” vit au fond des bois et ne désire pas être dérangée, alors qu’est-ce qu’ils viennent l’em... ! Langue du cru, horreur de la situation avec une perception différente pour Marie-Marthe... un texte qui fait son effet. Belle performance !
L’invitée française du trimestre nous présente “La vie très banale de Meredith Poissard”. Au travail, cette dernière tombe sur un supérieur abusant d’une employée. Quelle sera sa réaction ? Là aussi, elle obéit à sa propre logique et n’affiche pas d’états d’âme. Le ton désabusé traduit ses pensées. À nouveau, cela sonne juste et fait mouche.

Rick Mofina nous convie à un procès au tribunal. L’interrogatoire s’égrène sous forme de Questions / Réponses. Rien à dire, cela fonctionne même si ce ne sont pas toujours les mêmes intervenants posant les questions, jusqu’à ce que l’auteur conserve ce procédé lorsque l’inspecteur répond au téléphone. Par quelle bizarrerie met-il alors cette conversation dans l’interrogatoire ? Il pèche sur la forme de “Jusqu’à ce que la mort nous sépare”, me laissant sur une déception estompant l’intérêt de ce qui précédait.

Bernard Duchesne ne se trompe pas avec son choix de couverture, exposant le début de “L’horreur ! disait Kurtz”. Comme ses précédentes apparitions dans « Alibis », Camille Bouchard nous régale d’une longue nouvelle d’une quarantaine de pages. Cette fois-ci, il ne s’agit pas des barons de la drogue d’Amérique du Sud, il nous plonge dans la République Démocratique du Congo, pays aux nombreuses richesses en métaux, exploité par les multinationales étrangères veillant sur leur intérêt, sans que les habitants ne profitent de cette manne. La vie est rude tout simplement inhumaine. À travers les recherches d’un ancien collaborateur de la DGSE, Camille Bouchard dénonce habilement cet état connu de la majorité mais accepté pour conserver son confort, même s’il faut fermer les yeux.
Impossible de rester insensible devant tant d’injustice, l’auteur nous promène en Afrique, glissant de nombreuses références à « Le cœur des ténèbres » de Joseph Conrad. “L’horreur ! disait Kurtz” se lit, se vit et laisse des traces, éveillant une possible conscience des consommateurs avides des dernières technologies. Magistral !

La Corriveau (1733-1763), condamnée au gibet pour meurtres en série, ne cesse de hanter l’imaginaire des Québécois. La cage dans laquelle a été exposé son corps a été retrouvée et authentifiée. Martine Latulippe interroge justement l’historienne Catherine Ferland sur l’épineuse question. Le cas s’avère fascinant et il est parfaitement compréhensible qu’aujourd’hui encore Marie-Josephte Corriveau devenue La Corriveau conserve toute son aura. Très intéressant !

L’entretien de Chrystine Brouillet par Pascale Raud nous permet de mieux connaître la créatrice de Maud Graham qui en est à quinze enquêtes. Belle longévité appelée à se poursuivre et l’écrivaine compte bien la laisser vieillir !

La nouvelle de Camille Bouchard vaut à elle seule l’achat de ce numéro d’« Alibis ». Comme d’autres textes sont aussi dignes de considération et que les interviews sont bien ficelés et instructifs, cette revue mérite d’autant plus d’être soutenue.


Titre : Alibis
Numéro : 58
Comité de rédaction et direction littéraire : Martine Latulippe, Jean Pettigrew et Pascale Raud
Couverture : Bernard Duchesne
Type : revue
Genres : nouvelles, entretiens, articles, critiques
Site Internet : Alibis ; numéro 58 
Période : printemps 2016
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 1499-2620
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 160
Prix : 12,95 $ CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
26 juin 2016


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